{:fr}Cagneux

Le cagneux est dénommé Nyamitego ; on dit aussi ugendera mitego en parlant de lui. Il en est de même pour le bancal (imitego = pluriel de umutego : piège).

On croit pouvoir affirmer que la mère de cet infirme a brûlé, alors qu’elle était enceinte, un piège ou un rondin quelconque. Il n’est pas indiqué non plus qu’elle passe par-dessus ces objets, mais si elle le faisait par inadvertance, il lui resterait la ressource d’en prélever un éclat et de le porter au cou jusqu’à la naissance de l’enfant, et celui-ci ne présentera pas de malformation des jambes.

CANITIE

Pour empêcher les cheveux de blanchir, se frotter le crâne avec la dépouille d’un merle métallique appelé umunoga.

CHAMPIGNONS

Les champignons sont généralement préparés à l’eau salée, cuits avec des haricots ou simplement grillés. Ils entrent surtout dans l’alimentation des femmes et des enfants, dit-on ; en tout cas, les hommes qui en consomment ne sont pas admis dans la compagnie des « gens bien ». De plus, celui qui en a mangé avec de la pâte de sorgho ou des patates douces ne boira pas de lait ce jour là, car la vache serait vite atteinte de plaies et crevasses au pis, comme le sont les champignons.

 

La coutume veut qu’en voyage, si l’on passe près d’une termitière sur laquelle de petits agarics blancs imegeri ont poussé, on en cueille quatre : deux seront

placés au-dessus de chaque oreille et tomberont chemin faisant ; la raison d’agir ainsi est d’éviter de rêver de termitière, cela étant de mauvais présage dans ce pays. S’il se trouve là des ibihumyo, espèce plus grande, on en extrait la partie centrale du chapiteau, tandis qu’on laisse les champignons sur place ; toutefois, on peut les emporter et les manger à la maison.

On estime que les champignons qui poussent dans la hutte ne sont pas mangeables, même s’ils appartiennent à une espèce comestible, et quand on en voit sous le lit, il est bon d’aller chercher conseils et remèdes magiques chez le mage umuhannyi.

Signalons en passant que les gens, hommes ou femmes, dont le nom est composé d’un nom de champignon, ne mangent jamais de cette variété de champignons ; ainsi, le nommé Kamegeri évitera de manger des imegeri. En principe, il en est de même pour tout individu auquel on a donné le nom d’un animal ou d’une plante.

Les Ruandanais  (rwandais ndlr) distinguent fort bien plusieurs espèces de champignons comestibles, des espèces vénéneuses ; les cas d’empoisonnement à la suite d’ingestion de ces cryptogames sont réputés rares.

 

Voici les espèces reconnues comme étant comestibles :

ikyobaou igihumyo ; imegeri (croît sur les termitières) ;intyabire (ne se trouve pas partout) ; indenganzira (moins apprécié) ; nyiramurondo ; ibihepfu (dont les Pygmées sont presque les seuls à manger). On nous a encore signalé la variété ibitsitsori.

Une espèce vénéneuse appelée ubwoba ou la peur, entre dans la composition d’une crème de beauté.

Enfin, quelques espèces de licoperdons sont connues : ifuma gatamura, dont on se servait pour la préparation d’un breuvage destiné au Mwami du Ruanda, et mutumoemployé en pharmacologie.

Chose curieuse, on ne dit pas que les champignons poussent kumera ; on se sert du verbe gupfa, ce qui pour tous autres végétaux, signifie qu’ils sont gâtés ou perdus.

CHARBON

Sous cette rubrique, il nous paraît intéressant d’aborderla médecine vétérinaire populaire.

Le spécialiste qui possède les moyens de protéger lebétail et les gens contre la maladie du charbon s’appelleumukingizi w’ubutaka (de gukingira : fermer pour, intercepter,vacciner et ubutaka : terre).

Autrefois, l’opération s’accomplissait chaque annéeà des époques différentes suivant les régions. Cetteaffection, alors très répandue dans ce pays d’élevage qu’est le Ruanda, tend maintenant à disparaître, grâceà la campagne de vaccinations anticharbonneuses entreprisespar les services du Gouvernement belge.

Les éleveurs de bétail connaissent deux formes decharbon :

1) Ubutaka bwa Nyamukuka ou charbon symptomatique.En parlant des gonflements de la vache, ils disent: inkha yatunguye.

