1. Abadahindwa = Ceux qui ne peuvent être refoulés.  290. L’Armée-Sociale Abadahindwa fut créée au début du règne de YUHI IV pour former sa Garde. Lorsqu’elle fut en âge de prendre part aux combats, elle se distingua par son manque généralisé de bravoure. Elle était alors placée sous le commandement de MUNENE, fils de MUTIMBO, et frère du grand favori RUGAJU. Le monarque marqua son mécontentement vis-à-vis de sa Garde en la privant de cet honneur et en lui donnant le sobriquet peu flatteur de Abadahindura icumu = Ceux qui ne savent même pas retourner la javeline. Il s’en sépara donc et la remplaça la Milice Abashakamba (n° 292), confiant les Abadahindwa  à MUNENE. Ce fonctionnaire MUNENE fut étranglé par YUHI IV; Se prévalant peut-être de la faveur dont jouissait son frère RUGAJU, MUNENE se permettait de fréquenter les épouses du monarque. Celui-ci à qui l’affaire avait été signalée, le surprit un jour en leur compagnie et l’étrangla là sous les yeux des complices, Le commandement des Abadahindwa passa à GASHIKAZI,fils du même MUNENE. Le favori était tout de même son oncle !

 

  1. A l’avènement de MUTARA II RWOGERA, RUGAJU est sa parenté furent voués à l’extermination et la Milice fut en deux tronçons; d’une part les combattants, et de l’autre les contribuables, bien que la première section retint également une portion de la seconde. Le commandement fut exercé de la façon suivante :

1°. La section des Combattants, qui avait déjà son camp des Marches à la frontière du Mubali, fut donnée à BAKIMBAGIRA, fils de VUNINGOMA. La province du Bugarura en la Préfecture actuelle de Ruhengeri était spécialement fief de Milice; mais d’autres régions de cette même Préfecture comptaient un certain nombre de ses effectifs. Le Nord étant la zoné des guerroyeurs, BAKIMBAGIRA s’y tailla une renommée sans égale et y acquit le sobriquet de Gisa n’ingwe cya Rwasa= le semblable au léopard fils de Rwasa. A partir de ce fonctionnaire, son tronçon des Abadahindwa fut jumelé avec les Abatsinzi et la succession des Chefs s’opéra comme il a été indiqué plus haut (n°277).

2°. Le tronçon des contribuables, à la mort de GASHIKAZI passa au prince NKUSI, fils de YUHI IV, qui avait précédemment supplanté RUGAJU dans le commandement des Abashakamba.Il légua ce fief à son fils RWAMPEMBWE. Lorsque celui-ci, sous KIGELI IV, fut livré au bourreau, les A badahindwapassèrent à RWANYONGA, fils de MUGABWAMBERE, alors Chef des Ingangurarugo, Garde de KIGELIIV. A partir de lui, les deux commandements furent définitivement jumelés, et la succession s’opéra comme il est indiqué à propos des Ingangura-rugo (n° 356 sq.).

Prestations :

1°. Ceux du premier tronçon : les combattants, aucune; les contribuables : 100 cruches de miel, 100 houes et 100 cruches de inkangaza (cidre de banane fermenté avec du miel) ;

2°. Ceux du deuxième tronçon : 100 charges de sorgho et 100 cruches de cidre de la même graminée. Armée-Bovine correspondante : non renseignée.

 

  1. Abashakamba = le Tourbillon.

 

  1. L’Armée sociale Abashakamba, comme nous venons de le dire, fut formée par YUHI IV GAHINDIRO, pour en faire sa garde en remplacement des Abadahindwa. Le grand favori RUGAJU, fils de MUTIMBO en obtint le commandement. La Milice occupait le camp des Marches à Nyaruteja, (province des Imvejuru, cfr.n°l95), face à la Compagnie de MWEZI IV GISABO, Roi du Burundi appelée Inzobe = Antilopes des marais, cantonnée à Kamigara, de l’autre côté de la Kanyaru. Comme RUGAJU était obligé de résider constamment auprès de son maître, il se fit remplacer par son neveu GASHIKAZI, nommé Directeur des combats et Chef Les Abashakamba furent ainsi appelés, du nom d’un groupe de Bahutu devenus fameux à l’époque, qui étaient des frères dont la mère était Nyirabashakamba. Ces hommes habitaient dans le Kilyi, en la province actuelle du Murera. Le vocable, Abashakamba était en quelque sorte leur appellation éponymique, bien que calqué sur le nom de leur mère, contre les règles en la matière.

 

293. La Milice A bashakamba comptait parmi ses membres le NKUSI, homme à tous égards aimable. Les guerriers cantonnés à Nyaruteja se révoltèrent contre GASHIKAZI et l’injurièrent gravement. Il s’en vint à la Cour dénoncer ses subalternes. Lorsqu’ ils furent appelés à comparaître, GASHIKAZI ne put trouver le témoin, car la révolte en question avait été machinée exprès, en vue d’écarter les Chefs d’alors et de réclamer le prince NKUSI à la tête de la Milice. Ainsi fut fait. Le prince remplaça RUGAJu, aux grands regrets du monarque, auquel il ne plaisait pas d’humilier Son grand favori. Mais il n’y avait rien à faire : ce dernier avait appuyé la plainte de son subalterne, et finalement la faute dénoncée n’avait pas pu être prouvée.

294.A la première Compagnie Abashakamba s’étaient successivement ajoutés les Inyambo = Vaches à longues cornes, les inyamamare-= les Fameux, puis Rwamutwe = les Élites. Ces derniers furent recrutés par le prince NKUSI. Il y ajoutera les Imbungira-mihigo = les Rechercheurs des hauts faits, commandés en second par le prince RUBEGA, frère puîné de  NKUSI, et qui, sous MUTARA II RWOGERA, seront à l’apogée de leur renommée (cfr. n°197). Sous MUTARA IIRWOGERA, le prince NKUSI recevra l’ordre de fixer un camp des Marches dans la province du Mutara, face au Ndorwa ; le camp sera établi à Rubungo, en direction Nord-Ouest de Gabiro. A l’avènement du nouveau monarque, en effet, le camp de NYARUTEJA revient toujours à sa propre Garde, et la précédente doit aller s’établir ailleurs.

