LE REGNE DE YUH II  MAZIMPAKA. Le 18ème Roi, de 1642 à 1675

a) De lugubres événements au début du règne.

 

  1. Bien que Mibambwe II mourût à l’Est de la Nyabarongo, son fils et successeur Yuhi III Mazimpaka dut être intronisé à l’Ouest de la rivière, puisque déjà les monarques au nom de Yuhi ne pouvaient plus jamais la traverser .(cfr n° 144). Sa mère, Nyirayuhi Nyamarembo, était du clan des Abakono. Le nouveau Roi fut le premier de sa catégorie à être célèbre pour sa beauté : il figurait sur la liste des beautés rwandaises lorsque s’organisaient les concours en la matière. Il fut en plus un Aède dynastique, compositeur de plusieurs poèmes dont 4 ont pu être recueillis.

 

  1. De graves et lugubres événements assombrirent le début de son règne. Il avait deux demi-frères jumeaux, Rubibi et Ruyange, qui le surpassaient en beauté. La nouvelle Reine mère était depuis longtemps jalouse de cette beauté qu’elle voulait uniquement voir admirer en son fils. Elle s’en ouvrit à des gens de sa Famille et elle leur donna l’ordre de supprimer les deux princes jumeaux. Ces derniers furent assassinés au cours d’une partie de chasse, organisée à cette fin. Dès que le crime fut découvert et les coupables identifiés, le Roi voua à l’extermination de tous les membres du Clan de sa mère. Ce fut alors un vaste massacre dans tout le pays, et la sentence ne fut pas rapportée au bout des trois mois de règle.

 

  1. La Reine mère était impuissante devant le courroux déchaîné de son fils. Elle avait caché, à la Cour même, un jeune enfant de sa parenté. Elle invita un jour le Roi chez elle. Au cours de l’entretien, elle fit entrer le jeune enfant, qui était très beau. Elle le présenta à son fils en lui demandant de l’épargner et de rapporter enfin la sentence qui avait anéanti son Clan. Pour toute réponse, le Roi tira son glaive et égorgea le jeune enfant là devant la Reine-mère. N’y tenant plus, elle se suicida, en se plongeant un glaive au cou. Ce nouveau et grave deuil, qui mettait le comble à tous les autres, détermina au moins le trop vindicatif monarque à rapporter la sentence d’extermination et les survivants du Clan des Abakono purent enfin sortir de leurs cachettes. Mais ce suicide fut aussi la cause d’une barbare décision du Roi : « Si jamais il naissait des jumeaux au Roi, décréta-t-il, ils devront être supprimés, parce que des jumeaux royaux ont été la cause du suicide d’une Reine mère !».

 

b) L’Affaire Nyabarega et les hostilités du Burundi contre le Rwanda.

213. Ntare Kivirnira. déclencha une guerre contre le royaume du Bugesera où régnait Nsoro III Nyabarega. Ce dernier fut vaincu et chercha refuge au Rwanda. La Cour lui assigna comme résidence la localité appelée Jenda, près Kabugondo, dans la Commune actuelle de Mugina, en Préfecture de Gitarama. Le sous-chef du lieu l’avait d’abord reçu sans égards avant de recevoir les instructions de la Cour. Comme cette négligence lui était imputée à faute, il se disculpa dans un poème dynastique (le Gisigo n° 17, cfr la Poésie .Dynastique au Rwanda, p. 139-140) Le monarque fugitif sollicitait une entrevue avec Yuhi III, sans doute pour obtenir une assistance guerrière, ‘mais la rencontre fut refusée, la Cour du Rwanda répondant que les oracles divinatoires, étaient défavorables. Pareille assistance avait eu un précédent certes, (cfr n° 177), mais elle n’était plus possible après le pacte de non-agression passé avec le Burundi (cfr n° 186-187).