2) Ubutaka bwa Nyamukanura, à évolution rapide,vraisemblablement le charbon bactéridien aigu. D’aprèseux, la bête a les veines rompues : inkha yakanutse. Ilsajoutent qu’elle est victime du mal qui s’est dressé des profondeurs de la terre : inkha yabyukiwe. Ils en citent les symptômes : gonflements, tremblementsviolents, affaissement, hématurie, épanchements divers, naseaux remplis de spumosités sanguinolentes,cadavres ballonnés, etc.

Quels sont leurs opinions à ce sujet ? La plupartdéclarent que la maladie n’est pas transmissible à l’homme; aussi doit-on lutter pour les empêcher de consommerles bêtes mortes, même d’un cas avéré de charbon.Fréquemment encore, il arrive que l’animal mort estenfoui le jour et promptement déterré la nuit. On n’en laisse pas le moindre morceau, bien que, dit-on, lesang ait un aspect peu engageant et que la viande sembleavoir été cuite. Il y a évidemment obligation d’incinérerle cadavre, mais la tentation d’en laisser subsister une partie reste forte.

Cependant, certains reconnaissent que l’homme peutcontracter le charbon, mais ils s’abstiennent de mentionnerle vrai nom de la maladie, de crainte d’éveiller lacontagion. La pustule se désigne sous les termes ububi, ikirashiet igikacha ou anthrax.

Le caractère infectieux de la maladie chez le bétailne leur échappe pas, mais ils croient que les germesmorbifiques sont apportés par le vent ou mystérieusementtransmis par la terre, ce qui justifierait son nomubutaka.

Quand un petit foyer semblait s’allumer ça et là, ondécidait de ne plus attendre. C’était généralement unnotable qui donnait le signal du rassemblement du bétailen vue de la vaccination collective. A partir de ce moment,tout comme en temps d’épidémie et d’épizootiegraves, les relations sexuelles étaient strictement interdites,car les gens chauds sont réputés augmenter lesdangers inhérents à ces phases critiques : tout le troupeauserait anéanti et les malades perdus.

Nous avons connu plusieurs spécialistes de la maladiedu charbon, dont les nommés My o t si du village deBubazi et M b in d o de Rubengera dans le Bwishaza. Ce dernier surtout était renommé pour toutes sortes depratiques de sorcellerie. De plus, B u d id ir i, ancien détenteurde troupeaux dans le Buganza, nous a expliquéen détail l’opération du gukîngira ubutaka, venant confirmer ou compléter ce que nous savions déjà.

L’opérateur s’avance en laissant échapper un flot deparoles sacramentelles. Il a la figure bariolée de traitsconsacrés blancs ; il est paré des attributs de sa qualitéde disciple de la divinité du pays Ryagombe, celui-ciintermédiaire entre Dieu et les hommes. Il est coifféd’un chapeau umukako, en l’occurrence une queuede mangouste Ichneumon albicauda = igiharango, et ceintd’une peau de mouton ou d’une livrée de bête fauveretenue en bandoulière. Il agite avec frénésie ses grelotset trois minuscules courgettes montées sur un bâton qui les traverse ; elles contiennent des graines de cannaou des pierrettes : c’est là l’instrument qu’on appelleurunyege et cher aux griots ; il sert à tenir les mauvaisesprits à distance.

A sa ceinture pendent deux petites calebasses au colrenflé = intenderi ; l’une contient l’alexipharmaque ouisubyo, l’autre le vaccin ou urukîngo. Un aide le suiten portant deux torches : la première n’a pas encoreservi, mais la seconde est brûlante. Le raisonnementest simple : cette dernière représente le « feu » de lamaladie dont l’intensité sera atténuée par la fraîcheur del’autre.

Tout en continuant son agitation, l’officiant se dirigevers l’abreuvoir. En passant, il arrache une feuille debananier, le limbe va servir à envelopper sa médecine.Il en prépare un paquet qu’il promène à la surface del’eau. Il parle toujours avec volubilité, évoquant legrand inventeur du remède, un ancien Prince illustredu Ruanda :

Nkingiye inkha ubutaka !       Je protège les aumailles contre le charbon !

