Si nous voulons comprendre l’indigène à l’occasion du culte des morts, pour saisir sa pensée par rapport aux mânes, nous devons nécessairement commencer par l’observer dans son comportement lors des derniers moments, de la mort, des funérailles et du deuil ; nous devons également essayer de pénétrer son esprit pour y découvrir sa pensée à l’égard de la mort elle-même.

Les derniers moments et l’enterrement.

Au Ruanda-Urundi, seuls les vivants jaloux ou malveillants d’une part, l’esprit des défunts vindicatifs ou redresseurs de torts d’autre part, sont censés envoyer la maladie et la mort.

En conséquence, on ne meurt que de mort causée par la main de l’homme, par accident, ou par sortilège. Il est significatif de noter qu’il n’existe, tant au Ruanda qu’en Urundi, qu’un verbe pour désigner l’empoisonnement et l’envoûtement : kuroga.

L’indigène primitif n’admet pas les causes naturelles des maladies, il ignore tout de l’hérédité, des microbes et d’autres causes ; par ailleurs, il se fait des idées à rebours quant à la contagion.

Les vieilles femmes veuves sont spécialement suspectes d’être des envoûteuses ; ayant été au contact de la mort de leur époux et bien souvent de leurs enfants et petits-enfants, elles sont devenues spécialement dangereuses pour leur voisinage. De là est né le mythe des « vieilles sorcières ».

Sur la base de cette confusion entre l’envoûtement et l’empoisonnement, à de nombreuses reprises furent effectuées, en Justice, des enquêtes relatives à l’empoisonnement. Elles ne donnèrent jamais, à notre connaissance aucun résultat positif, et après plus d’un demisiècle d’occupation du Ruanda-Urundi, les Européens n’ont toujours pas relevé la moindre existence d’un poison agissant par ingestion. Certes, il existe des mixtures employées à la chasse qui seraient d’un effet foudroyant lorsqu’elles sont injectées, à l’aide de flèches, directement dans le sang, mais les expériences de laboratoire démontrèrent invariablement qu’elles étaient neutralisées par l’acidité stomacale.

Certaines maladies sont guéries par des simples connus soit de tout le pays, soit des devins : guérisseurs abapfumu. Pour les prévenir ou les guérir, on effectuera des sacrifices (guterekera) aux ancêtres.

Si la maladie persiste, on portera l’amulette conseillée par les devins abapfumu ; à la dernière extrémité, l’on s’adressera aux disciples des esprits divinisés RYANGOMBE ou KIRANGA, à moins que le malade n’essaye lui-même de devenir membre de leur secte afin d’enrayer l’action des mauvais esprits et de se concilier celui du grand maître.

Dès que l’issue fatale s’avère certaine, on en avise le voisinage. Les parents, amis et connaissances viennent rendre une dernière visite au mourant qui dicte, s’il en a le temps, ses volontés testamentaires.

Afin d’abréger les souffrances de l’agonisant, on pratiquait bien souvent l’euthanasie (gusonga) soit en le poignardant (lors d’une vendetta), soit en l’étouffant, en l’étranglant, ou en le gavant de lait à tel point qu’il en mourait. Cette coutume a été rapportée par DE LACGER  pour le Ruanda et par Mgr GORJU pour l’Uganda.

Au moment de la mort, les assistants poussent de violentes lamentations (induru).

1) RITE DE LA POSITION FOETALE ET DE LA REMISE DE CHARMES AU MORT.

Il s’agit d’aller vite afin de placer le cadavre, tant qu’il est chaud, dans la position fœtale qu’il doit occuper dans la terre-mère. Le R. P. DUFAYS signale que l’on entame parfois ce rite alors que la mort n’est pas encore intervenue et il rapporte le cas d’un vieillard qui se releva à deux reprises de la tombe.