 

  1. Les traditions rapportent cependant qu’à ces préoccupations en soi prévisibles, Nsoro III NYabarega ajoutait une autre relevant de la curiosité: il aurait voulu rencontrer Yuhi III pour juger par ses propres yeux, de sa beauté tant vantée. Il circonvint les deux soeurs Kiranga et Cyihunde, filles de Kagoro; du Clan des Abacyaba, épouses de Yuhi III. Leurs résidences respectives, Bubazi et Mbazi, étaient voisines l’une de l’autre. Avec leur complicité, Nsoro III, d’une cachette bien placée, put un jour voir à son aise son homologue Rwandais. Mais le fait finit par être découvert et dénoncé à Yuhi Les deux soeurs furent immédiatement condamnées à mort et exécutées en présence du monarque. Elles périrent à Mashyiga, dans le Gishubi (région du Rukoma) carbonisées sur un rocher préalablement chauffé à blanc. Nsoro III fut prié de s’éloigner du Rwanda et il se serait réfugié au Ndorwa. La faute des deux soeurs détermina le monarque à imposer à ses descendants un tabou rigoureusement observé jusqu’à notre époque : « Aucun de mes descendants, décréta-t-il, ne pourra jamais épouser une femme du Clan des Abacyaba ». Ce tabou ne concerne donc pas les membres du Clan des Banyiginya en général, mais uniquement ceux qui descendent de ce monarque.

 

  1. L’Affaire de Nsoro III Nyabarega, monarque du. Bugesera, nous situe dans le climat des guerres déclenchées par Ntare III Kimira du Burundi. Nous avons déjà pu deviner ses intentions envers le Rwanda, lorsque, sous le règne précédent, il tenta de provoquer la rupture de l’ancien pacte de non-agression existant entre le Rwanda et son propre pays (cfr n° 208).

 

Nos Mémorialistes ne précisent pas les motifs des hostilités qu’il ouvrit contre le Rwanda ; serait-ce le refuge accordé à Nsoro III Nyabarega ? Lis nous résument toutes les opérations en une seule campagne d’envergure, suivie de la mort du conquérant. Celle-ci sans doute pour souligner l’infaillibilité des incantations de Yuhi III contre un si redoutable adversaire ! Nous pouvons croire qu’il y ait eu une série de rencontres, peut-être à longueur d’années, couronnées par cette campagne ultime dont le côté spectaculaire témoignerait de l’impuissance du Rwanda d’alors.

 

  1. Ntare III avait donnée à ses Chefs le signal de la pleine lune= inzora : la nuit qui suivrait, les guerriers devaient attaquer le Rwanda en l’envahissant par des colonnes réparties sur toute la frontière. Cette puissante attaque dispersée devait rendre la résistance moins concentrée et partant plus faible, sinon nulle. Le groupe des Milices que Ntare III dirigeait en personne entra au Rwanda par l’actuelle Préfecture de Butare et traversa le territoire irrésistiblement ; le conquérant alla établir son campement à Kami, dans le Bufundu, en la Commune actuelle de Rukondo, en Préfecture de Gikongoro.

 

La colonne qui avait envahi le Kinyaga, en débouchant de la vallée de la Rusizi, remonta la rive orientale du lac Kivu, jusqu’à-Mpembe non loin de la ville actuelle de Kibuye. Elle raeeia en cette localité un troupeau personnel de Yuhi III qui y pacageait. Ce troupeau comportait une vache blanche que le monarque Rwandais aimait particulièrement. Ladite colonne obliqua vers l’Est et vint présenter son butin à Ntare III au campement de Kami. Pour célébrer sa victoire, Ntare III aurait tenu à boire du lait de ladite vache blanche.

 

  1. Les Mémorialistes et Aèdes dynastiques ont insisté beaucoup sur cette vache blanche, qu’ils appellent « Gitare cy’i Mpembe » = la (vache) Blanche de Mpembe ; (c.à.d. razziée à Mpembe). Ntare III, en effet, venant à tomber malade et à mourir bientôt, cela fut considéré comme l’effet produit par le lait de ladite vache.

 

Yuhi III, en apprenant l’invasion de son pays, s’était déplacé de Kamonyi et, à la tête de ses guerriers, s’était porté au-devant de son adversaire. Parvenu à Mujyejuru, en la Commune actuelle de Rusatira, il apprit que Ntare III s’était précipitamment  replié vers le Sud. On devait apprendre bientôt qu’il était tombé gravement malade et que ses guerriers le transportaient  vers le Burundi. il devait expirer à Nyaruhengeri, en l’actuelle Commune de même nom. Préfecture de Butare. Les triomphes• du début étaient ainsi changés subitement en deuil. Yuhi III rentra triomphalement à Kamonyi pour célébrer la victoire que l’opinion attribuait à ses incantations, lesquelles avaient eu pour base matérielle le lait de la Blanche de Mpembe.