Ngiy’isubyo ya Ruganzu                  Voici le remède de Ruganzu

N’iy’abahanga                        C’es celui des savants maîtres

Ikura ubutaka mu nkha !        Qui ôte le charbon chez le bétail

L’officiant a cueilli ses herbes la veille. Il emploie les feuilles seules ou les plantes entières : umusubyo, umushayshiyi,umuchuchu, imichasuka, umutagara, umubagabada,et enfin la liane umuhorôro de couleur foncée qui vient relier les vertus des précédentes. Elles serviront, sur une couche de litière du bétail, à enfumer les bêtes dès leur retour du pâturage.

Avant de quitter ses clients, il leur abandonne un peu de médecine dans une torche en paille bien protégée par une gangue de bouse. Ainsi, en cas d’épizootie, on pourra parer au plus pressé.

Quand la vaccination se montrait inefficace, et qu’une bête venait à crever, tout le troupeau quittait immédiatement les lieux pour aller s’établir dans un endroit frais et éventé, la chaleur étant de toute façon mise en cause. Et si une épizootie éclatait, malheur au spécialiste qui pouvait être mis à mal. On appelait alors un de ses confrères avec l’espoir qu’il serait plus puissant.

Ce dernier prélevait des parcelles tant internes qu’externes d’une vache morte : peau, muscles, viscères. Il les déposait sur de la litière et recouvrait des plantes précitées pour les brûler. Des branchages dispersaient la fumée entre les vaches qui l’aspiraient à pleins poumons.

 

Mé t h o d e c u r a t iv e .

Cuire jusqu’à formation d’écume les plantes umubagabaga et umutagara dans un peu d’eau. Introduire la main dans le rectum pour en retirer les bouses, puis la pousser plus avant pour aiderla médecine à couler dans l’intestin libéré.

Préparer une décoction d‘umusange et à’umuretezaho. En verser un peu dans une oreille d’un côté, dans le naseau du côté opposé, dans la bouche ensuite, l’usage voulant que les incisions, ventousages et autres opérations ne soient jamais pratiquées unilatéralement.

Se procurer une queue d’un animal alerte comme le lièvre ou urukwavu ou, de préférence, le cadavre entier d’un animal à odeur vireuse, le poecilogale agasamunyigatrouvé mort ; une tête de vipère très dangereuse comme la Bitis arietans = impiri ; la peau d’un animal très agile, tel le cercopithèque ordinaire inkende ; un morceau de peau ou de naseau d’une bête repoussante comme l’hyène impyisi. Des chardons ibitovu et des

Asparagus = imishabishabi ; une plante dumuhurura (de guhurura : se précipiter, répondre à l’appel pour la défense ou pour la guerre). Remarquons ici la correspondance des noms, c’est là un exemple courant de la magie des mots.

Se rendre à un endroit désertique. Sur les végétaux, déposer les ingrédients, puis bouter le feu et s’enfuir au plus vite pour éviter de respirer les émanations maléfiques. Revenir ramasser les charbons refroidis, les réduire en poudre. Conserver dans une torche en paille neuve et entourer de bouse.

L’opérateur pratique des incisions sur les gonflements et communique son impulsion bénéfique en crachotant sur les plaies. A l’aide de son petit doigt, il introduit la poudre et recouvre de beurre frais.

Ensuite, il retire le contenu du rumen d’une bête morte ; il l’étend sur le sol. Il pique dedans :

1) Une perche qui a servi au transport d’un mort :

Uyu muntu n’agaruka i musozi,       Si cet homme revient sur la colline,

Ubutaka buzagaruka mu nkha z’aka n’aka  Le charbon reviendra parmi les  vaches d’un tel et tel !

2) Une branche d‘uruheza :

Ruheze bwa butaka,                        Qu’il fasse disparaître ce charbon,

Bureke gusubira mu nkha !              Qu’il ne revienne plus chez les vaches !

 

3) Feuille et fleur du bananier de teinte foncée igihuna :

Ik i n ’igihuna,                        Ceci est Yigihuna,

Ubutaka buhore buhunikira ! Que le charbon somnole continuellement !

Rappelons que cette espèce de bananier est censée posséder l’étrange pouvoir d’assoupir celui qui en consomme la bière et d’obnubiler les facultés du cerveau.

4) Une houe usée jusqu’à la soie est surnommée uruhezi ; elle trouve ici son utilité :

Ni rushobora kuba umujyojyo,                  Si elle peut redevenir neuve,

Ubutaka buzongera kuba bushya !           Le charbon se renouvellera !