Le présumé mort est complètement dévêtu et dépourvu des talismans qu’il portait, les jambes sont ramenées en avant, les genoux sont repliés jusqu’au menton, les bras sont relevés le long de la tête, puis repliés en arrière jusqu’à ce que les mains reposent sur les clavicules N. Cette coutume était déjà pratiquée par les Égyptiens pré- et proto-historiques.

Si le cadavre est raide, on brisera les membres afin de le placer dans la position rituelle.

Dans la main droite du cadavre, on dépose trois petits paquets contenant l’un des poils de mouton — gage de paix — , l’autre des poils de vache — afin que l’esprit du défunt soit propice à une postérité aussi nombreuse que les poils de la vache — et un troisième comportant des feuilles d’ishyoza employées comme calmant contre les douleurs et, par extension, pour apaiser la vindicte du défunt.

Si celui-ci n’a pas eu d’enfants, il est inutile de lui confier les trois charmes précités ; on lui mettra tout simplement dans la main des cendres de la plante umuhunga, paronyme d’umuhungu (jeune homme) et un fruit de l’arbrisseau bénéfique intobotobo.

La jeune fille reçoit une vieille louche à pâte umwuko; cet ustensile est considéré comme un charme de toute première valeur qui assure la paix à la femme.

En Urundi, on attache un bandeau de ficus autour de la tête du défunt. Arrivés à la tombe, sa femme et ses enfants l’oignent de beurre au front, en priant son esprit de leur être favorable.

Toutefois, ni armes, ni aliments, ni boissons ne l’accompagnent dans le tombeau. Un homme tué d’un fer de lance ne pouvait jamais être enterré avec celui-ci : c’eût été, à coup sûr, s’attirer sa vindicte.

Les jambes du défunt étaient enduites de bouse de vache jusqu’aux genoux, la veuve accomplissant ce rite à la jambe droite et le fils aîné à la jambe gauche.

Le corps est déposé dans une vieille natte.

2) RITE DE L’AUTOPSIE (kubaga) :

Ce rite existait tant en l’Urundi qu’au Ruanda. Le foie, au Ruanda-Urundi, est réputé être le siège de la mort. Notons que la méthode de la consultation du foie — l’extispicine —, était bien connue en Asie occidentale notamment chez les Etrusques, les Elamites, les Akkadiens et les Hittites. Selon la conception babylonienne, le foie est le siège de la vie de l’âme.

Au Buraga.ne-Moso (Urundi), un membre du clan ou un ami ouvrait le côté droit du cadavre dont il enlevait le foie. L’opération était publique, mais ni les femmes, ni les enfants du défunt ne pouvaient y assister. Si l’organe était gonflé, c’est qu’à coup sûr, le défunt avait été envoûté ; dès lors il incombait aux devins d’en rechercher le coupable. L’autopsie n’était jamais pratiquée chez ceux qui ne méritaient pas de sépulture : aliénés, lépreux, foudroyés, jumeaux, etc. Dès que la consultation était terminée, le foie était jeté dans la tombe, au-dessus du cadavre déjà recouvert de terre, ainsi que le couteau ayant servi à pratiquer l’opération.

Si quelqu’un était mort de tuberculose, le foie, considéré comme le siège de la maladie, était donné à manger à un chien émissaire qui était aussitôt abattu à coups de lance, puis enterré, emportant avec lui, à tout jamais, la maladie dans sa fosse. Le couteau et la lance ayant servi à réaliser le rite étaient jetés au loin afin d’éviter tout contact avec le danger dont ils étaient désormais porteurs.

Une césarienne (kuraka) était pratiquée sur les femmes enceintes mortes avant délivrance.

3) RITE DE L’ENTERREMENT.

  1. a) L’emplacement.

Pour les importants personnages et les grands propriétaires de bétail, l’enterrement avait lieu sous la hutte au Ruanda, et sous l’endroit réservé au feu igicaniro consumé en faveur des bovins à l’intérieur du kraal, en Urundi. La hutte et l’enclos étaient fréquemment abandonnés au Ruanda, tandis qu’en Urundi, la famille y plaçait un serviteur umuheza (de guheza : empêcher le retour) qui avait pour mission de procéder au culte de l’esprit du défunt, et qui par la suite pourvoyait à la nourriture du serpent de réincarnation.