L’Aède dynastique Mirama, fils de Rutwa, témoin oculaire des événements, nous décrit les déplacements de Yuhi III en ces jours mémorables, dans le poème n° 13 : Umunsi yuhanya ajya ruguru = le jour où il se hâta vers les hauteurs. (cfr La Poésie Dynastique au Rwanda, p. 136-137. Le nom Mujejuru signifie : le Allant-vers-les-hauteurs).

La mort de Ntare III ralentit les hostilités et permit au Rwanda de respirer enfin. Mais l’agression de ce monarque inaugura entre les deux pays un état permanent de luttes, d’une génération à l’autre, comme la suite des règnes nous le démontrera.

c) Infirmité mentale du Roi et Régence de Karemera I Rwaka.

 

  1. Yuhi III tient, parmi les Rois, une place spéciale : premier monarque de beauté (il aura un second), seul monarque compositeur de poèmes, il sera le seul à tomber dans la folie. Quelques-unes de ses décisions antérieures pouvaient laisser soupçonner un certain déséquilibre mental. Il semble que sa folie fût intermitente, certes, mais il était très dangereux lors de ses crises. En sa qualité de Roi, en effet, il était tabou de le contrarier, de le maîtriser au besoin par des liens, pour le mettre dans l’impuissance de nuire. Les traditions nous le montrent, tout au contraire, armé d’un arc et tirant sur quiconque se présentait au mauvais moment. Aussi plusieurs notables quittèrent-ils le pays pour ne pas risquer inutilement leur vie, lorsque le monarque tenait à leur égard quelques propos Menaçants.

 

  1. Le prince Rujugira, héritier cependant du trône, fut parmi ces derniers. Certaines femmes du monarque avaient trop de sympathie pour le prince, et c’est pour cela que son père dément avait juré de le tuer. Rujugira se réfugia au Gisaka, auprès de Kimenyi IV Getura. Celui-ci l’établit à Gahulire et lui donna la main de sa nièce Rwesero, fille du prince Muhoza. Elle sera la mère de Ndabarasa (le futur Kigali III). Une fois Rujugira parti, le monarque condamna à mort la reine Kirongoro, fille de Kagoro, mère du fugitif. -Le bourreau de la cour, le Mutwa Busyete, s’en alla exécuter la sentence. Mais, soit de sa propre initiative, soit sur le conseil de gens bien informés, au lieu d’exécuter la reine, il alla la cacher. Ce geste étant trop grave et pouvant avoir des conséquences funestes, la reine fut rigoureusement séquestrée dans le Bumbogo, domaine où les Dépositaires du Code ésotérique étaient depuis toujours fort nombreux. Ce sera en récompense de cet acte que le Mutwa Busyete, ancêtre éponyme des Abasyete, sera dans la suite anobli.

 

Moins heureux que son grand-frère Rujugira, le prince Musigwa  fut tué d’une flèche que lui décocha son père. Le jeune homme avait en la malchance d’aller faire sa Cour au mauvais Moment de la journée, et Yuhi III dont il était le fils préféré l’avait pris pour un Voleur nocturne en plein jour. Une fois l’accès tombé, le Roi fut inconsolable et consacra à son fils un poème dynastique, le n° 22 : .Singikunda ukundi =je n’aimerai plus jamais. (cfr La Poésierie Dyn. au Rwanda, p. 143).

 

  1. Le pays ne pouvait être gouverné ni défendu sans avoir une tête normale : dès que le monarque tomba dans la folie, les Dépositaires du Code, ésotérique décidèrent la nomination d’un Régent qui assurerait avec autorité la défense du pays, au nom et à la place du roi. Peut-être leur choix fût-il tombé sur le prince Rujugira, héritier du trône, s’il n’avait pas été en exil à l’étranger. Les choses étant ce qu’elles étaient alors, ils désignèrent le fils aîné du monarque, le prince Rwaka, pour démontrer qu’il s’agissait bien d’une solution essentiellement transitoire. Sa mère, en effet, appelée Rukoni, était du Clan des Banyiginya ; or le Code. ésotérique déterminait que ce Clan donne le Roi, mais ne peut donner une Reine-mère, droit revenant à quelques Clans pour cette raison appelés ibibanda= matridynastiques. Il était donc clair que le choix d’un prince issu d’une mère du Clan régnant, n’était pas le futur Roi du Rwanda.

