LE REGNE DE MIBAMBWE II SEKARONGORO II GISANURA.  17ème Roi, ± de 1609 à 1642

a) Le Souci des indigents et l’administration de la justice.

 

  1. Ce monarque avait reçu à sa naissance le nom de Sekarongoro, qui était celui de son ancêtre Mibambwe I, chez lequel avait prévalu dans la suite le surnom de Mutabazi (n° 124). Notre 2ème Sekarongoro répondait au surnom de Gisanura = le Bien-choyé, le S’étalant-dans-le bien-être. A son époque, probablement Mibambwe I était facultativement appelé ou Sekarongoro ou Mutabazi, pour que les milieux du Code ésotérique aient mis en avant le surnom Gisanura, dans le but avoué d’éviter une double homonymie, déroutante entre les deux monarques. Aussi fut-il désigné officiellement sous les noms de Mibambwe II Gisanura.

Ce monarque porte dans les traditions le titre louangeur de Rugabisha-birenge = le. Généreux; non pas qu’il fût plus munificent que ses prédécesseurs, mais davantage parce qu’il prit l’initiative, limitée à son seul règne, d’organiser la distribution de lait aux indigents et aux manants, sans moyen de ravitaillement, que diverses affaires retenaient à la Cour: Les Chefs avaient reçu l’ordre. d’apporter, en proportion de leurs possessions; des jarres de lait et la distribution se faisait trois fois par jour ; le matin, à midi et le soir.

 

  1. Ce règne fut également illustré par les soins particuliers que Mibambwe II mettait à administrer la justice. Ne se contentant pas de l’audition des témoins reconnus par la coutume, il faisait accomplir en secret des enquêtes sur les causes jugées chez lui en appel. Son souci en la matière, qui était aussi une innovation sans précédent, et sans imitation d’ailleurs dans la suite, a passé dans la langue sous forme de dicton. Sa capitale préférée a été Ruhango près Mutakara (Commune Kigoma, Préfecture Gitarama) ; d’où le dicton, à propos d’une cause qui a été jugée avec indépendance et toutes les preuves parfaitement établies « Ce procès a. été jugé à Mutakara » (s.e. il n’y a plus rien à en redire).

 

  1. La préoccupation d’infliger des sanctions exemplaires aux coupables donna un jour au Roi l’occasion de prononcer deux sentences restées fameuses dans nos traditions. S’entretenant une fois avec ses chefs, il leur demanda de lui suggérer le genre de peines à infliger à des criminels qu’il ne révéla pas. Il retint sans en rien dire sur l’heure, ce qtté préposèrent les chefs Mikoranya et Kamegeli. A quelque temps de là, l’un d’abord, puis l’autre, se rendirent coupables de manquements dont la nature n’a pas été retentie. Le ‘Roi en profita pour leur infliger les peines terribles qu’ils avaient naguère suggérées. A savoir que Kamegeli fut grillé sur un rocher Chauffé à blanc. Ce rocher s’appela depuis Rocher-de-Kamegeli, à Ruhango même près Mutakara:. Quant au Chef Mikoranya, on planta un grand levier en bois umusave = markarnia, à. l’extérieur d’une hutte. Le coupable eut les bras liés au dos .au Moyen d’une corde en nerfs de boeufs, de manière à faire se toucher les coudes ; une corde solide fut attachée à ces mêmes bras, en son dos, traversa la toiture de la hutte et on l’attacha audit levier tendu. Une fois le levier libéré, le malheureux fut violemment soulevé en l’air et mourut sous le faîte de la hutte.

b) Conflit avec le Gisaka .et le Burundi.

 

  1. Kimenyi-III Rwahashya,,du Gisaka, avait été replacé sur son trône par Kigeli II Nyamuheshera. Peut-être regretta-t-il bientôt le territoire qu’il avait été obligé de rétrocéder au Rwanda ? Les Mémorialistes nous le montrent échangeant avec Mibambwe II des messages symboliques, qui signifiaient des insultes graves. Ainsi par exemple, l’une des réponses de Mibambwe II à son collègue : un étui bourré de cendres ; ce qui signifiait un sein stérilisé par le feu ; en d’autres mots : souhait que le destinataire du message mourût sans laisser de descendant. — De ces messages symboliques on dut en arriver aux luttes armées, car une tradition du Code ésotérique nous révèle que le nommé Rwambali fils de Bwacya, du Clan des Abatsobe, mourut en Libérateur contre le Gisaka sous ce règne. L’envoi d’un Libérateur suppose des combats et des projets de conquêtes. Aucun détail ne nous a été transmis par nos Mémorialistes au sujet de ces événements.

 

  1. L’événement le plus grave du règne fut cependant l’atteinte portée au pacte de non-agression (cfr n° 186), qui existait entre le Rwanda et le Burundi, depuis Mutara I. Au Burundi régnait alors le fameux Ntare III Kivimira, guerroyeur et conquérant d’envergure, qui fit trembler les pays limitrophes du sien. Il passa une fois la frontière avec une faible escorte et vint se faire présenter un troupeau de la Cour qu’y faisait pâturer un fonctionnaire appelé Rugaju. Ce dernier, – les deux pays étant en paix, – fit au Roi du Burundi les honneurs du troupeau qui était aux abreuvoirs. Mais Ntare III donna brusquement à ses compagnons l’ordre de s’emparer des bovidés. Voyant qu’il ne pouvait les en empêcher autrement, Rugaju s’en tirant en assénant un coup de son bâton de pasteur à la nuque du monarque, si bien que Ntare III tomba lourdement, ayant perdu connaissance. Pendant que ses compagnons s’empressaient autour de lui pour le frictionner, Rugaju et ses aides s’éloignèrent rapidement, ayant provoqué le troupeau à courir au galot Les Mémorialistes ne nous rapportent cependant pas que l’incident ait provoqué une guerre ouverte sous Mibambwe II. Le poème n° 49 cité plus haut (cfr n° 161) fait allusion à un retour en armes, mais en des termes qu’il est aussi possible de référer au règne suivant. (Notons que ce poème, sous Cerna II et à la demande de ce monarque, fut complété, par l’Aède -Bagorozi, fils de Nzabonaliba, qui y ajouta les règnes depuis celui de Mutara I jusqu’à ce même Cyilima II, de manière à y inclure la mort de Mutaga II).

c) Traditions fermes concernant le règne de Mibambwe II.

 

  1. Mibambwe II mourut à Ruganda, dans le Bumbogo, (Commune actuelle de Tare, Préfecture de Kigali). Il aurait succombé à l’infection d’une plaie à la jambe. On estima sans doute que cette plaie n’était pas la cause principale du décès, car il fut enterré à Remera dit des Abaforongo, cimetière ordinaire des Rois Autrement il aurait dû être transféré à Butangampundu (cfr n° 116). Son tambour des audiences s’appelait Cyeza-buranga= la Beauté-radieuse. La Famille des Abakebya (éponymie tardive) descend de lui par son fils Gahindiro (qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme fils de Mibambwe I, cfr n° 130, 142).

 

Les Milices suivantes, qui se sont perpétuées jusqu’à notre époque. (cfr Les Milices no 130, 142) ont été érigées par lui :

1)Imitali -= Javelines géantes

2)Inyanga-kurushwa = les Insurpassables.

3)Abadacumura = les Ineprochables

4)Abangogo = les Habitants du Cyingogo.

5)Abarembo les Habitants du Burembo.

 

La corporation bovine Umuhozi= le Vengeur remonte à ce règne, car le troupeau initial en était la propriété du prince Gahindiro et se nommait Umuhama = le Visé-dans-la-cible.