2°LE POÈME 65
Le Roi n’est pas un homme.
(Très larges extraits).

Le Roi n’est pas un homme,
O hommes qu’il a enrichis de ses vaches,
Le Souverain, l’Ailé, souche du Léopardé !
Il est homme avant sa désignation au trône ;
Mais une fois nommé, il se sépare de la noblesse ordinaire
Et il obtient une place à part.
Le Souverain ne saurait avoir de rival
Ilest unique, le Sans-reproche,
Rejeton du Batailleur, souche de l’Expérimenté !
Aussi ne fonde-t-il jamais deux foyers :
Il en construit un seul.Et cependant ce foyer couvre tout le pays
Et prévient les besoins des générations à venir,
Lui, Voie-interminable, souche des Deux-Prédestinés
Ehoui ! c’est certain :
Celui-là cesse d’être un homme qui devient Roi!
Le Roi c’est lui Dieu
Et il domine sur les humains !
Eh oui ! ce n’est pas un homme, c’est un Roi !
Le Roi que voici, personne n’oserait se comparer à lui,
Sous le prétexte que leurs demeures seraient contiguës :
La dignité royale que voici ne s’acquiert pas comme une javeline,
A Ruhanga chez Nyirakabogo et chez Bicuba
(Ruhanga : localité dans la province du Bumbogo, destinée à être le cimetière des Rois ayant porté le nom dynastique de Ruganzu et aux Reines Mères du nom de Nyiramavugo. La réforme des noms royaux fit que seule y fut inhumée Nyiramavugo I Nyirakabogo, mère de Mutara I. Bicuba : nom sous lequel fut d’abord intronisé Mutara I, fils de cette Nyirakabogo. Il l’abandonna pour prendre celui de Mutara, lors de la réforme des noms royaux, et à l’occasion de l’introduction, au Code du Bwiru, du Poème appelé « la Voie des Abreuvoirs »)
Le Roi est désigné par consultations d’oracles
Et les Tambours lui sont consacrés !
Et alors le méchant ourdit de noirs projets,
Disant que son père avait été exécuté !
Par tout le pays ils promènent les poisons (Ruhanga : localité dans la province du Bumbogo, destinée à être le cimetière des Rois ayant porté le nom dynastique de Ruganzu et aux Reines Mères du nom de Nyiramavugo. La réforme des noms royaux fit que seule y fut inhumée Nyiramavugo I Nyirakabogo, mère de Mutara I. Bicuba : nom sous lequel fut d’abord intronisé Mutara I, fils de cette Nyirakabogo. Il l’abandonna pour prendre celui de Mutara, lors de la réforme des noms royaux, et à l’occasion de l’introduction, au Code du Bwiru, du Poème appelé « la Voie des Abreuvoirs ».

Avec lesquels ils sont finalement exterminés !
En voilà d’autres qui sont en portée de malignité :
Qu’ils l’avortent, au Rubumba
(Le vers prêterait à confusion : le prince Gasenyi, l’un des prétendants dont l’Aède va du reste parler, était réfugié au Gisaka et demeurait dans une localité appelée Rubumba. Or il existe un groupe de Puits pastoraux appelé Rubumba également, au pied du Kigali, à plus d’un kilomètre environ en aval du pont actuel de la Nyabarongo. C’est indubitablement de ce dernier « Rubumba » qu’il s’agit ici, étant donné la louangeuse phrase-cheville qui souligne le vers. — En ce qui concerne le prince Gasenyi, voir la notice consacrée au Poème 60, au Chapitre suivant.)

Chez la Présidente-des-pasteurs et chez l’Enrichisseur :
Avez-vous considéré les illusionnés, que sont les partisans de Gasenyi ?
Puisque Dieu ne les a pas favorisés
Ils vont s’éterniser hors de notre pays.
Permettez que j’apprenne au Roi le lieu où séjourne Dieu
Je suis arrivé en ce lieu appelé Nom-à-lui-seul,
Chez la Voyageuse et chez Nyirakabogo, souche du Sacré:
Je contemple Dieu en la demeure que voici !
Je trouve qu’il est le Dieu accessible à nos supplications.
L’autre Dieu, c’est lui qui le connaît :
« L’autre Dieu »: le Dieu Suprême dont le Roi est le représentant ».