 

  1. Intronisé comme co-régnant, le prince Rwaka devait porter un nom dynastique. Suivant l’ordre déjà établi (n° 191), le successeur du Yuhi d’alors devait s’appeler Cyilirna et sa mère nécessairement du Clan des Abega. Pour un co-régnant transitoire, une appellation régulière de succession au trône fut écartée. Les. Dépositaires du Code se rappelèrent alors une vieille histoire qui arrivait à propos. En quittant le Karagwe pour venir, relever le trône du Rwanda, Ruganzu II. avait promis à son: tuteur Karemera que ce nom serait introduit dans la liste des Rois du Rwanda (n° 163). C’était le moment de faire honneur à la .parole donnée Rwaka fut intronisé sous le nom de Karemera I.

d) Importation des produits « d’Europe » ? et la mort de Yuhi.

 

  1. Dans Rwanda 1900-1950 (no 135 de la Revue Grands Lacs, Namur, sept. 1950), nous avons traité de l’importation des premières étoffes, des perles de verroterie, de tiges de cuivre et de laiton. Les princes du Bushubi et du Bujinja en firent parvenir des échantillons au Roi du Rwanda, en échange du morfil que ce dernier leur envoyait. Les mêmes opérations de troc s’effectueront indiscontinûment au cours des générations suivantes. Ces articles qui traversaient toute l’Afrique orientale pour aboutir au Rwanda, venaient-ils d’Europe ou d’Asie ? Les Portugais avaient débarqué à Mombasa en effet, dès le 7 avril 1498, et y avaient établi des forts, servant de gîtes sur la route des Indes. C’est de Mombasa qu’ils étaient partis pour s’emparer de Goa en 1510. Les Arabes avaient d’autre part établi des colonies prospères sur la côte du Zanguébar.

 

  1. A partir de ce règne, la langue archaïque d’alors nous a conservé des indices culturels calqués sur ces objets de récente importation. Le collier de perles, que nous appelons urunigi dans la langue moderne, s’appelait à l’époque Et nous voyons le prince Ru jugira épouser Karira (le Petit-collier-de-perles) fille de Banyaga. Le prince Ndabarasa, fils du même Rujugira portera le surnom de Gitukwa-ndira (l’enrichi en colliers de perles). Le prince Rwamahe, fils du même Rujugira, se fera forger une lance géante en cuivre = umuringa et ses descendants s’en serviront dans le culte de son esprit, jusqu’à notre époque. Le pagne écarlate de Yuhi III, conservé dans le trésor de la Cour, ne disparaîtra avec d’autres souvenirs de ce genre qu’à Rucunshu, dans l’incendie qui consumera Mibambwe IV Rutarindwa.

 

  1. C’est dans le cadre de ces données qu’il faut placer les soi-disant « Visions » de Yuhi III. Les auteurs qui en ont parlé ignoraient — la chose est claire, — que le monarque était un fou, et que dans cet état pareilles « visions » deviennent normales, étant bien entendu écarté le problème de leur réalité objective.

Il faut penser que l’arrivée de ces produits extraordinaires s’accompagnait d’informations rudimentaires sur leurs importateurs ; on aurait appris qu’ils arrivaient en des « barques » voguant sur une mer qui touchait au ciel. Pour un fou, ce serait le cadre suffisant pour une « vision » du genre que voici : Une fois Yuhi III vit une grande barque qui voguait dans le ciel. Les rames produisaient un bruit abasourdissant. Il eut l’idée d’offrir des cadeaux de bienvenue à ces hôtes qui sillonnaient la vaste mer du firmament. Se faisant apporter un régime de bananes et une cruche de miel, il se rendit compte que ces cadeaux n’atteindraient pas la barque. Il prit son arc et des flèches: il fit lier une banane à l’une des flèches et la décocha vers la barque, en disant: « Mpiru na nyoni ! » = « trait et oiseau » Il fit de même avec une autre flèche à laquelle avait été attachée une certaine quantité de miel, et le trait fut dé-coché accompagné de la formule : « Kabindi na buki » « cruchette, et miel..». Il constata que la « barque » rebroussait chemin vers l’Est, et il se tourna vers l’assistance: « Ils retournent vers leur pays : mais. comme ils, ont constaté que nous sommes généreux, ils reviendront bientôt !».

