Mandat de la Mission de visite

  1. La Mission de visite des Nations Unies dans les Territoires sous tutelle de l’Afrique orientale (1957), quatrième Mission chargée par le Conseil de tutelle de visiter le Ruanda-Urundi, a séjourné dans le Territoire du 18 septembre au 10 octobre 1957. Elle a adopté le présent rapport le 30 novembre 1957, au Siège de l’Organisation des Nations Unies.
  2. La Mission, dont la composition a été définitivement arrêtée par le Conseil à sa vingtième session, était constituée comme suit :

M.Max H. Dorsinville (Haïti), Président

Robert Napier Hamilton (Australie)

U Tin Meung (Birmanie)

Jean Cédile (France)

3. A sa 836èmeséance, le 9 juillet 1957, le Conseil a adopté la résolution 1714 (XX) aux termes de laquelle la Mission recevait pour mandat :

a) D’enquêter et de faire rapport aussi complètement que possible sur les mesures prises dans le Territoire sous tutelle, pour atteindre les  objectifs énoncés à l’alinéa b de l’Article 76 de la Charte des Nations Unies, en tenant compte des dispositions de la résolution 321 (IV) de l’Assemblée générale, en date du 15 novembre 1949;

b) D’étudier, en s’inspirant le cas échéant des débats du Conseil de tutelle et de l’Assemblée générale et des résolutions adoptées par ces organes, les questions évoquées, à propos des rapports annuels sur l’administration de ce Territoire sous tutelle dans les pétitions reçues par le Conseil au sujet de ce Territoire, dans les rapports des missions périodiques de visite qui se sont précédemment rendues dans le Territoire sous tutelle et dans les observations faites au sujet de ces rapports par l’Autorité administrante;

c) De recevoir des pétitions, sans préjudice des décisions qu’elle pourra prendre en vertu du règlement intérieur du Conseil, et d’enquêter sur place, en consultation avec le représentant local de l’Autorité administrante, sur colles des pétitions qui appellent, à son avis, une enquête spéciale;

d)D’examiner, en consultation avec l’Autorité-administrante, les mesures prises ou à prendre en vue de renseigner sur l’Organisation des Nations Unies la population des Territoires sous tutelle, conformément à la  résolution 36 (III) du Conseil, en date du 8 juillet 1948, et à la résolution 754 (VIII) de l’Assemblée générale, en date du 9 décembre 1953, et de s’acquitter des tâches énoncées dans la résolution 311 (VIII) du Conseil, en date du 7 février 1951;

e)D’adresser au Conseil, le plus tôt possible, un rapport sur le Territoire sous tutelle, rapport où elle consignera ses constatations accompagnées des observations, conclusions et recommandations qu’elle pourrait juger bon d’y faire figurer.

Itinéraire de la Mission

  1. La Mission a quitté New-York le 14 juillet 1957 et est arrivée à Usumbura, capitale du Ruanda-Urundi, le 18 septembre 1957 après avoir visité la Somalie sous administration italienne et le Tanganyika. Du 18 au 20 septembre, elle a eu des entretiens avec les représentants de l’Administration, et a visité diverses institutions d’Usumbura, écoles, hôpitaux, etc., ainsi que le paysannat de la Ruzizi, et certains grands travaux publics de la région. Du 21 au 23 septembre, la Mission a visité l’Urundi. A Kitega, elle a notamment pris contact avec le Mwami de l’Urundi et le Conseil supérieur du pays; elle a aussi visité le paysannat du Mosso. Du 24 septembre au 5 octobre, elle a voyagé au Ruanda. A Astrida, elle a notamment visité le groupe scolaire, le laboratoire vétérinaire et l’IRSAC. Elle a vu le paysannat du Ntyozo. A Nyanza, elle a pris contact avec le Mwami du Ruanda, et le Conseil supérieur du pays. A Kigali, elle a assisté aux fêtes de la Joyeuse Entrée du Mwami, à l’occasion de ses vingt-cinq ans de règne. Elle a visité les mines de la Somuki. Aux environs de Kisenyi, elle a vu les travaux d’adduction d’eau du Bugoyi. Le 4 octobre, la Mission a gagné Bukavu (Congo belge) par le lac Kivu et est revenue le lendemain à Usumbura, où elle a consacré les derniers jours de son séjour à diverses entrevues avec des particuliers, et à diverses visites. Elle a eu l’occasion d’assister à une pêche de nuit sur le lac Tanganyika. Finalement, elle a eu des discussions avec les représentants de l’Administration. Le 10 octobre, la Mission a quitté Usumbura et s’est rendue à Léopoldville, capitale du Congo belge, où elle a eu un entretien avec leGouverneur général du Congo belge et du Ruanda-Urundi, et où elle a visité l’Université Lovanium. Le 13 octobre, elle a quitté Léopoldville pour Rome. Elle a séjourné à Bruxelles du 16 au 18 octobre, et y a eu des entrevues avec le Ministre des affaires étrangères, le Ministre des colonies et des hauts fonctionnaires de ce dernier ministère. La Mission est retournée au Siège des Nations Unies, à New-York, le 23 octobre 1957.

