LA NAISSANCE ET  LA FILIATION.

Une femme enceinte continue à se livrer à ses occupations jusqu’au moment de sa délivrance. Il arrive même qu’une femme muhutu accouche alors qu’elle travaille aux champs. Il ne faut pas voir là un effet de la rigueur de sa condition, mais l’influence de la la tradition. Voyant ses parents, ses voisins agir de la sorte, elle ne conçoit pas qu’elle puisse rester inactive en attendant la venue de son enfant.

Quand l’événement est proche, on consulte les augures pour connaître l’endroit le plus favoralde pour l’accouchement. Il se peut qu’il ait lieu chez les parents de la femme.

Pendant les huit jours qui suivent la naissance, l’accouchée se repose; son mari l’entoure de prévenances, veielle à ce qu’elle ne manque de rien; viande, lait, bière, etc. (guhemba umubyeyi : litt. : récompenser la mère). De plus, les parents de la femme lui apportent eux aussi des présents. Vers le huitième jour, la mère recommence

À sortir, à condition que le jour soit pair (La semaine du Ruanda compte quatre jours ouvrables et un jour de repos. Les jours impairs sont considérés comme néfastes). Pour cette circonstance, elle met son plus beau vêtement : une robe en peau de vache (inkanda) ou, si c’est une Mututsi, une dépouille de léopard, dont elle se couvre les épaules. Elle se met sur la tête une sorte de couronne (urugori) faite de paille de sorgho qu’elle portera désormais avec fierté, car c’est l’emblème de sa dignité de mère. La jeune mère s’installe près de la porte du rugo avec son mari. Si l’enfant est un garçon, le père lui glisse entre les doigts un diminutif de lance, d’arc, de flèche et de bouclier pour qu’il soit brave. Les enfants du voisinage sont ensuite conviés à manger un plat composé de bouillie de sorgho et de haricots. Mais ils attendent pour manger que l’enfant ait fait ses besoins, d’où le nom de ce repas : ubunnyano (de kunnya : déféquer). Puis le père cite quelques noms qu’il aimerait donner à son enfant et les assistants en choisissent un. Si les parents ont déjà perdu des enfants, pour détourner les mauvais esprits, le nouveau-né est baptisé d’un nom malsonnant tel que : Kangurube (enfant-porcelet). Le même jour, le mari est obligé, sous peine de voir un malheur atteindre l’enfant. d’avoir des rapports avec son épouse. Les jumeaux (impanqa) portent des noms qui se ressemblent : Karengera et Karinganire, par exemple.

La règle « pater is est quem nuptiae demonstrant1» est d’application générale. Normalement donc, le mari est le père de l’enfant et la filiation s’établit dans la ligne paternelle. Les enfants nés après la mort du père sont considérés comme si la femme était enceinte au moment du décès. Il n’existe pas de nom spécial pour désigner l’enfant légitime.

La règle rappelée ci-dessus souffre cependant des exceptions. Si un homme épouse une ikinyendaro, l’enfant à naître, qui est qu’un umusamabanano pour le mari, appartiendra à son père naturel. Maisil arrive que le mari prétende que l’enfant est né de ses oeuvres si la fille n’est enceinte que de peu de mois au moment du mariage.

Il se peut qu’une fille ignore le nom de l’homme qui l’a prise(C’est le cas notamment pour les abaja(servantes-maitresses) qui vivent à la Cour du Mwani ou chez les grands chefs et qui sont mises à la disposition des invités de leur maitre). L’enfant naturel appartient alors à l’inzu du père de la fille. Aujourd’hui, nombreuses sont les ibyomanzi qui, assoiffées d’indépendance, ont quitté leurs parents et errent dans le pays. Leurs enfants sont appelés abana b’umugore, mais ils n’appartiennent pas à l’inzu maternel, car les ibyomanzi n’ont plus de famille.

L’enfant adultérin appartient au mari. Il lui appartient de par la dot versée. Si celle-ci n’a pas été donnée, il est censé faire partie de la famille du père de sa mère. L’enfant incestueux appartient au mari. Quand un enfant est né d’une fille non mariée, le père de celle-ci l’a sous sa dépendance.

Jadis, au temps des guerres, il arrivait que le possesseur d’une femme esclaveépousât celle-ci. Les enfants issus de cette union étaient tenus pour légitime et suivaient la condition de leur père, même si celui-ci avait déjà d’autres enfants d’un mariage avec une femme munyarwanda. Les enfants nés du concubinage du maitre avec une femme esclave étaient également considérée comme légitimes.

LA PUISSANCE PATERNELLE.

La « patria potestas est exercée par le père. Jadis elle impliquait le droit de vie et de mort sur les enfants. Aujourd’hui le père ne dispose plus d’un tel pouvoir, mais son autorité reste toujours souveraine et s’étend même à ses fils mariés. Ceux-ci doivent notamment, lui donner des vaches s’il en demande pour grossir ses troupeaux et remplacer des bêtes malades ou mortes.