La Milice Abashakamba s’illustra dans les traditions guerrières,aussi bien par ses exploits nombreux, que par son esprit. A lui s’attacha particulièrement la renommée du beau mot et de l’humour ; on colporte partout les traits attribués aux membres de cette Milice, qui en échangeaient même pour rire sur les champs de batailles.

  1. A la mort de NKUSI, sous MUTARA II, le commandement passa à son fils RWAMPEMBWE. Celui-ci se compromit en principe lors de l’intronisation de KIGELI IV, en suivant la politique de son oncle le prince NKORONNO, frère puîné, celui-ci, de MUTARA II. Ce prince fut ensuite impliqué dans les intrigues ayant abouti à l’assassinat de la Reine Mère (n°334). KIGELI IV le condamna, secrètement à mort, mais on craignit de s’attaquer au puissant prince au risque d’allumer une lutte meurtrière, car il commandait une Armée de valeur qui lui était très attachée, celle des Inzirabwoba. On décida en conséquence de le tuer à l’étranger, au cours d’une expédition. Le Roi en proclama une à cet effet : ce fut la fameuse expédition de mu Litoau Burundi. Les Chefs NDIBYALIYE (n°221), NYAMUSHANJA (n° 306) et RWAMPEMBWE, à la tête de leurs Milices respectives étaient chargés d’exécuter le plan : le prince NKORONKO et sa Milice faisaient partie de ce groupe d’Armées. NDIBYALIYE devait donner l’ordre d’envahir le Burundi, et une fois en terre étrangère, on devait massacrer NKORONKO et rentrer au Rwanda. Mais RWAMPEMBWE mit son oncle au courant de ce plan et NKORONE0 ne voulut plus se mêler au groupe. Il campa à l’écart et organisait la marche de sa colonne séparément lorsqu’on donnait l’alarme.

296. KIGELI IV mis au courant de la situation donna l’ordre d’engager une bataille contre les notables du Burundi, RUGIGANA et MAKARA, et de rentrer au pays. Une enquête révéla la culpabilité de RWAMPEMBWE, qui fut arrêté et exécuté en 1873, année qui précéda la Comète de Coggia. La mère de ce Chef, appelée KABYAZA, se suicida. Elle donna son nom à la Comète-Rwaka-byaza= Celui appartenant à Kabyaza, car l’astre était considéré comme un présage de malheurs, que cette femme allait déclencher en guise de représailles.

A RWAMPEMBWE succéda MUHAMYANGABO, fils de BYABAGABO. Il était membre de la Milice et pas des plus considérables, puisqu’il exerçait à l’époque la fonction d’échanson au service de son prédécesseur. Aussi eut-il du mal à se faire accepter. Il resta cependant longtemps en place, à cause de la faveur royale, et subsidiairement, grâce au système de répression et de terreur que le monarque déchaîna, à l’intérieur de l’Armée contre les sympathisants de RWAMPEMBWE, et tout particulièrement contre ceux de l’immense Famille des Abahwege. Une fois que tout cela se calma aux environs de 1885, la Milice, en bloc, rejeta MUHAMYANGABO et obligea son maître à le remplacer.

 

297. A la place du destitué, KIGELI IV nomma MUHUZI, fils de SEBIRERA, un membre très considérable de la même Milice. Mais quelque cinq ans plus tard, il fut condamné à mort. Son successeur fut KABARE, fils de RWAKAGARA. Mais ces jours-là même, avant que le nouveau Chef n’entrât effectivement en fonction, le monarque livra au bourreau le Chef SEKARAGWENYERA, fils de NYAMUSHANJA (fils, celui-ci, de RWAKAGARA, et demi-frère de KABARE). SEKARAGWENYERA était alors le Chef des Uruyange, Milice que KABARE convoitait le plus, parce que devenue fief familial. Il venait justement d’épouser la princesse KAMARASHAVU, fille de KIGELI IV et on ne pouvait rien lui refuser. II obtint le commandement des Uruyange et renonça immédiatement à celui des Abashakamba. Il s’agissait de deux Milices tellement importantes, qu’une personne ne pouvait en assumer le commandement en même temps. Ce fut au moment de remettre sa démission qu’il reçut l’Armée-Bovine Impeta, liée aux A bashakamba, tandis que ces derniers passaient au prince RUTARINDWA fils aîné de KIGELI IV; le prince allait être bientôt après intronisé comme co-régnant sous le nom de MIBAMBWE IV. Les Impeta ayant fusionné depuis longtemps avec les Umuhozi, il fut impossible de faire le partage et le Chef KABARE y renonça en faveur de RITTARINDWA (cfr. H. A. B. nu 39, p. 23). MIBAMBWE IV RUTARINDWA, une fois intronisé, confia le commandement effectif à RUTISHEREKA, fils de SENTAMA (cfr. n°136) ; il le lui donna définitivement en 1895, à la mort de KIGELI IV, car alors il prenait en mains les affaires du pays, devenant monarque à la place de son père. Ce RUTISHEREKA ne fut pas reconnaissant envers son bienfaiteur, car il joua un rôle déterminant dans le Coup d’État de Rucunshu et fut le principal artisan du triomphe de YUHI V MUSINGA.