Pour les autres personnes : chefs de famille, femmes, enfants, l’enterrement avait lieu dans le kraal arrière (mu gikari) au Ruanda, et dans la partie avant, à droite près des greniers à provision, en Urundi. Au centre du pays, le corps était fréquemment exposé en pâture aux hyènes en un lieu retiré.

  1. b) Mise au tombeau ( Guhamba — Guta).

Comme nous l’avons vu, la mise au tombeau doit avoir lieu dans le plus bref délai possible, et ce délai est parfois tellement court que malheureusement il arrive qu’on enterre des vivants.

La fosse est creusée, à l’instant même où la toilette funèbre commence, jusqu’à environ deux mètres de profondeur, puis on y aménage une niche latérale où l’on dispose un lit de branchages. S’il s’agit de gens mariés, le cadavre du mari est couché sur le côté droit, afin de l’empêcher de prendre les armes contre ses descendants ; dans tous les autres cas, le cadavre est déposé sur le côté gauche. L’orientation est habituellement d’est en ouest.

  1. c) Rite post-inhumation.

Une première purification des mains a lieu en Urundi de la part des assistants, au-dessus de la tombe, à l’aide d’eau mêlée de suc de feuilles d’umugombe (plante dont les feuilles dorment un remède contre les maux de tête), dont on laisse tomber quelques gouttes dans la fosse. On grignote quelques grains d’éleusine que l’on crache sur la tombe en disant : « Sois-nous propice, enlève le mauvais présage ». Chacun jette un peu de terre, puis la tombe est comblée tandis que les lamentations reprennent un instant. Puis le deuil commence.

A la fin de celui-ci, outre un premier sacrifice à l’esprit du défunt, un voisin, en Urundi, plante sur la tombe quelques boutures d’umugombe dont les rejets ne seront jamais coupés, car on croit qu’en le faisant, on couperait en même temps la tête du défunt.

Cas spéciaux.

N’étaient pas enterrés et n’ont pas droit au deuil :

1) La femme morte avant délivrance. On en pratique l’autopsie afin de retirer le fœtus qu’elle porte. La croyance populaire veut que, faute d’effectuer cette opération, l’esprit de la femme ne manquerait pas de venir tuer son mari. Les deux corps étaient abandonnés dans un endroit désertique.

2) Les inconnus, les voyageurs morts en cours de route ne reçoivent pas de sépulture ; les passants se contentent de jeter une touffe d’herbe sur leur cadavre.

3) Les jumeaux morts étaient préalablement saupoudrés de cendres d’umugombe, umubamba et d’umutanga, puis déposés dans un pot peint en blanc et obturé à l’aide de bouse de vache. Ce cercueil était mis hors du kraal. Dans le nord de l’Urundi, ils étaient placés dans une auge, exposés au bec des rapaces.

4) Les lépreux.

5) Les foudroyés. Ils pouvaient être enterrés, près de l’endroit de l’accident, à condition d’avoir été préalablement désacralisés par l’exorciseur public umugangahuzi

6) Les aliénés.

7) Les filles-mères : elles étaient jetées dans une rivière ou bien abandonnées, de leur vivant, sur une île déserte du lac Kivu.

Dans la conception populaire, tant au Ruanda (1) qu’en Urundi, le roi ne meurt pas comme le vulgaire : il se suicide dès qu’il sent ses forces décliner et que l’un de ses fils est virilement capable de le remplacer dans sa charge. En conséquence, on ne dit jamais que le roi est mort, mais on emploie des circonlocutions : « aranyoye» (il a bu, s.-e. le poison), « le soleil s’est couché ») « il est parti », « il a cédé son pouvoir)) (yatanze), «le ciel est tombé » (ijuru ryaguye).

Chez les Bayeke (Katanga), cousins des Batutsi, à la mort du chef, un des assistants sort et crie : