Dès le début de notre carrière au Ruanda, en 192, nous avons été amené à avoir des contacts directs avec les indigènes. Nous nous sommes efforcé de nous familiariser avec leur langage et de comprendre leur genre de vie.

Nous avons parcouru le pays en tous sens et avons habité plusieurs régions pendant des années : Rukoma, Nduga, Busanza, Nyantango, Bwishaza, Buganza, Kisaka,etc.

En 1927, nous avons entrepris, à l’est du lac Kivu, l’assainissement de plusieurs collines que la maladie du pian ravageait. Ultérieurement nous avons visité, entre autres, les populations des territoires de Nyanza et d’Astrida pour le recensement médical et la campagne antipianique menée par le Gouvernement, et avons pris part à la lutte contre diverses épidémies.

Que ce soit à l’occasion de notre service en brousse, à l’hôpital ou lors de nos visites dans les enclos, nous n’avons pas manqué d’observer et de confronter les renseignements provenant de sources différentes. Nous avons assisté personnellement à telle ou telle cérémonie pour mieux en saisir la portée et en recueillir tous les éléments.

On a reconstitué en détail devant nous des scènes rituelles après en avoir recréé l’ambiance. Dans une hutte ad hoc, à l’abri des oreilles indiscrètes, des magiciens et des magiciennes nous ont expliqué avec gravité leurs pratiques de magie et les guérisseurs, leurs modes de traitement. Lorsqu’on questionne le Ruandais sur ses croyances, lui pourtant si communicatif à l’ordinaire, fait alors preuve de discrétion sous une ignorance feinte, et répond évasivement : « Ndabizi P Qu’en sais-je ? » Le Noir ne livre pas ses secrets de prime abord. Il faut gagner sa confiance, agir avec une habileté qu’on n’acquiert qu’en se familiarisant avec sa psychologie, si l’on veut recevoir ses confidences. Et, dans ce domaine, la connaissance de la langue est des plus utiles, sinon indispensable. Pour le Ruandais livré à lui-même, la vie est une lutte incessante, une défense passive contre les maladies qui l’assaillent et qui sont souvent le résultat du manque d’hygiène élémentaire. C’est en même temps un combat contre le monde des esprits et les forces hostiles de la nature censées être à l’origine du mal. Mais, actuellement, il manifeste une confiance de plus en plus grande vis-àvis de nos méthodes de traitement, tant préventives que curatives.

Il arrive cependant que, par chance ou par expérience, le guérisseur indigène trouve le remède qui convient : de ce fait, il acquiert une renommée que des échecs ultérieurs ne viendront pas diminuer.

Nous devons aussi reconnaître les vertus bienfaisantes de certaines plantes — la cueillette des simples en est un exemple chez nous ; mais leur utilisation est souvent confondue avec des représentations et cérémonies magiques qui en dissimulent la valeur proprement curative.

Le raisonnement analogique, la loi de similarité, la magie des mots jouent leur rôle ; un désir exprimé avec emphase donne le résultat désiré. Analogie de couleurs, de noms, de formes, de mouvements, etc…

Terminons en disant que nous sommes heureux d’apporter notre contribution, si incomplète soit-elle, à l’étude de la vie des Abanyarwanda.