5.Pendant son séjour dans le Territoire, la Mission a été accompagnée par les membres suivants du Secrétariat des Nations Unies : M. Jacques Rapoport (Secrétaire principal adjoint), M. C.K.. Robinson (Secrétaire adjoint), M. Michel Chelchowski (Fonctionnaire chargé des questions administratives), M. Charles Zémor (Interprète) et Mlle Denise Wyns (secrétaire).

6.La Mission désire exprimer sa reconnaissance à M. Jean-Paul Harroy, Vice-Gouverneur général, Gouverneur du Ruanda-Urundi, qui lui a réservé un accueil particulièrement cordial, et à tous les fonctionnaires qui ont grandement facilité la tâche de la Mission. Elle tient à remercier, entre autres, le Commissaire provincial M. Pierre Leroy; le Commissaire provincial M. Marcel Dessaint, Résident du Ruanda; M. Robert Scheyven, Résident de l’Urundi, ainsi que M. I. Reisdorff, M. A. Preud’homme et M. Chotteau, qui ont accompagné la Mission au cours de ses déplacements. Elle désire aussi exprimer toute sa gratitude au Mwami Mwambutsa et au Mwami Mutara Rudahigwa pour leur sympathique accueil. Elle remercie enfin tous ceux, à quelque groupe de la population qu’ils appartiennent, auprès desquels la Mission a trouvé la plus généreuse hospitalité et le plus franc désir de coopération.

PROGRES POLITIQUE

Généralités

  1. Il peut être intéressant de rappeler tout d’abord certains commentaires faits par les Missions précédentes sur l’évolution politique du Ruanda-Urundi et sa progression vers les objectifs définis par la Charte. La première Mission de visite de 1948, tout en exprimant son admiration pour l’action constructive des autorités tutélaires dans le domaine politique n’a pu s’empêcher d’être frappée par le fait que l’évolution politique du Territoire était conçue comme un processus d’une lenteur extrême, et a conclu qu’il était souhaitable d’accélérer le cours de cette évolution. La deuxième Mission de visite de 1951 a fait remarquer que l’évolution dans le domaine politique dénotait du retard; elle a souligné que la participation des autochtones à la réalisation du plan décennal devait avoir pour corollaire une plus grande participation de leur part à l’administration des affaires du Territoire, et qu’en conséquence, l’Administration se proposait d’adopter un plan de réforme politique. La troisième Mission de visite de 1954 a estimé qu’il était regrettable que le progrès politique fût relégué au deuxième plan. L’Autorité administrante a contesté le bien-fondé de ces remarques et a déclaré notamment qu’elle s’intéressait au progrès politique comme au progrès économique, et que c’était pour promouvoir le progrès politique qu’elle mettait l’accent sur le développement économique, social et culturel, qui est la base nécessaire, la condition préalable au progrès politique.
  2. Dans sa présentation du rapport annuel pour 1955, en Mars1957, à la dix-

neuvième session du Conseil de tutelle, le représentant spécial de l’Autorité

administrant a fait un rapide inventaire des progrès politiques du Ruanda-Urundi au cours des dix dernières années et a mentionné en particulier : la création du Conseil de vice-gouvernement général en 1947; l’introduction en 1949 des Bami dans ce Conseil, puis d’autres Africains; les réformes judiciaires; la réforme de l’organisation politique en 1952; l’établissement des listes du collège électoral des élections généralisées de 1956; la création du Conseil général en 1957. Il a conclu que les progrès d’ordre politique portaient sur toute la structure administrative et judiciaire du Territoire et qu’ils appelaient de plus en plus la population autochtone à participer au gouvernement de leur pays et leur confiaient des responsabilités de plus en plus étendues; mais il a rappelé que s’il est aisé de modifier des institutions ce n’est qu’à longueur d’années qu’on modifie les esprits et les cœurs.