  1. Cependant après le triomphe de Rucunshu, les vainqueurs se divisèrent en Partis farouchement opposés, dirigé, respectivement par KABARE et par son frère aîné RUHINANKIKO. Le Parti de ce dernier triompha bientôt et RUTISHEREKA, partisan de KABARE, tomba le premier. Il fut exécuté avec quelques-uns de ses fils et parents en 1899, tandis que la Cour se trouvait à Mukingo; dans la province actuelle du Busanza-Nord. Son commandement passa alors à SEBUHARARA, fils de RWAMPEMBWE, membre du Parti triomphant. Nous savons que son père RWAMPEMBWE avait commandé la Milice jusqu’en 1873. Mais quelques années plus tard, en 1903, le Parti de KABARE eut le-dessus, RUHINANKIKOtomba en disgrâce et fut éloigné de la Cour. Il avait été victime d’une procédure toute nouvelle, qui donna chance à KABARE alors exilé au Bugesera. Les Autorités allemandes avaient donné un sauf-conduit à un personnage du Gisaka, appelé MPUMBIKA. Ilétait appelé à la Cour et il craignait pour sa vie. RUHINANKIKO alors tout-puissant, mit l’homme à la torture et massacra ses compagnons. Les Autorités allemandes ripostèrent en imposant une amende à YUHIV MUSINGA, seul responsable à leurs yeux. Quelle humiliation, et cela à cause de ce RUHINANKIKO qui ne comprenait rien à rien, Ses adversaires le harcelèrent tant et si bien, que la Cour appela d’urgence KABARE à la tête des affaires. Le Parti de RUHINANKIKO dut payer cher son triomphe antérieur qui avait été sanglant. La vengeance fut terrible, Mais SEBUHARARA fut simplement destitué : il était tellement populaire qu’on n’osa pas aller plus loin. Et on savait que le Roi, alors jeune homme déjà conscient des affaires, aimait SEBUHARARA ; on ne pouvait le tuer sans s’exposer à la vengeance du monarque, dès qu’il prendrait en mains le pays.
  2. SEBUHARARA fut cependant malicieusement poussé à la révolte, afin que sa mort ne fût pas imputée au Parti. Se croyant en danger de mort, il décida de s’exiler. Sa Milice lui était tellement attachée, qu’elle décida en sa très grande majorité à l’accompagner à l’étranger. Se joignirent à eux les membres du Parti RUHINANKIKO, qui n’attendaient rien de bon de ce KABARE triomphant. Le groupe avait cependant son mauvais génie, le Chef CYAKA, fils de BIHUTU, fils celui-ci de NKUSI. Ce CYAKA venait d’être destitué avec son cousin. Leur marche vers le Ndorwa bouscula les guerriers postés sur leur chemin. Les premières batailles gagnées, CYAKA refusa d’accélérer la marche : il pretendait ne partir qu’après avoir vaincu tous les Chefs guerriers, à l’exemple de SEMUGAZA sous YUHI IV GAHINDIRO. Nous avons déjà fait allusion à l’anéantissement complet du groupe, à Rwata près Gahabo, en 1905 (cfr. n° 274). L’élite de l’Armée Abashakambapérit aux côtés de SEBUHARARA qui, dans la dernière phase de la lutte, disait mélancoliquement, faisant discrètement allusion à la fatuité de CYAKA : « Et dire que depuis hier, nous serions déjà loin d’ici, hors de tout danger !

Le successeur de SEBUHARARA fut son arrière-oncle, RWANGEYO, fils de NYILINDEKWE, fils, celui-ci de YUHI  IV GAHINDIRO. Il légua sa fonction à son fils CYITATIRE, auquel suiccéda HAJABAKIGA. Ce dernier étant mort prématurément, son frère NTWARABAKIGA lui succéda, Il est encore en vie. Armée-Bovine correspondante : Umuhozi (H. A. B. n° 27-30).

  1. Prestations : La Milice en tant que telle, aucune, car elle était affectée au service actif permanent. Mais en raison de fiefs annexes :

1) La section appelée ibisumizi _Lutteurs eu corps à corps: 100 cruches d’hydromel et des peaux d’animaux, trois fois par an. Le commandement subalterne fut initialement confié au nommé VUNINGOMA, auquel succéda son fils SEMANYENZI qui vivait sous KIGELI IV RWABUGILI.Son fils et successeur appelé NSANZUMUHIRE fut exécuté sous YUHIV MUSINGA, à la suite d’un procès en vendetta. Il habitait à Bizu dans la province actuelle du Bwishaza.

2) La section appelée Abatananirwa = les infatigables : 50 cruches de miel et 50 nattes ordinaires, trois fois par an. Elle a été créée par NYIRAKIMANA, l’une des femmes de YUHI IV GAHINDIROet mère du prince NKUSI. Elle en fit fief, par amitié, à son amie NYIRAKATABIRORA, alors femme de GAGA. A la mort de ce dernier, son fils RWAKAGARA (n° 303) l’épousa en secondes noces. De son premier mariage elle avait eu une fille appelée MUCYABO (n° 337). A la suite du remariage avec KWAKAGARA, les Abatananirwa furent placés sous le commandement subalterne de son fils CYIGENZA. Celui-ci légua la dignité à Son fils KAMPAYANA, qui mourut sous MUTARA III RUDAHIGWA. Ces fonctionnaires subalternes, quelque fût la dignité de chacun, de par ailleurs étaient sous les ordres du Chef des Abashakamba quant au commandement de la présente section.

3) Abafata-mpili= les Faiseurs de Prisonniers : Veiller au recrutement de jeunes béliers et de taurillons destinés aux consultations divinatoires à la Cour. Cette section fut créée par le prince NKUSI qui la plaça sous les ordres NKUBITO ; celui-ci légua la dignité à son fils MULIMABIGONDO, qui en fut dépossédé en décembre 1896 lors du Coup d’Etat de Rucunshu : il avait défendu la cause de MIBAMBWE IV RUTARINDWA. Ce commandement subalterne fut alors donné à un certain KIMONYO, qui le légua à son fils MUGARA.

  1. Uruyange = la Floraison.

301. L’Armée-sociale Uruyange fut créée sous YUHI IV, par son grand favori RUGAJU, fils de MUTIMBO. La toute première Compagnie qui donna son nom à la Milice, ainsi que la deuxième appelée Indinda 1, (car la même Armée aura plus tard celle des Indinda II), prirent part à l’expédition désastreuse de ku Muharuro au Burundi. La milice formait groupe avec les Abashakamba sous le commandement de Rugaju en personne ; les deux ensembles furent les seules à rentrer avec leur Chef au cours de la première et de la deuxième et vaine tentative de battre les BARUNDI. On Se rappellera que, après le premier désastre, YUHI IV envoya une deuxième expédition pour venger la précédente, et que cette fois-là encore les Rwandais furent battus et que le Chef KABAKA des Abakemba décida de ne pas rentrer une deuxième fois avec son Armée intacte (cfr. n°170),

302.Sous Je même règne encore, les Uruyange furent envoyés contre MURALI, prince du Ndorwa, qui avait établi sa résidence à Bukire, dans la province actuelle du Mutara. Cette fois-là l’expédition était organisée avec un pari d’importance entre RUGAJU et MARARA, fils de MUNANA, ce dernier à la tête de ses Intaganzwa. L’épisode nous a été conservé par un poème épique et par un chant guerrier de l’époque. Les deux Chefs avaient mis en jeu leurs têtes et leurs commandements : qui perdrait le pari serait tué et ses biens seraient attribués au vainqueur. Le Chef MARARA parvint à gagner : il attaqua le premier la résidence de MURALI et le tua. Mais au retour, le pari n’entra pas en ligne de compte : le vainqueur déclara qu’il s’agissait en réalité d’un stratagème destiné à fanatiser le courage de leurs guerriers.