Nous ne voyons que ce Défenseur quant à nous !
Ce Tonnerre-ci ne partage pas avec les médiocrités :
Il chemine dans une sphère à part, d Humure
(Humure, près Nyamirembe »: localité dans la province du Buganza-Nord au Territoire de Kigali ; « Capitales des plus vénérées, formant une « agglomération » au sens du Code du Bwiru. Ce fut à Nyamirembe que Gihanga fondateur de la Dynastie, fit son testament en divisant son empire entre ses fils, dont le Chef Patriarcal fut Kanyarwanda I Gahima I.)
Chez l’Excursionniste et chez la Présidente-des-Armées :
J’ai observé et trouvé qu’il a ses façons à lui.
Il agit à sa manière et personne ne se compare à lui,
Et au fond des eaux il précipite ceux qui tentent de le provoquer.
As-tu remarqué ceux qui empêchent qu’il pleuve, ô Maître des Pluies :
A Bweramvura chez la Secourable et chez l’Éloquent :
( Bweramvura (c.-à-d. Réservoir de la pluie) : nom de deux localités « capitales » traditionnelles, l’une dans la province du Kabagali (dit Bweramvura près Kinihira), l’autre dans celle du Buriza (appelée Bweramvura après Kabuye), respectivement aux Territoires de Nyanza et de Kigali.)
Ce porte-secours-universel donne audience
Et je me présente pour les couvrir de malédictions.
C’est encore moi qui ai maudit Mutaga :
(Il est bien possible que l’Aède ait composé une satire contre Mutaga III ; nous ne voyons cependant pas les possibilités de la retrouver parmi celles que nous possédons et dont les auteurs ont été identifiés. )
Le Batailleur le tua avant que le soleil n’atteignît le zénith
Et je reçus la récompense qui m’en revenait !
Celui que voici est le seul qui a préséance sur ses aînés,
A Rwingwe chez la Réalisatrice et chez le Porte-bouclier :
( Rwingwe (c.-à-d. Repaire de léopards) : l’un des contreforts du Mont Kigali, qui est la « Capitale-cceur » du Rwanda ; c’est-à-dire : « Capitale traditionnelle » à laquelle le Code Ésotérique de la Dynastie attache les destinées de la Lignée et de tout le pays.)
C’est lui Dieu, le Fort que voici !
Les prédestinés à la richesse
Auprès de lui nous venons puiser les bénédictions !
En voilà qui tentent de se mesurer à ce Lion-ci,
A Mwulire chez la Directrice-des-combats et chez le Prévoyant
(Mwulire : nom de trois « capitales traditionnelles », l’une dans le Buganza, appelée Mwulire près Rwamagana ; l’autre, l’un des sommets du Mont Kigali ; la troisième enfin dite Mwulire près Muhima, tout à côté de la mission de Sâve. Pour la signification de ce nom, voir la notice consacrée au Poème 37, au Chapitre suivant. Le Chef Rukali, personnifiant alors les adversaires du Roi, venait d’être condamné à la noyade (cfr notices sur les Poèmes 57 et 58). Cette allusion arrivera plus d’une fois sur les lèvres des Aèdes du règne. )

Tandis qu’à la noyade il les condamne tous les matins !
Réduis à l’extrémité, ô l’Arpenteur-des-voies,
Ceux qui se transmettent les insignes royaux de Kabonde
(Kabonde : était la mère de Kimenyi III Rwahashya, Roi du Gisaka. L’Aède emploie cependant ici un mot exprimant la vénération : « inyonga » (insignes royaux). Le contexte ne nous permet pas de douter sur l’identité de la personne que l’Aède avait en vue, et à laquelle il aurait dû normalement appliquer un terme moins respectueux.)

Et les Barundi seront renversés !
Le Souverain que voici boit le lait trait par Dieu
Et nous buvons celui qu’à son tour il trait pour nous,
Et à Rwamiko le lait s’étale abondant !( «Rwamiko » nom de deux « capitales » traditionnelles, l’une dans la province du Buganza-Nord, et l’autre dans celle du Marangara, aux territoires respectivement de Kigali et de Nyanza.)

Une seule vache qui vêle en sa demeure est gage de félicité,
Ce Protecteur de nous tous,
Et ceux qui immigrent de l’étranger
Sont eux aussi par elle pleinement rassasiés.
Le Roi que voici est le seul grand responsable
Lui qui se charge de tout un pays,
Et qui, trait lui seul uniquement, parvient à le rassasier !
Il entretient ceux qui lui demandent asile
Ainsi que ses sujets qui le supplient en familiers,
Et à tous à la fois il donne le suffisant.
Il n’y a pas de prince du sang
Qui accepterait d’être Roi s’il n’est désigné :
Seul le Roi désigné s’acquitte avec succès des hautes fonctions !
Personne ne peut travailler seul et sans aide
De manière à donner satisfaction au pays :
L’Élu légitime s’occupe seul brillamment de ces fonctions.
Le Roi n’est ni un noble du commun,
Ni ne peut être un simple prince du sang :
Il est l’élévation et il domine sur les humains !
Il est plus haut que les plus élevés ;
Les plus grands d’entre les grands dans leur hiérarchie,
Il les domine également :…
Le Porteur du nom unique que voici
N’est pas un homme comme les autres :
Rien d’étonnant à cela, car c’est un Tonnerre
Qui habite haut dans le firmament.
Et, quand il veut s’en prendre à toi,
Il prélude par des éclairs pour te foudroyer
Et t’oblige à venir le supplier !…
Le Roi que voici ressemble seulement aux hommes :
Il leur est semblable par la peau et non pas par le coeur!
Le Souverain est un Élu :
Il ne se mêle pas aux nobles et obtient un rang distinct.