9.La Mission ne se propose pas de commenter ces remarques des Missions précédentes ou les observations de l’Autorité administrante, ni de faire un historique des progrès politiques du Ruanda-Urundi. Ce qui précède n’a comme but que de servir de préface à certaines impressions d’ensemble, que la Mission essayera par la suite de développer et d’asseoir sur des faits. Une de ces impressions est que dans le domaine politique, le Ruanda-Urundi est à un moment important de son évolution. Sans escompter du jour au lendemain des modifications spectaculaires et révolutionnaires, la Mission sent que le rythme de l’adaptation de la société traditionnelle du Ruanda-Urundi aux idées et aux formes démocratiques modernes s’accélère; que l’évolution des conditions est telle que l’on peut s’attendre à ce que le Territoire sous tutelle assimile un nombre croissant de réformes profondes qui assureront son passage d’un régime encore riche en vestiges féodaux à des institutions plus conformes aux principes démocratiques et qu’il y a tout lieu d’espérer que la transition se fera avec un minimum de tension, de heurts et de difficultés.

10.Avant de détailler les symptômes de cette situation, qui tout en n’étant qu’un résultat naturel d’un processus qui a commencé il y a de nombreuses années, n’en est pas moins une nouveauté d’importance dans un pays qui a toujours frappé les observateurs par son traditionalisme et son esprit conservateur, il est intéressant de se demander à quoi elle est due.

11.Tout d’abord, et incontestablement, aux efforts de l’Autorité administrante qui au cours de quarante ans de mandat et de tutelle a lentement, prudemment mais progressivement et avec persévérance, préparé le pays à des modifications profondes. Les mesures que l’Administration a prises ont été délibérées et volontaires et n’ont pas été déterminées par la pression des événements ou les exigences de l’opinion publique, dans le Territoire. Pour ne citer que les faits les plus récents, il est certain que la réforme politique de 1952, la création d’une hiérarchie de conseils indigènes, l’encouragement systématique à l’abandon de certaines bases du régime féodal (comme l’ubuhake), l’organisation des élections surtout celles de 1956, et la transformation du Conseil de Vice-gouvernement général en un Conseil général, sont des mesures qui qui ont progressivement mais profondément modifié le climat politique du Ruanda-Urundi. La Mission estime qu’ils sont garants de la continuation de l’évolution favorable du pays.

  1. Mais il existe certains autres facteurs de réceptivité aux idées nouvelles, d’autres ferments de transformation. Tout d’abord l’émergence d’un nombre de plus en plus grand d’adultes et d’adolescents qui ont passé par les écoles, et en particulier celles de l’enseignement post-primaire, où ils se sont familiarisés à des degrés variables avec les façons de penser et d’agir du monde occidental; et plus spécialement le fait qu’il existe maintenant un petit, nombre d’autochtones qui ont fait des études supérieures, et qu’un nombre croissant de Barundi et de Banyaruanda fréquentent des universités hors du Territoire. Ce facteur est d’autant plus important qu’il y a moins de dix ans, il n’y avait aucun indigène du Ruanda-Urundi qui avait commencé des études supérieures, à l’exception de ceux qui se préparaient à la prêtrise.
  2. Un autre facteur, et non des moindres, est la présence au Ruanda-Urundi d’autochtones ayant été en Belgique ou à l’étranger, soit comme étudiants, soit comme visiteurs. Il ne faut pas perdre de vue que ce n’est qu’en 1949 que le premier étudiant du Ruanda-Urundi partait pour la Belgique, et que la première visite en Belgique des Bami et de quelques notables était organisée. Depuis lors un flot croissant d’étudiants ont passé par les écoles supérieures de Belgique, et quelques-uns même par des établissements d’enseignement dans d’autres pays et chaque année un nombre de plus en plus grand de chefs, de notables, de fonctionnaires, de cultivateurs et de femmes autochtones du Ruanda-Urundi ont l’occasion de faire de brefs séjours en Belgique; les Bami ont refait des voyages en Belgique et dans divers pays d’Europe.

