LE REGNE DE KIGELI II NYAMUHESHERA. 16ème Roi : ± de 1576 à 1609

 

a): A l’Ouest et au Nord-Ouest : frontière définitive du Rwanda.

 

  1. Kigeli II Nyamuheshera fut un guerroyeur fameux, selon les traditions. Sa Milice d’élite s’appelait Inkingi = les Colonnes. Mais l’une de ses Compagnies, appelée Iziruguru = les Palatins, fut anéantie dans une expédition dirigée contre le Bunyabungo, sur la rive sud-occidentale du lac Kivu.

C’était probablement à l’époque où le monarque venait de conquérir les régions du Bukunzi et du Busozo, situées à l’Est du Kinyaga. Ce fut après cette conquête, en soi facile, que les Rwandais traversèrent la Rusizi, au sud du Bunyabungo, et soumirent le Bishugi. Les Chefs de cette région furent cependant laissés en place et furent simplement obligés de reconnaître, par tributs annuels, la suzeraineté du Rwanda.

 

  1. Complétant les conquêtes de son grand-père, au-delà des volcans, Kigeli II conquit le Kamuronsi, le Gishali et la zone appelée Tongo. (région de Masisi). Il avait atteint la forêt considérée par nos ancêtres comme la limite du monde habité. Ce fut à l’époque de ces expéditions que le Buhunde et le Buzi, à la rive Nord-occidentale du lac Kivu, furent nominalement annexés, leurs roitelets devant reconnaître la suzeraineté du Rwanda par des tributs en principe annuels. En réalité cependant, ces régions ne faisaient que sporadiquement honneur à leurs engagements et, au cours des générations suivantes, elles furent l’objet de maintes expéditions dites punitives.

 

Se tournant vers le Nord, Kigeli II soumit les régions autour du lac Rwicanzige (Edouard) et il fixa définitivement la limite du Rwanda à l’escarpement de Kabasha : au-delà de cette localité commençait  la zone du Gitara, patrie de  Lyangombe, et il était tabou pour les Rwandais d’aller plus loin que Urutare rwa Kabasha (Escarpement de Kabasha).

 

  1. Kigeli II annexa ensuite le Buberuka, dont il tua le roitelet Mweru. De cotte manière, l’iCyungo, « patrie » du tambour-emblème Karinga (n° 170), était intégré au Rwanda.

A partir soit du Buberuka, soit du Bufumbira, Kigeli II envoya plusieurs expéditions contre les régions de l’actuel Kigezi en Uganda. Ce fut de la région dû Bushengero que l’une des expéditions rapporta le haricot = ibishyimbo de l’espèce actuellement cultivée au Rwanda. Cette conquête dont nos ancêtres d’alois comprenaient peut-être eux aussi l’importance, supplanta rapidement: le haricot sénnonais igiharo (au pluriel ibiharo), qui était traditionnel.

 

Une autre expédition en la même zone razzia un troupeau de chèvres géantes; le monarque se le réserva, lui imposa rappellation de Akamenesho = Moyen d’expulsion. Il en confia la garde à un fonctionnaire spécial, à l’égal d’une corporation bovine. L’élevage de cette race caprine, dont les troupeaux venaient défiler, à la Cour à certaines occasions de fêtes, se perpétua jusqu’à nous. Le dernier gardien officiel de ces chèvres, sous Yuhi V Musinga, était Bunyereli fils de Muhozi, habitant dans le Gishubi, Commune actuelle de Kayenzi, Préfecture de Gitarama.

 

b) Le retour du Bwanacyambwe au Rwanda ; la fin du règne.

 