  1. A l’avènement de MUTARA II RWOGERA, RUGAJU fut destitué et condamné à mort, mais il se suicida, au moyen d’une boisson que lui apporta son gendre KAREGA, fils de KALIGATA. Il privait ainsi ses ennemis du spectacle qu’ils se promettaient de son exécution. Ses nombreux commandements servirent à créer plusieurs Chefs. Ayant appris comment la Cour avait distribué ses possessions, il commenta, moqueur : « Je le comprends mieux maintenant ; je suis innocent, mais le nouveau monarque avait d’innombrables affamés : ce fut ma seule faute ». Les Uruyange qui nous intéressent ici furent donnés à RWAKAGARA, fils de GAGA, qui deviendrait l’ancêtre éponyme des Abakagara. Il était frère de NYIRAMAVUGO II NYIRAMONGI, la nouvelle Reine Mère. A la mort de MUTARA II, ce fonctionnaire joua un rôle magnifique, désintéressé, en plaçant son Armée du côté de KIGELI IV, alors que l’intérêt privé lui commandait de soutenir le prince NYAMWESA. Il mourut autour de 1865, année où la fête des Prémices fut célébrée à Nyarubuye (quartier du mont Kigali) et après le départ de l’expédition dite des Eaux= Igitero cy’amazi, dirigée contre le Ndorwa ; il y avait une telle abondance de pluie (ce devait par conséquent être après la mi-septembre) que les Armées en marche se heurtèrent à des rivières qui avaient débordé ; d’où l’appelletiondonnée à l’expédition.
  2. Le commandement des Uruyange passa alors à GIHARAMAGARA, l’ainé du disparu ; le nouveau fonctionnaire avait déjà dirigé la Milice sous le règne précédent durant la guerre de la conquête du Gisaka. Mais un peu avant la mort de RWAKAGARA, la désignation de son successeur fut pratiquement imposée par le Monarque qui tenait GIHARAMAGARA en grande estime, surtout à cause de son courage personnel, en harmonie d’ailleurs avec son nom qui signifie : Celui qui expose sa vie au danger mortel. II sera cependant tué assis tranquillement dans une case, devant un bon feu, au cours de l’expédition dirigée contre le Butembo, en 1874, année de la comète de Coggia. Le motif de sa mort: l’expétion avait poussé plus loin que prévu, car KIGELI IV qui y prenait part, désirait savoir ce qu’il y avait au-delà de la forêt bordant le Buhunde à l’Ouest (région du Congo, direction N-0 du lac Kivu). Les membres de l’expédition n’eurent plus de contacts avec le Rwanda et le ravitaillement qui fut envoyé ne put les atteindre : on en avait complètement perdu les traces et on s’inquiétait à juste titre de ce qui avait pu arriver. Mais la colonne de ravitaillement des Uruyange, à force de chercher et de s’informer, avait pu enfin apprendre par, où l’expédition avait pénétré dans la forêt. Elle s’y engagea et finit par déboucher sur l’éclairière où le monarque campait. Pour échapper à la mort par la faim, Ies Rwandais vivaient principalement de la chasse, des grains d’une ‘ plante que les aborigènes cultivaient. Le Roi décida de l’importer et ce fut notre petit-pois (Le petit-pois, d’abord appelé amâshaza, parce que cultivé initialement à Rubengera et dans la province du Bwishaza dont it était le chef-lieu, modifia dans la suite sa tonalité en amashaza. Vu qu’il est d’introduction récente, il n’entrait pas en ligne de compte pour payer les redevances ou prestations politiquement dues par les Milices). GIHARAMAGARA fut donc ravitaillé, maisil décida de tout garder pour lui. Le gros de la colonne s’était évidemment caché dans la forêt, n’envoyant que quelques personnes dans le camp pendant la journée. Les vivres et les cruches de bière ne devaient rejoindre le Chef qu’à la faveur de la nuit guidés par les éclaireurs.
  3. En apprenant l’arrivée de ces gens du Rwanda, le Roi avait dit à GIHARAMAGARA : «Il paraît que vous avez été ravitaillé. Tout ce qui vous est arrivé doit être consommé en commun par tout le monde et il en sera de même du ravitaillement que chacun pourra recevoir ». Le Chef avait juré par la vie du Roi, qu’il avait simplement reçu des messagers venus à la recherche de l’expédition, afin de rapporter de ses nouvelles au pays qui vivait dans l’inquiétude. Le Roi n’insista pas, mais il fit surveiller les abords du camp. Dès que la caravane arriva la nuit dans le camp des Uruyange, le monarque en fut averti. Il s’y rendit en compagnie de tous les Chefs qu’il avait appelés chez lui à cet effet. GIHARAMAGARA fut surpris pendant qu’il dénombrait les charges de vivres et les cruches de cidre, d’hydromel et autres, Comme il avait juré parla vie du Roi en sachant bien que c’était un parjure, son compte était réglé. II fut tué incontinent et tout le ravitaillement fut réparti entre ses compagnons d’armées.