14.L’existence au Ruanda-Urundi d’un enseignement interracial à l’échelon secondaire, et les débuts d’un enseignement interracial primaire qui contribuent également à donner confiance aux habitants et à changer leur mentalité.

15.En quoi se manifeste ce climat nouveau que la Mission croit propice à une évolution politique plus rapide que par le passé? Tout d’abord, par une prise de conscience par la population elle-même que le Ruanda-Urundi subit une évolution à laquelle les habitants se doivent de contribuer. Des Bahutu commencent à mettre en doute les bases du système féodal et traditionnel, et des Batutsi commencent à s’interroger sur leurs prérogatives et leurs droits. Les Bami et les grands chefs commencent à reconnaître la nécessité de changements profonds dans l’organisation coutumière, administrative et juridique de la société.

Chose remarquable dans cette société où traditionnellement l’intrigue sournoise avait été pratiquée pendant des générations à l’exclusion presque complète de toute forme d’expression politique ouverte, les nouvelles tendances s’expriment maintenant parfois en plein jour, des documents circulent, des manifestes politiques voient le jour, des idées se heurtent. Ces manifestations n’en sont qu’à leur début, mais – de l’avis de la Mission – leur importance ne devrait pas être sous-estimée.

16.D’autre part certains individus peu nombreux encore, mais en nombre croissant, commencent à s’intéresser au Monde extérieur. Ils posent des questions sur la situation dans les territoires voisins. Comment évolue le Congo belge? Que se passe-t-il au Tanganyika et en Ouganda? Tel mouvement ou tel changement politique en Europe aura-t-il une répercussion favorable ou défavorable au Ruanda-Urundi? Quels devraient être les rapports futurs du Territoire avec le Congo belge et la Belgique?

17.L’administration locale est réceptive à cette opinion publique qui s’éveille et qui cherche sa voie. Elle l’encourage et la stimule de son mieux. En dehors de l’administration les Européens pour la plupart ne haussent plus les épaules quand on leur parle de la marche du Ruanda-Urundi vers des formes modernes de la démocratie politique et vers l’autonomie. Le terrain est de moins en moins propice aux diverses manifestations de la discrimination raciale.

18.Ce serait cependant manquer de réalisme que de clôturer cet aperçu général optimiste sans nuancer de certaines réserves. S’il est vrai que les idées nouvelles commencent à se discuter ouvertement, il semble qu’il existe encore au Ruanda-Urundi une certaine réticence de l’Africain vis-à-vis de l’Administration. Cette attitude ne parait plus guère justifiée à la Mission, et est d’ailleurs en régression; mais elle ne s’en manifeste pas moins encore sous diverses formes. C’est ainsi que la Mission, comme d’ailleurs les Missions précédentes, a reçu plusieurs communications anonymes, sur des sujets divers, allant de contestations de droit privé, aux critiques les plus violentes sur des questions générales; elles contiennent généralement une phrase expliquant que le document n’est pas signé pour éviter “des poursuites ou des persécutions” de la part de l’Administration. L’Administration dans le passé, comme à l’occasion du passage de la présente Mission, a rejeté avec énergie l’insinuation que des sanctions ou des représailles n’aient jamais été prises à l’égard d’habitants du Territoire sous tutelle qui avaient fait usage de leur droit d’adresser des pétitions aux Nations Unies. La Mission se doute bien que certains de ses correspondants anonymes sont des mécontents qui trouvent dans le ton mystérieux et souvent outré de leurs accusations une échappatoire à leur dépit de n’avoir pas eu gain de cause dans leurs palabres privées ou publiques. Mais la Mission n’a pas moins été frappée par cette retenue et cette timidité à exprimer ouvertement devant des tiers des vues personnelles allant à l’encontre des vues officielles de l’administration européenne ou indigène. Il y a heureusement des exceptions de plus en plus nombreuses à cette attitude, et la Mission espère que l’administration continuera de mettre tout en oeuvre pour développer davantage le climat de confiance et de libre discussion et pour discréditer l’atmosphère d’anonymat et de crainte dont bien des Barundi et des Banyaruanda affectionnent encore de s’entourer.