5) Une tige d’une plante grasse ireke :

Naretsa ubutaka mu nkha z’aka n’aka    Je ferais cesser le charbon chez les

vaches d’un tel et tel…

Mbugize ireke !                                 Je le rends inopérant !

Quand à MBINDO , il préférait administrer ses remèdes secrètement de bon matin avant la sortie du troupeau. Malgré toute sa science et son pouvoir, lui aussi craignait les puissances occultes. Il employait les plantes suivantes: ivuya, mukuru, ikizimyamuriro, ngingwijana,ichyumwa des vallées, bugangabukari. Il les pilait et mélangeait à de l’urine des vaches (amaganga) et à de l’eau chambrée de la veille qui s’est identifiée avec l’atmosphère sympathique des lieux.

Son vaccin curatif se composait des plantes ikwarara, igikongeri, igitovu et umukeri, avec de la suie et dubeurre frais comme excipient. Il pratiquait des incisions sur l’épaule droite de chaque animal, mouton compris, en commençant par les plus âgés et en se servant du couteau du propriétaire. A l’aide de l’auriculaire droit agahera, il introduisait le vaccin dans les plaies, puis en frottait la nuque et le crâne en disant :

A k a n ’agahera,                    Ceci est l ’agahera,

Ngaheza ubutaka,                            Je réduis le charbon à néant,

Ubutaka bwa hasi,                 Le charbon d’en bas,

N’ubwo hejuru !                       Et celui d ’en haut !

Ubutaka bwa Nyamukuka,     Le charbon de Nyamukuka,

N ’ubwa Gatamura.                 Et celui de Gatamura !

Aux vachers, il présentait à respirer une poudre sternutatoire contenue dans un petit panier agaseke, ce qui les faisait éternuer fortem en t. MBINDO frottait ensuite leur front et leur poitrine avec son vaccin en les mettant en garde contre les graves dangers qu’il y ava it pour eux à essayer de préparer les drogues, en lançant cette formule imprécatoire :

 Bugangabukari igangahurwan’uyizi! =

Bugangabukariest employée par qui la connaît

Utayizi ikamuganga m unda! =

A qui l’ignore elle déchirerait les entrailles !

Na kyugi  kya Mukingizi=

Et la porte du Connaisseur

Gikingurwa n’ukyizi !=  Est ouverte par qui la connaît

Utakizi kikamukindura !   Celui qui l’ignore, elle le frapperait de mort

Pour rappeler qu’il était également spécialiste en matière de protection contre la foudre = umugangahuzi,MBINDOrenforçait son intimidation en brandissant avec force gestes une porte miniature en vannerie. Il prélevait aussi quelques poils au front des animaux, il les amalgamait avec de la bouse de vache et les introduisait dans un étui de bambou qu’il bouchait avec du beurre. En présence des bouviers, il s’agenouillait près du feu réservé au bétail. Dans la cendre, il enfouissait l’objet et le recouvrait de bouse et de terre. Il fichait ensuite son bâton ferré magique dans le feu et monologuait:

 Ngo mposhe Nyamukanura=Afin que je fasse déguerpir Nyamukanura

Na Gatamura=                     Et Gatamura

Ibyo hasi byambukije=  Tout ce qu’ils ont fait lever d’en bas

N’ibyo hejuru=            et d’en haut

Le couteau qui a servi, ainsi que le petit doigt de l’opérateur, devaient être passés à la flamme pour enlever toutes traces de souillures ou d’attaches avec le mal.

Au même titre que le bétail auquel ils sont mystérieusement liés, le propriétaire, sa femme et les gardiens du troupeau reçoivent une dose de médecine, mais ce n’est pas tant pour les protéger eux-mêmes que pour éviter qu’ils ne deviennent une source de contamination pour les vaches !

T r a it em e n t  d u  c h a r bo n  chez  l ’h omme.

Réunir les cadavres : d’un petit oiseau, le bengali ifundi ; d’un grand oiseau, le héron cendré uruyongoyongo ; d’un animal puant, le poecilogale agasamunyiga.

Griller : des baies à surface rugueuse de l’arbuste à épines inyamaheri ; des baies rouges et très amères de l’arbuste à épines ibitagarasoryo.

Emietter le tout dans une écuelle et mélanger avec de la suie. En frotter les pustules et introduire dans les incisions pratiquées tout autour.

Couper une très grande plante d’une labiacée igichumuchumu (Leonotis sp.) avec beaucoup de noeuds sur latige. En froisser les feuilles et donner à boire avec unpeu d’eau.

De deux oiseaux très différents dans leurs dimensions, le bengali ifundi et le héron cendré uruyongoyongo,prendre les plumes et un os. Les entortiller dans des herbes fines ishinge (Eragrostis). Allumer cette sorte de torche avec une braise ardente provenant du foyer. Faire aspirer la fumée cinq fois par jour. A cette composition, on peut ajouter une lanière de peau d’hyène ou la faire fumer séparément.

Recourir aux soins du magicien du ciel umukingizi, qui administrera une potion avec bugangabukari, ivuya, mukuru, ngingwijana. Au-dessus d’une écuelle d’eau, frotter un gros caurisikirezi sur une meulette à grains ; lancer deux jets decette eau sur le bubon. Porter le cauris en sautoir. Porter au cou un morceau d’os d’éléphant inzovu, ou bien un os de Thirionomys swinderianus = inkezi.

CHENILLE (URTICAIRE  PRODUIT  PAR  LES  POILS  DE LA)

Pour enlever les poils introduits sous la peau, un peu de bouse séchée ou des cendres feront l’affaire. On conjure l’enflure en jetant au feu la chenille en cause, attendu que son action est brûlante. Le verbe kubabaemployé à cette occasion signifie passer à la flamme :

ikinyabwoya kyambabye, la chenille m’a brûlé.

CHIRURGIE INDIGÈNE

Les interventions chirurgicales se résument à peu de choses. Tout au plus connaît-on des spécialistes qui savent amputer un orteil ou un doigt. Dans les accidents graves, fractures compliquées avec grands délabrements, on se contente de placer des attelles et de soigner la plaie = kwomora, mais on n’enlève pas le membre.

Les Ruandais désignent les fractures simples ou compliquées, luxations, foulures, par un même mot, imvune, tiré du verbe kuvunika, se briser, et par imvuney’inkashukano, pour un nouvel accident se produisant à un endroit anciennement fracturé ou luxé. Remettre un membre se dit kwunga, employé du reste aussi au sens figuré.

Traitement d’une fracture. Mâchonner quelques herbesUgutwikumwe (l’oreille unique) ou karimikamwe (la seule languette), avec un peu de sel de marais.

Partager en deux une baie d’une solanée inyamaheri ou umutobotobo ; déposer les feuilles mâchées sur chaquemoitié du fruit.

Faire des incisions aux parties fracturées ; frotter le membre avec les morceaux de baie. Le rebouteux prononce :

Uranywa amata, biramera,              Tu bois du lait, ça pousse,

Urarya ibijumba, biramera,              Tu manges des patates, ça pousse.

Urarya ibishyimbo, biremera,          Tu manges des haricots, ça pousse.

Urarya imboga, biramera,                Tu manges des légumes, ça pousse

Urarya umutsima, biramera…          Tu manges du pain, ça pousse…

 Joindre les morceaux du fruit. Ficher, dans un trou des poteaux de l’entrée de l’enclos, le bout du manche d’une spatule de ménage et l’opérateur continue :

Uko hasubiranye,                                      Comme les parties sont jointes,

Nikw imvune isubirana…                 Ainsi la fracture se remet

Préparer une sorte de gouttière à l’aide de lattes de bambous. Si la fracture est ouverte, on fait un pansement avec des feuilles salées et écrasées d’umugombe, de ngingwijana, d’umusororo. Sur une fracture fermée, faire

des fomentations avec des feuilles d’euphorbe umukoni passées à la flamme ; répéter pour activer l’action duremède.

 

COEUR

On l’appelle umutima. Ce terme s’emploie aussi au figuré pour marquer les dispositions de l’âme : affection, amour, courage, etc. : kugira umutima — avoir du coeur,du courage.

Les indigènes croient que le coeur est un organe respiratoire (cf. Agonie). Les maléficiers l’utilisaient dans leurs pratiques de sorcellerie. A cette fin, les Pygmées se chargeaient de l’extraire des cadavres humains.

La légende raconte que SABIZEZE dit Kigwa, le premier ancêtre des Abâmi du Ruanda, était issu du cœur d’un taurillon bénéfique sacrifié dans l’Empyrée par les augures de NKUBA ou la Foudre personnifiée. Comme remède contre les maladies de coeur, nous avons entendu parler de la lobélie ou intomvu.