306, Le commandement des Uruyange fut alors donné à son demi-frère NYAMUSHANJA. Nous savons déjà que l’année précédente, ce NYAMUSHANJA, commandant en second les Uruyange, avait pris part à l’expédition de mu Lito, au Burundi. Il était cependant de la catégorie des Chefs de par ailleurs, car en dehors des Isumo, section quasi, autonome des Uruyange, il détenait la Milice Pastorale des Abanyabushobora (H. A. B. n° 1 158). Le voici donc à la tête de tous les Uruyange, en qualité de Chef titulaire. Il sera tué au Bushi, durant l’expédition de Mu Kanywilili, autour de 1881, sur le même champ de bataille que NYILIMIGABO, des Intaganzwa (n° 317). Comme les Uruyange ne perdirent à cette bataille aucun guerrier de grand nom, KIGELI IV considèrera la Milice comme ayant fui et abandonné son Chef, et tous ses membres seront condamnés àpayer une amende : chacun une tête de gros bétail, appelée en ce cas inka y’umurindi= la vache des pas de course, ou en d’autres mots : amende pour poltronnerie. Les Intaganzwa échappèrent à pareille infamie, vu que plusieurs notables étaient tombés aux côtés de leur Chef. Les Uruyange furent alors donnés à SEKARAGWENYERA, fils de NYAMUSHANJA. Il tomba en disgrâce et fut livré au bourreau en 1890, tandis que KIGELI IV se trouvait à Ngeli, dans la province du Nyaruguru, après avoir intronisé comme co-régnant son fils MIBAMBWE IV RUTARINDWA. Cet événement coïncida avec l’éclipse totale de soleil, du 22 décembre 1889. SEKARAGWENYERA était tombé victime de son oncle KABARE, membre de la Garde Royale, qui aspirait à devenir le Chef des Urayange (cfr. n° 297).

  1. Sous le Chef KABARE, les Uruyange se distinguèrent spécialement dans deux expéditions : celle dite de ku Kidogoro au Bushi, où les Indinda II, cantonnés dans le même camp que les Imbungira-mihigo II de l’Armée Abashakamba, mirent en déroute des guerriers au moins trois fois plus nombreux, venus les déloger. On loue la manière dont RUTISHEREKA, alors Chef en second des Abashakamba, dirigea et gagna cette bataille inégale. Les blessés étaient ramenés au camp par des voies détournées, et les combattants tenus en réserve ne s’en rendirent compte qu’à la fin de la bataille. Les Uruyange se distinguèrent une dernière fois à l’étranger lors de l’expédition contre le Nkole, en 1895, la toute dernière du règne de KIGELI IV.
  2. Il serait superflu de rappeler que cette Milice joua un rôle de premier ordre dans le Coup d’État de Rucunshu ; le Chef KABARE était l’âme du Parti du prince MUSINGA et son Armée le soutenait. Notons que la disgrâce de KABARE, de 1899 à 1903; ne lui fit pas perdre son commandement. Au contraire, lorsqu’il fut envoyé en exil au Bugesera, sous prétexte de défendre cette zone contre les incursions du Chef Cyoya (un Urundi), KABARE s’y rendit avec tous ses guerriers. La Milice prit égalerement part à la bataille de Rwata, en 1905, où furent écrasés les Abashakamba qui escortaient SEBUHARARA et CYAKA vers l’étranger (n° 299). Le contingent des Uruyange n’avait pas sérieusement pris part aux batailles des jours précédents : le gros de ses effectifs arriva sur les lieux au cours de la nuit qui précéda la bataille finale, ef il était commandé par MPETAMACUMU, fils de KARURANGA. KABARE mourut le 29 mars 1911, à Nyanza, son Grand Quartier Général d’où il dictait ses volontés à tout le pays.

Son commandement passa à son fils NYANTABANA. Celui-ci, quelques années plus tard, mourut de tuberculose. Son fils BANGAMBIKI étant encore mineur, les Autorités belges désignèrent RWABUTOGO, fils de KABARE, pour être Son tuteur et exercer le commandement en son nom. BANGAMBIKI était devenu majeur depuis longtemps et avait pris ses propres affaires en main, lorsque RWABUTOGO mourut le 25 décembre 1945.

Armée-Bovine correspondante.; Ingeyo (H, A. B, n° 157,p. 87),

  1. Prestations la Milice en tant que telle, aucune prestation, en raison du service guerrier permanent. Mais en raison de fiefs annexes :
  2. I) a. La section dite Ababasha = les Puissants :100 cruches de cidre de bananes (ou de sorgho) dont 40 fermentées au miel ; trois fois par an. Cette section dont le contingent habitait dans l’Itabire (province Rusenyi-Itabire), fut confié par RUGAJU au nommé RUTUGANCURO fils de MUHIRWA, qui, sous RWAKAGARA, légua sa fonction à KIBIZI, celui-ci à SEMPABUKA, auquel succéda KAYIJAMAHE, père de RUBWEJANGA, dernier responsable du groupe.
  3. Les Ababasha situés à l’Est de la Nyabarongo, que RWAKAGARA confia à son frère KARURANGA, auquel succéda son fils MPETAMACUMU, dont l’héritier était MULIGO (jusqu’en décembre 1923) ; la section comprenait les chasseurs commis à la garde de Icyanya ou Parc réservé (forêt entre Kigali et Rwamagana).

Prestations: des écuelles, des pots à lait et des peaux d’animaux sauvages, en nombre indéterminé,

  1. Les Ababasha situés dans la boucle de la Nyabarongo (Préfectures de Nyanza et de Gitarama) et dans les régions montagneuses du Nord, confiés par RUGAJU à BUTAMIRE, qui légua la fonction à SENKOMANE, auquel succéda BIZANA, père de RUTERANA, dernier responsable du groupe, mort sous MUTARA III RUDAHIGWA. Prestations : 80 cruches de cidre de sorgho, trois fois par an.

 

  1. 2) Isumo = la Cascade, section créée par RWAKAGARA, et dont les effectifs étaient principalement concentrés dans la province actuelle du Marangara. Les Isumo constituaient une quasi-milice, vu leur importance. RWAKAGARA les plaça sous la haute direction de son fils NYAMUSHANJA; celui-ci devenu Chef des Uruyange, passa sa fonction à son frère CYIGENZA, auquel succéda RWIDEGEMBYA, son héritier. Toutefois les Isunno étaient plus immédiatement commandés par une Maison, à titre héréditaire, dont le dernier représentant fut RUKIKAMPUNZI, fils de MUTSINZI, fils de MAHEMA, celui-ci ayant été le premier titulaire. Le fils de RUKIKAMPUNZI, appelé NGAYABERURA, fut écarté par RWIDEGEMBYA, qui donna la fonction au nommé SEBUDODOLI, fils de MUSHARWANGONDO, auquel succéda son fils Gashabana.