Un mauvais fils peut être maudit pas son père et chassé de la famille et même de la colline (igicibwaou ikivume :le maudit). Il s’en va les mains vides et ses frères se partagent ses biens.

Comme contre-partie de ses pouvoirs, le père a l’obligation d’entretenir ses enfants et d’établir ses fils en payant la dot. Les enfants doivent obéir à leur mère comme à leur père.

De même, ils doivent se montrer déférents à l’égard de leurs oncles et tantes paternels et, dans une moindre mesure, vis-à-vis de leurs oncles et tantes maternels. Les soeurs doivent obéissance à leurs frères et les cadets à leurs ainés. La déchéance de la puissance paternelle n’existe pas comme telle. Mais si le père est indigne ou incapable, le grand père ou oncle paternel s’occupe des enfants.

LA TUTELLE ET L’EMANCIPATION.

Quand le père est mort, c’est généralement un de ses frères qui veille sur la veuve et les orphelins. A défaut d’oncle paternel, c’est un oncle maternel qui assure la tutelle.

L’oncle paternel peut épouser sa belle-soeur. Il a vis-à-vis de ses neveux les mêmes droits et obligations que leur père. Si la veuve se remarie avec un étranger (umwinjira), celui-ci devient le tuteur des enfants, mais, en général, il n’a guère d’autorité. Et s’il ne remplit pas ses devoirs, il arrive qu’il soit chassé par l’oncle paternel et doive s’en aller les mains vides.

De même, si l’oncle tuteur méconnait ses obligations, les enfants peuvent se plaindre au patron de leur père ou, s’ils n’ont pas de bétail, au chef de colline. Devenus grands, il arrive même qu’ils chassent le tuteur indigne. Seul le mariage émancipe les fils, à moins qu’auparavant ils ne s’affranchissent de façon violente de l’autorité du tuteur.

Toutefois, même lorsqu’ils sont émancipés par le mariage, les enfants males ne sont pas libérés de leurs obligations vis-à-vis de leurs parents.

LA  MAJORITE  ET L’INTERDICTION

Il n’y a pas au Ruanda de cérémonie d’initiation ayant pour effet de marquer l’entrée des garçons dans la vie sociale, pas plus qu’il n’existe de classes d’âge. Mais, quand un jeune homme est devenu ingaragu, son père le considère alors comme un homme; il lui parle du bétail, des cultures, lui permet de partager son repas, l’envoie à sa place chez le patron pour faire la cour, etc.

Les aliénés (abasazi), les muets (ibiragi) et les sourds (ibipfamatwi) circulent librement et, sauf les premiers, peuvent se marier. Les biens du prodigue(ikarara : litt. : demi-fou, exalté) sont gérés par ses parents. Quant au mauvais fils, désobéissant et insolent, il peut être maudit par son père (igicibwa ou ikivume).

Tableau indiquant les noms désignant les différents âges de la vie(L’âge donné en années est évidemment approximatif, puisque l’état-civil des indigènes n’est pas encore organisé dans les territoires sous mandat).

 

HOMMES                                         FEMMES.

Uruhinja : de la naissance             1° Même nom.

jusqu’aux premiers pas.

Igitambambuga : jusqu’à               2° Même nom : jusqu’à trois

quatre ou cinq ans.                                         ans.

Inshuke : jusqu’à sept ans.             3° Même nom : jusqu’à six

ans.

Ingimbi : jusqu’à dix ans.               4° Même nom : jusqu’à huit

ans.

5° Umwana ugimbutse : jus-             5° Même nom: jusqu’à douze

qu’à quinze ans.                                                      ans.

Ingaragu : jusqu’à vingt                 6°Unèwangavu: jusqu’à qua-

ans.                                                                          torze ans.

Umusore: jusqu’à vingt-cinq ans. 7° Inkumi: jusqu’à seize ans.

Umusore uhamye: jusqu’à 8° Inkumi inhamye : jusqu’à

trente ans.                                                                 dix- huit ans.

lgikwerere : jusqu’à quarante ans. 9°Iliza (lat. : avant son pre-

mier enfant): jusqu’à vingt ans.

10° Impotore : jusqu’à cinquante ans. 10° Impeture : jusqu’à vingt-

cinq ans.

11° Ijigija: jusqu’à cinquante-cinq ans. 11° Même nom: jusqu’à

trente ans.

12° Umusaza: jusqu’à soixante ans.   12° Ijigija ihamye : jusqu’à

quarante ans.

13° Umusaza rukukuri : au delà de   13° Umukecuru:

soixante ans.jusqu’à cin-quante ans.

14°Umukecuru rukukuri :

jusqu’à soixante ans et au

delà