  1. En ce qui concerne les pronostics d’avenir, une remarque s’impose. Il ne faut pas perdre de vue que la société du Ruanda comme celle de l’Urundi est homogène, malgré sa composition ethnique diversifiée. Des rapports politiques et sociaux se sont établis entre une aristocratie dominante de pasteurs et une masse dominée de cultivateurs ; le rôle aussi essentiel qu’extraordinaire de la vache ainsi que d’autres institutions, coutumes et usages ont fini par devenir des facteurs de stabilité d’une civilisation complexe, qui a été relativement statique jusqu’à la pénétration européenne. La désintégration inévitable d’une pareille civilisation au contact du monde moderne, et son remplacement par des formes nouvelles peut donner lieu h des difficultés sérieuses, malgré toute la vigilance de l’Autorité administrante. Celle-ci est soucieuse de maintenir un juste équilibre, d’éviter que par une dévolution trop rapide de responsabilités l’élite autochtone, encore principalement tutsi, l’oppression et l’exploitation féodale dc la majorité bantoue par la minorité hamitique ne s’affirme à nouveau, sous des formes modifiées; d’autre part elle veut éviter que par un freinage de cette évolution, la masse ne se sente frustrée dans ses ambitions légitimes. Le maintien de l’équilibre entre ces tendances en est arrivé à un stade particulièrement délicat. Sans minimiser le danger de la précipitation, la Mission croit que celui d’une prudence excessive est tout aussi réel. Elle souhaite que l’Administration puisse anticiper les réformes nécessaires, et les introduire assez tôt, dès qu’il y a une chance raisonnable qu’elles puissent être assimilées, et avant qu’elles ne soient réclamées avec insistance par les éléments avancés de la population. Elle espère que l’Autorité administrante ne sous-évaluera pas la capacité de la population du Ruanda-Urundi à s’adapter rapidement aux conditions de la vie moderne et qu’elle n’attendra pas qu’une réforme ait complètement fait ses preuves avant d’envisager la réforme suivante.

20.Un dernier point à mentionner dans ces généralités est la question de la fixation d’un délai définitif et de la détermination d’étapes intermédiaires pour l’accession à l’autonomie ou à l’indépendance, qui a fait l’objet des préoccupations du Conseil de tutelle. L’Autorité administrante a réaffirmé son point de vue qu’elle était dans l’impossibilité de dire quand les buts énoncés à l’Article 76 de la Charte

seraient atteints, en totalité ou en partie; que ce qui importait c’était d’assurer l’autonomie véritable en harmonie avec les progrès réels et stables accomplis par le peuple, et qu’au lieu de hâter le progrès politique on l’entraverait en promettant à l’avance que des réformes interviendraient. La Mission a des vues divergentes à ce sujet. Certains membres approuvent le point de vue de l’Autorité administrante.

D’autres estimant qu’un programme politique simple, mais suffisamment précis et détaillé, dans le temps, même s’il était provisoire et sujet à des modifications suivant les circonstances, contribuerait à faciliter l’évolution du pays et à obtenir un ralliement compréhensif et intelligent d’un plus grand nombre d’Africains en faveur des institutions et des formes politiques nouvelles; ce serait de l’avis de ces derniers une façon efficace pour l’Autorité administrante de montrer la voie à une population qui n’est pas encore suffisamment à même de déterminer sa propre vocation.

21.La Mi L 21. La mission ne peut qu’approuver le but de l’Autorité administrante, tel que l’a récemment énoncé le Gouverneur du Ruanda-Urundi : “ce que la Belgique recherche par la promotion économique et sociale des masses et par l’éducation politique de cette communauté en formation, c’est au stade final la naissance d’un Etat viable qui maintiendra avec la Belgique les relations les plus étroites”. Mais cette déclaration ne résout pas la question d’un programme précis dans le temps.