Prestations : Construction et entretien de la case de la Cour appelée Rugendo. Une cruche géante d’hydromel appelée Rwagaterengeli, de la capacité de 6 cruches portables, redevance de ceux habitant le Bwishaza, Préfecture actuelle Kibuye. Une autre géante appelée Rugina, de la capacité de 6 cruches portables, redevance de ceux habitant le Rukoma, Préfecture actuelle de Gitarama ; cette dernière était du cidre de bananes. Singoma = Je ne me révolte jamais, cruche géante ordinaire (capacité d’au moins 2 cruches portables), redevance de la Maison même de Mahema ;

La masse de la section : 30 cruches environ de miel ; 400 cruches environ de cidre de bananes.  A la récolte de haricots ou de sorgho, remplir un grenier géant  de produits non battus. A part l’entretien de la case Rugendo et l’emplissage du grenier; les autres prestations des Isumo étaient livrées trois fois par an.

 

  1. 3) Abarera, groupe ainsi appelé du nom de KARERA, qui habitait à Gisanga dans la province actuelle du Nduga. Ce personnage fut désigné à cette fonction subalterne par RUGAJU, sous YUHI IV GAHINDIRO. Le groupe devait 20 à 30 cruches de bière de sorgho, mais d’une fermentation spéciale et fortement sucrée. Ces cruches portaient l’appellation collective de Ibyigenge= les indépendants. Elles étaient immédiatement consommées par les enfants présents à la Cour au moment où la redevance y était présentée,

 

  1. 4) Abahigi-Iyoga= les Chasseurs-à-cidre. Cette section fut formée par le Chef RUGAJU, sous YUHI IV, lorsque ce monarque lui confia le service de Cour composé de Abahigi-Iyogera= les Chasseurs-à-Grelots. Ceux-ci étaient réellement des chasseurs, détenant la meute lmogo, laquelle avait été créée par MIBAMBWE III SENTABYO, père de YUHI IV. Pour que le resporisable subalterne de cette meute pût avoir un standing de vie en rapport avec sa qualité de « fonctionnaire de Cour », RUGAJU créa la section à redevances. Il semble que l’appellation initiale appliqué aux seuls chasseurs (détenteurs de la meute Imogo) ait été simplement Abahigi. Les précisions diversifiantes de lyoga à prestations en cidre, et Iyogera à Grelots (les chiens de chasse opèrent avec des grelots attachés au cou), semblent avoir été ajoutées par RUGAJU, pour distinguer sa section personnelle, du Service de Cour dont il avait été chargé. Il confia les Abahigi-Iyoga à BUTAMIRE, dont la descendance géra l’héritage dans l’ordre indiqué au n° 309-c.

Prestations :

  1. Une cruche géante d’hydromel, de la capacité d’au moins 3 cruches portables, trois fois par an ;
  2. 50 cruches de cidre de bananes fermenté au miel, trois fois l’an.

 

  1. Abazimya = les Extincteurs.
  2. L’Armée-Sociale Abazimya fut créée sous YUHI IV GAIIINDIRO en faveur de RUGAGI, fils de RUTABANA et frère de la Reine Mère. On ne sait s’il s’agissait d’une formation créée alors, ou si le noyau en fut antérieur à ce règne. Les effectifs de la Milice étaient surtout répandus dans le Nduga (Préfectures actuelles de Nvanza et Gitararna) et dans la province du Budaha (Préfecture de Kibuye). En ce qui concerne cette dernière zone, les traditions nous fournissent une explication rationnelle de cette présence. Lorsque mourut MIBAMBWE III, le pays souffrait d’une grande famine. RUGAGI s’en alla de chez lui (région du Nduga), pour essayer de se ravitailler en vivres dans la province du Budaha. Il n’était accompagné que d’un seul serviteur et il n’avait aucun objet à troquer contre les vivres. Arrivé dans le Budaha, il sollicita au hasard un logement chez un habitant de la région. Ce dernier demanda à l’hôte la raison de son voyage: l’ayant appris, il eut pitié du voyageur respectable qui s’en allait ainsi à la dérive. Le lendemain matin il lui fit cadeau de quelques charges de vivres et fui donna des porteurs. Mais au moment où on allait se mettre en route, un messager rejoignit RUGAGI pour lui apprendre que sa soeur NYIRATUNGA venait d’être désignée comme Reine Mère et qu’elle réclamait sa présence à la Cour. RUGAGI en pleura de joie et dit à son bienfaiteur : « Maintenant, ce sera mon tour ! Vous devez m’accompagner ». Ils s’en allèrent donc à la Cour ensemble et RUGAGI donna à son bienfaiteur les vaches que sa soeur lui accorda; ce dernier devint ainsi, dans le Budaha, le recruteur des sujets de RUGAGI qu’il représenta dans la suite.

 

  1. RUGAGI fut tué sous le même règne durant la désastreuse expédition de ku Muharuro au Burundi. Son fils et successeur – désigné, appelé MUKOTANYI, périt avec son père. Le commandement des Abazimya devait passer à BINAMA, fils de MUKOTANYI ; mais BINAMA mourut bientôt après. Le favori RUGAJU, fils de MUTIMBO, sollicita ce commandement qui restait sans titulaire et il l’obtint de fait ; mais sur l’intervention de RUZIGAMANZI, fils de RUBONA, YUHI IV se ravisa et fit comprendre à son puissant ministre qu’ils devenaient, tous les deux, la risée de tout le pays. Le commandement fut alors donné à MUYORANGABO, lejeune fils de RUGAGI. Les fils de BINAMA étaient trop jeunes et inconnus de la Cour. MUYORANGABO légua son commandement à son fils NDEKWE, dont la mère était NYAKIMAGA, fille de YUHI IV. Le successeur de NYANDEKWE fut GASHUMI3A ; celui-ci fut tué à Rucunshu, en défendant MIBAMBWE IV et le fief passa à son fils ‘GIHINIRA. A ce dernier, mort il y a quelques dizaines d’aimées, succéda son fils RUBAYIZA. Celui-ci est mort en 1961.