 COLIQUES

Brûler des racines de Typha ou umuberanya. Faire passer de l’eau sur les cendres disposées sur un tamis, puis la bouillir jusqu’à évaporation complète. Au fond de la marmite, il reste un dépôt salé = umunyu w’umuberanya.Mélanger ce sel à du lait d’une vache sans cornes pour l’administrer au malade.

CONJONCTIVITE

Le pus examiné a révélé la présence du bacille de WEEKS. Les indigènes croient, eux aussi, à l’existence d’animalcules visibles à l’oeil nu, bien qu’ils aient leur habitat à l’intérieur du crâne. Ils n’éprouvent aucune difficulté à expliquer que si l’enfant se gratte la tête avec ardeur, c’est que là se trouve l’irritation, et que la grosse question est de l’en débarrasser. Par contre, on ne s’occupe guère des soins à donner aux yeux, l’exsudat pathologique étant attribué à la défécation de ces bestioles malfaisantes. Cette conception de la maladieleur a fait adopter le traitement suivant.

L’enfant est transporté dans l’arrière-cour, la tête complètement rasée, et couché sur des feuilles vertes de bananier. Ordinairement, c’est la mère qui se charge de l’opération. Elle a préparé un petit pot d’eau chaude et une poignée de branchettes fleuries d’isonga, auxquelles elle a ajouté un bout d’épi vide de sorgho umushishiw’umuhitira. Le tout bien ficelé est trempé dans l’eau

chaude versée sur une feuille de bananier, puis, à l’aide de ce bouquet humide, on frappe à petits coups la tête légèrement soulevée de l’enfant, comme si on voulait l’épousseter. On recommence deux, trois fois, en ayant soin de renouveler l’eau qui doit rester chaude. L’opération se fait deux fois par jour, jusqu’à ce que l’enfant soit calmé, « cesse de se frotter la tête ». On dit que la guérison survient ! On termine par un lavage complet du corps à l’eau chaude, yeux compris. On observe attentivement la feuille de bananier pour y découvrir les bestioles ou udusimba, qui ressemblent à du frais de grenouille ou à des oeufs de puces-chiques. On secoue les feuilles pour que les graines d’isonga lèvent à cet endroit et donnent naissance au moins à un arbrisseau, signe favorable pour la santé de l’enfant ; le cas contraire lui serait de mauvais présage. Aussi, en saison sèche, veille-ton à arroser cet endroit. Le bouquet est mis à sécher dans la paroi de la hutte familiale et non n’importe où.

Une femme enceinte qui aurait à soigner un de ses enfants devra écraser un peu de la plante d’isonga et en boire le jus, pour éviter au foetus semblable maladie.

CONVALESCENCE

 Personne n’accepterait de déclarer qu’il va mieux, de crainte que la maladie le reprenne. La rechute est plus dangereuse que la maladie initiale. Un varioleux se cache, car s’entendre dire qu’il est presque guéri lui serait pronostic fatal.

CORYZA

Qui est atteint d’un rhume de cerveau prend une feuille de chardon qu’il couvre de ses sécrétions, puis il la dispose au plafond de la hutte. On croit que leur dessication entraînera, par analogie, la guérison du mal.

On traite aussi le coryza par prises humides de tabac de Rujoka. Le produit est préparé avec de l’urine de taurillon refroidie, émise depuis la veille ou le matin de son emploi. Faire macérer quelques feuilles de tabac pendant deux heures ; les écraser à l’aide d’un roseau propre. Verser le macératé dans la paume, en remplir successivement les deux narines, aspirer fortement pour

faire pénétrer dans la tête et dans l’intérieur.

Les gens de l’Urundi font, en général, un usage quotidien de cette prise spéciale. Le nez, pincé au moyen d’une baguette fendue, retient le liquide pendant delongues minutes. Un bout creux de corne de taurillon contenant la substance euphorique fait partie de l’équipement de route de tout voyageur Umurundi : c’est dire qu’il ne s’en sépare guère.

CRÈME DE BEAUTÉ

On l’appelle amadahano ou imbiribiri. Elle est à base de beurre et de parfums divers. Elle est employée pour les soins de la peau et présente l’avantage d’assouplir et de nettoyer en évitant l’usage de l’eau, à laquelle on a recours le moins souvent possible.