  1. Toutes ces expéditions cependant et ces conquêtes de la périphérie ne devaient pas autant illustrer le règne de Kigeli II, que le retour de la province du Bwanacyambwe, parcelle de l’ancien ter-ritoire-berceau du Rwanda. Depuis que Kimenyi II Shumbusho avait annexé cette région et d’autres situées plus à l’Est (cfr n° 137), le Rwanda ne s’était jamais senti de force à affronter le Gisaka. Et voici que sous Kimenyi III Rwahashya, monarque du Gisaka, une guerre éclata entre ce pays et le Ndorwa, dont le monarque d’alors était Gahaya I Rutindangeli. Les deux monarques étant des enfants mineurs, de part et d’autre, lesdits royaumes étaient effectivement gouvernés par leurs mères respectives Nyiragahaya I au Ndorwa, et Nyirakimenyi III Kabonde au Gisaka. Les traditions ne précisent pas le motif du conflit, mais elles nous assurent que les deux Reines mères assistèrent personnellement à la bataille décisive qui eut lieu à Muzizi près Lyamanyoni, en la Commune actuelle de Rukara, Préfecture de Kibungo, soit à la pointe Nord-orientale du lac Muhazi. La localité se trouvant au Gisaka, à cette époque, les envahisseurs étaient les Non seulement ils eurent l’avantage sur les Banyagisaka, mais encore Nyirakimenyi III fut faite prisonnière. Sa rivale lui fit trancher d’abord les mamelles et la livra ensuite au bourreau.

 

  1. Le Gisaka honteusement vaincu fut envahi et son jeune monarque s’amena en fugitif au Rwanda. Kigeli II le reçut à Kamonyi. Kimenyi III sollicita du secours. Kigeli II accepta, mais à condition que, une fois rétabli sur son trône et les envahisseurs du Ndorwa vaincus, KiMenyi III restituerait les Bwanacyambwe au Rwanda. La condition fut acceptée. Les deux monarques se mirent ensemble en route, Kigeli II à la tête de ses Milices bien aguerries.

 

Les Banyandorwa furent rapidement vaincus et refoulés du Gisaka. On peut se demander pourquoi Kigeli II se contenta de la seule province du Bwanacyambwe, si mal proportionnée à l’exploit accompli et devant le Gisaka si clairement impuissant. Peut-être obéissait-il à quelque oracle divinatoire, lui ayant interdit d’aller plus loin ? En tous les cas, à partir de Kigeli II, le Gisalca devint en fait un protégé du Rwanda. Cette situation nous a été clairement décrite par maints Aèdes dynastiques, surtout dans les Poèmes n° 43, 44 et 45 (cfr La Poésie dynastique au Rwanda, p. 154-155). Enfin, une fois le Bwanacyambwe restitué, c’était en même temps le mont Kigali, capitale-coeur du Rwanda, et le Rwezangoro, puits au pied du Nyarugenge; dans le bosquet du Muhima, qui venaient tant combler les Détenteurs du Codé ésotérique. Désormais le poème de la Voie des Abreuvoirs se célébrerait comme prévu, sans plus aller en voler nuitamment bien des éléments à l’étranger. La colline de Gasabo (et Rwanda) n’était pas récupérée, car elle était au Buganza.

 

  1. Le règne fut cependant assombri par les circonstances dans lesquelles la Reine mère, Nyirakigeli II Ncendeli, se suicida. Croyant pouvoir tricher avec les obligations de sa dignité, elle se trouva enceinte. Ne pouvant réparer autrement la honte de sa méconduite elle mit fin à ses jours et fut enterrée à Butangamhundu, cimetière destiné aux souverains morts dans ces conditions (cfr n° 117, 181).

A sa mort, Kigeli II Nyamuheshera fut enterré à Burenga près Sayo, dans la Commune actuelle de (Buyoga ?) en Préfecture de Byumba. Il n’était plus possible d’atteindre le mont Rutare, cimetière initial des Rois Kigeli (où reposait déjà Kigeli I Mukobanya). Ledit massif avait été dans la suite conquis par le Ndorwa. Cette circonstance sera cause que Kigeli II bénéficiera d’une translation sous le règne de son arrière-petit-fils Cyilima Rujugira. Une fois le massif du Rutare reconquis, en effet, sous ce monarque, les « cendres » de Kigeli II (la terre qu’on put ramasser dans son tombeau) furent transférées à Rutare et enterrées sur le flanc du contrefort appelé Kayenzi. De cette sorte le grand guerroyeur était symboliquement déposé définitivement au cimetière correspondant à son nom.

 

Il avait été décoré du collier de la Septaine pour 7 Rois étrangers tués par les Rwandais sous son règne. Le « bijou » de cette décoration, nous assura-t-on, un collier en fer, pendait à un ficus du bosquet marquant l’ancienne résidence royale de Bumbogo près Gutamba, en la Commune de Kigoma, Préfecture de Gitarama.

Sa milice Inkingi a disparu de nos traditions. A part les Récits que nous avons recensés, Kigeli II n’a laissé aucune autre institution  que nous sachions.