Prestations : aucune précision n’a été recueillie à ce sujet. Armée-Bovine correspondante : Ibiheko (non recensée dan H. A. B.)

 

  1. Intaganzwa = les Invincibles.  315. L’Armée-Sociale Intaganzwa fut créée par YUHI IV GAHINDIRO, qui en apanagea MUNANA, fils de GIHANA, mais de la même mère que le monarque lui-même (cfr. n° 219). Nous savons que MUNANA lui-même était physiquement incapable de donner du lustre à la Milice naissante ; aussi faudra-t-il attendre son fils MARARA, qui prit le commandement dès sa majorité sous YUHI IV, pour avoir quelques faits précis. Sa Compagnie appelée Abahura-mbuga, sous le commandement subalterne de NYAGATANDA, fit parler d’elle à l’occasion de la lutte contre le prince SEMUGAZA. Elle fixa son camp des Marches à Rwata près Gahabo, d’où elle acquit le surnom de Amakombe y’i Rwata=les Taureaux en pleine force, de Rwata. Elle y avait succédé aux  Abakotanyi anéantis par les Urukatsa de SEMUGAZA. Cette même Compagnie fut le principal instrument de la victoire remportée sur MURALI, prince du Ndorwa, lors du pari entre RUGAJU et, MARARA. Le Chant guerrier auquel il a été fait allusion, nous a conservé les noms et les éloges guerriers d’un certain nombre des membres de ladite Compagnie.

 

  1. Sous MUTARA II RWOGERA, le Chef MARARA tomba en disgrâce ; il fut exilé de la Cour et placé en résidence forcée à Bitsibo près Janjagiro, dans la province actuelle du Buganza-Rukalyi. Son commandement passa à MBAGALIYE, petit-fils de RWAMO (cfr. n° 221). La même mesure, à l’occasion de mêmes intrigues, avait frappé le Chef NYIRAMPEKA (cfr. n° 254). Mais les Intaganzwa supportèrent avec peine de devenir une Milice de seconde main, vu que le nouveau fonctionnaire favorisait davantage ses Abalima. Aussi profitèrent-ils d’une occasion inespérée pour sortir de l’impasse. MUTARA II prenait alors part à une partie de chasse dans la province actuelle du Mayaga et devait passer par Mututu, où se trouvait la résidence de MBAGALIYE Les Intaganzwa de marque organisèrent alors une espèce de jeux enfantins, conformant des plans d’enclos sur le sable et ne faisait aucune attention à la présence du monarque qu’ils ne daignèrent même pas saluer. Comme il les connaissait bien, il les interpella et leur demanda ce que signifiait pareille attitude. Ils répondirent : « C’est de votre faute ! Vous nous avez réduits à la condition que voici en nous privant de notre Chef ! Et ils éclatèrent en sanglots. Le monarque en fut profondément ému et il rappela immédiatement MARARA qui rentra en possession de ses commandements.

 

  1. Ce fonctionnaire mourut sous le règne de MUTARA II, en léguant sa fonction à son fils NYILIMIGABO. Ce dernier joua un rôle de premier plan dans les événements ayant entouré l’avènement de KIGELI IV. Il fut le favori puissant du règne et il fut mêlé à d’importants événements, qui n’avaient évidemment rien de commun avec le gouvernement de sa Milice. Il fut tué par les Bashi, au cours de l’expédition dite de mu Kanywilil; sa Milice qui formait le même groupe que les Uruyange perdit plusieurs notables, tandis que NYAMUSHANJA, Chef de cette dernière Armée était tué seul (cfr. no 304).

 

  1. Ce fut cette mort de NYILIMIGABO qui provoqua la chute des Chefs NTIZIMIRA et KINIGAMAZI (cfr. n° 127 et 83), ainsi que la condamnation d’innombrables membres de la Garde Royale. Tous ces gens avaient été accusés d’avoir isolé intentionnellement la colonne NYILIMIGABO-NYAMUSHANJA, afin de faire Ppremier, en vengeance des condamnations à mort antérieures dont avait été l’instigateur. Son successeur fut son fils aîné BIHUTU.
  2. Parmi les favoris de KIGELI IV cependant, il y avait NZIGIYE, ancien serviteur de NYILIMIGABO, qui s’en était séparé dans de très mauvaises conditions. Il n’était pourtant pas son sujet direct, car il dépendait d’abord de RWIGENZA, frère de MARARA. Ce RWIGENZA avait torturé NZIGIYE et l’avait destitué ; le malheureux s’était recommandé au Chef GACINYA, et il servait de messager intime entre ce dernier et KIGELI IV. Ce fut dans I’exercic de cette fonction que le monarque l’aima et le demanda à GACINYA. A la mort de NYILIMIGABO, l’habile courtisan se fit l’accusateur des coupables, vrais ou supposés, mentionnés à l’alinéa  précédent. Il vengeait en apparence le Chef disparu, mais en réalité il en voulait à NTIZIMIRA; KARUGU, fils de ce dernier, avait évincé RWATANGABO, fils du même NZIGIYE, en épousant MUTEGARABA, fille de GACINYA.  NZIGIYE tenait tellement au mariage de son fils avec la fille de son ancien maître ; l’alliance projetée avait une grande signification à ses yeux. KARUGU n’avait cependant rien fait de lui-même : la jeune fille qui se trouvait à la Cour lui avait été donnée spontanément par KIGELI. Ce fut dans la suite une inimitié mortelle entre NZIGIYE et la Famille de KARUGU, et il finit par la détruire.