La préparation de la pommade n ’est pas laissée au mains de quiconque. Chez les Abatutsi et chez les autres gens de bonne condition, elle est l’affaire des spécialistes. Longtemps à l’avance, on recueille les divers ingrédients dont plusieurs sont rares. Les graines, herbes et racines sont soigneusement mises à sécher au soleil, puis rangées dans une calebasse spéciale.

En quoi consistent les aromates ou imibavu ?

Intareyirungu (Loganiacée : Strychnos reticulata ; emploi des baies rouges.

Amadehe ou amadihe : graines de Canna, très dures.

Imibazi, graines bien mûres de Monechma subses ile.

Ibiskyete, emploi des rhizomes blancs.

Inyakabanda, idem.

Umugeshi (Hagenia abyssinica).

Umushishi (Symphonia globulifera) ; emploi des racines ou ikyome.

Ishangi ; emploi de la résine.

Umugereko (Piptadenia Buchanani).

Ces quatre derniers sont des arbres de la grande forêt. On prélève des éclats de leur tronc et des pelures de racines.

 Umushuguno, arbre des régions volcaniques dont le principe odorant se trouve dans les racines.

Umusagavu (Fagara sp.). Des morceaux de racines sont chauffés et tenus à la façon d’un bâton de cire ; il en découle une sève aromatique : amarirangege.

Dans la forêt on rencontre, mais assez rarement, une sorte d’amadou très parfumé : ikigurwamutima (de kugurwa : être acheté et umutima : coeur). Ce sont les Pygmées qui le trouvent, lorsqu’ils s’aventurent au loin pour la chasse.

Enfin, quand la préparation est terminée, on ajoute encore du jus de l’arbuste inkâte, provenant de la région du Bufumbira.

La préparation = ukudaha, de la crème de beauté, requiert assez de travail et de patience. Les graines bien pilées, racines et morceaux de tronc, ont été déposés la veille dans un grand plat en bois = indembera, de forme allongée, qu’on a préalablement enduit de boue noire tapissant l’abreuvoir et le tout est recouvert d’un peu d’eau.

Au matin, on apporte une sorte de grande assiette en terre cuite, remplie de braises ardentes ; les aromates sont placés dessus. De « bons poumons » se relayent pour provoquer une abondante fumée qui pénètre et imprègne un grand morceau de tissu libérien de Ficus =ikizana, étendu au-dessus de ce foyer sur une grande claie ou un énorme panier à claire-voie = ikigara. Ce tissu végétal aura été imbibé de beurre frais mélangéd’une poudre provenant de plantes et de graines déjà citées. On peut y ajouter de la menthe sauvage ivuya. La résine ishangi est mélangée au beurre en tout dernier lieu.

Le feu est alimenté jusqu’à vers deux heures de l’après-midi par l’apport renouvelé de braises. Le lendemain et le surlendemain, tout reste en place, ce n ’est que le troisième jour que l’on recommence l’opération ; on agit ainsi pendant tout un mois. De temps en temps, on froisse le tissu pour mieux l’imprégner. Enfin, deux valets aux poignets solides, après s’être dûment lavé les mains, saisissent Yikizana et le tordent ; la crème coule dans des courges réservées à cet usage et dénommées amatchwende. Au fur et à mesure des besoins, on en prélève un peu dans de petits vases en bois appelés imikondo.

Pendant le travail, il faut éviter que trop de fumée ne passe au travers de la claie ou du panier. On ne peut davantage éternuer, sinon le parfum perdrait sa bonne odeur.

Pour la toilette, on se nettoie tout d’abord au beurre ordinaire ; on termine par une onction au beurre parfumé. Autrefois, les femmes et les jeunes filles faisaient un usage fréquent d’isakare, urine fermentée de vieille femme, en friction sur tout le corps, sauf bien entendu sur le visage. La peau rendue nette était passée à la pommade, puis doucement essuyée avec un bout de

tissu végétal pour enlever l’excès.

Une opération à peu près analogue a lieu chez les paysans Abahutu, les aromates coûteux étant remplacés par des racines parfumées de ronce imikeri ou d’herbes fines comme l’Eragrostis flaminggi ou ishinge, ainsi quepar le papyrus imfunzo avec de la menthe sauvage et de l’inkurume.

On parfume également certains vêtements de peau à l’usage des femmes en les étendant, enduits de beurre, au-dessus des braises avec les aromates, c’est le kwosa.

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