Les deux formules sont construites à l’encontre des accords grammaticaux et témoignent par elles-mêmes qu’elles sont dignes d’un fou. Elles sont toutefois très anciennes; puisqu’elles ont été profondément ancrées dans notre trésor culturel à une époque certainement antérieure à tout contact avec les Européens. Ce n’est donc pas une rationalisation de récente fable; destinée à faire admettre une prophétie rétroactive. Lorsque l’une ou l’autre des deux est employée, elle signifie’:-« J’ai vu Un tel il y a bien longtemps et il était entendu que je le reverrais avant peu, mais depuis lors je n’en eus plus de nouvelles » Et remarquons que Celui qui emploie ces formules ne les corrige pas et les prononce telles quelles.

 

La tradition attribuant ces formules à Yuhi III, si quelqu’un lui préférait jamais’ un autre auteur, il faudrait le découvrir parmi les nombreux fous que le Rwanda a dû compter dans un passé éloigné.

 

  1. Yuhi III Mourut dans un accident lié à son infirmité mentale. Du haut de sa case, case à étage= umuturirwa, il observa le rocher appelé depuis lors gatumwa = destin fatal. Il s’imagina que ce rocher se trouvait au bord d’un étang et s’y rendit pour nager. Ceux qui l’escortaient ne pouvaient rien deviner de ses intentions. Arrivé au-dessus du rocher, le monarque fit le geste de se jeter à l’eau et se brisa une jambe. On le transféra dans la vallée au-dessous de Kamonyi, pour qu’il n’expirât pas dans ladite capitale, rendant ainsi la localité un tabou pour les Rois, ceux-ci ne pouvant ni habi-ter, ni même traverser un lieu marqué par la mort de l’un de leurs prédécesseurs. Yuhi III mourut de son accident et la vallée qui s’appelait Nkingo = Refuge, depuis Cyilima I, devint Kibuza = Empêcheur (d’exister). Il fut enterré à Kayenzi, lieu cimetière des Rois au nom Yuhi.

 

226.En apprenant la mort de son père, le prince Rujugira rentra du Gisaka, afin de prendre part au cérémonial de deuil. Il ignorait certes sa qualité de prince-héritier, mais il comptait des adversaires puissants qui tenaient à ce que Karemera I Rwaka restât au pouvoir. Les traditions rapportent que ce dernier présida 16 fois au cérémonial des Prémices, ce qui veut dire qu’il aurait gouverné le pays durant 16 ans (n° 363,2). Elles ne précisent pas si les 16 cérémonies de Prémices sont comptées à partir de sa prime intronisation comme co-régnant, donc durant aussi le règne de son père, ou s’il s’agissait de 16 ans après la mort de ce dernier. Au bout de ce laps de temps, il contracta les infirmités du pian secondaire. Ceci fut considéré comme punition sanctionnant l’usurpation : il abdiqua et demanda aux Dépositaires du Code ésotérique d’introniser celui que la règle traditionnelle appelait à succéder légalement à Yuhi III. Karemera I Rwaka rentré dans les rangs du commun ne fut jamais, inquiété dans la suite et mourut en paix, respecté du Roi et de tout le peuple.

 

e)Traditions vitales à partir de ce règne.

 

NOTA: Nous avons souligné jusqu’ici- les traditions « vitales » contenues dans les récits des règnes antérieurs. A partir de Yuhi III, nous entrons dans la section des règnes aux traditions si fermes, aux nombreux Poèmes dynastiques d’une autorité si incontestable, qu’il sera désormais inutile de sélectionner ce genre de preuves. Il suffira que, une fois pour toutes, nous renvoyions aux ouvrages indiqués à la liste bibliographique annexée à cette étude.