 

  1. S’étant cependant vengé, en apparence pour venger NYILIMIGABO, NZIGIYE n’oubliait pas les anciennes tortures qu’un représentant de cette Famille lui avait infligées. Il persuada KIGELI IV de destituer BIHUTU et de donner le commandement au jeune fils de NYILIMIGABO, appelé NTURO. Le candidat de NZIGIYE répondait, à ses yeux, à un triple désavantage, dont le premier était qu’il n’était pas l’élu de son père ; étant donné que la désignation de l’héritier suivait un oracle des devins, un successeur imposé était censé être de mauvais présage. Ensuite, s’agissait d’un jeune enfant qui mettrait du temps à grandir et à s’imposer ; entre temps les biens de la Famille pourraient péricliter. Enfin, NTURO était né d’une femme de moindre condition: lorsque NYILIMIGABO la prit, elle était la veuve de son frère SEBITORYI. Il la fréquentait en somme à l’instar de concubine. De ce fait, il ne manquerait pas de se produite des oppositions et de se créer des inimitiés, puisque les fils d’épouses de grande condition, dont BIHUTU homme fait, rompu aux affaires de son rang ne se laisseraient pas évincer sans essayer d’intriguer.

 

  1. Sur ce dernier point, les calculs de Nzigiye, — notons que je traduis ici les informations obtenues et qu’il ne s’agit pas de mes propres commentaires, — les calculs donc de Nzigiye se réalisèrent. NYILIMIGABO avait été tué autour de 1881 ; sous le règne de KIGELI IV, qui avait désigné NTURO (NZIGIYE appuyait ses suggestions sur le fait que NTURO ressemblait fort à son grand- père MARARA), le commandement effectif fut laissé à BIHUTU. NTURO ne prit les affaires en mains que vers la fin du règne. Dans les préparatifs du Coup d’État de Rucunshu, il était du côté du futur YUHI V MUSINGA, car le jeune Chef s’était placé sous la protection de son ami KABARE. En 1899, lorsque RUTISHEREKA fut arrêté et exécuté à Mukingo, NTURO fut également arrêté, gardé à vue, puis relâché. Il fut le seul, avec KABARE, qui ne furent pas destitué lorsque le Parti de Ruhinankiko triompha. BIHUTU était cependant son adversaire et se trouvait dans le Parti vainqueur. Les gens bien placés nous ont expliqué la raison de cette exception : NTURO aurait échappé à la destitution en raison de son appartenance à la descendance du Libérateur GIHANA. On se rappellera que, après la bataille de Rucunshu, le Chef NDIBYALIYE fut épargné pour ce motif, alors qu’il avait défendu MIBAMBWE IV (n° 222). Il faut supposer que les oracles divinatoires avaient été défavorables à la destitution, vu que pareilles décisions n’étaient jamais prises sans que la Cour ait organisé des consultations du genre.

 

  1. Peu avant 1910, les Intaganzwa furent chargés de ramener l’ordre dans le Ndorwa, que troublait les bandes d’une femme appelée NYIRAGAHUMUZA. NTURO s’y rendit à la tête de la Compagnie Imbabaza-bahizi = Ceux qui imposent l’affliction aux rivaux ; ils fixèrent leur camp à Rutobo ; la région était habitée par les Abagina (voir à la fin de ce paragraphe) qui dépendaient du même Chef que les Intaganzwa. Pauvres défenseurs de la frontière ! Pendant qu’ils se démenaient en pacifiant la zone sur le plan indigène, ils étaient en compagnie de la Commission de délimitation intercoloniale, qui était en train de démembrer le Royaume et d’attribuer au moins le cinquième de son territoire à l’Uganda Britannique ! Mais c’était là des opérations dont l’effet serait finalement compris beaucoup plus tard, après la première Guerre Mondiale. Le Chef NTURO exerça son commandement assez longtemps, jusqu’à sa mort en 1943. Son fils BWANAKWELI lui succéda. Il est encore en vie.
  2. Prestations : La Milice en tant que telle, aucune, en raison du service guerrier permanent. Mais en raison de fiefs annexes :

1) La section des Bahutu: appelés Ibisumizi = les Lutteurs en corps à corps, formés à la même époque que les Intaganzwa: 15 cruches d’hydromel, une fois par an. Leur dernier commandant subalterne fut Mwimba, fils de RUGEMANCURO.

2) La section appelée Abace, parce que placée initialement sous Ie nommé BICE dont la descendance se transmettait héréditairement la fonction : 15 cruches de cidre de sorgho, 15 paniers de cette graminée non battues une fois l’an, pendant l’été. Le dernier fonctionnaire subalterne d’importance fut SEBAHARA, fils de MATABARO. Il mourut en 1919 à Tabora où il dirigeait une caravane de porteurs.

3 )Ingera (Le terme Ingera, sous sa forme de nom commun, signifie la grande cruche de cidre, que, lors de la présentation des prestations à la Cour, chaque Milice donne, à titre de « petit-frère de la cruche géante ». La cruche géante (intango) est de la capacité d’au moins trois cruches portables. La cruche ingera est elle-même portable, mais beaucoup plus grande que la masse des cruches qui suivent. Ingera est ainsi de la catégorie intermédiaire et elle est unique par convoi. C’est ce nom que la présente Section portait à l’état de nom propre ) : 15 cruches de cidre de sorgho et 15 paniers de la graminée non battue, une fois l’an, pendant l’été.

 

  1. 4) Les Abagina : 200 vaches par an, pour les pasteurs, et 100 peaux d’animaux sauvages pour la section des Bahutu.

Il s’agit des Bahima pasteurs et semi-nomades du Mutara et du Mhororo, dont la presque totalité des effectifs a été rattachée à l’Uganda par la délimitation intercoloniale. Leur nom Abagina était plus familial que guerrier. Leur commandant subalterne au début du siècle était KATARAYIHA, fils de KAYINAMURA fils de RWANYEGAMO, dont le père était KAGINA, duquel le groupe a tiré son nom. La région était soumise au Rwanda depuis KIGELI III NDABARASA, à qui KAGINA se recommanda. Mais ce fut sous YUHI IV GAHINDIRO que le Chef MARARA, à la suite de sa victoire sur MURALI, obtint ce commandement ; les habitants de la région furent collectivement élevés au rang d’un groupe guerrier.

Armée-Bovine correspondante Uruyenzi (H. A. B. no 148).

 

 

 

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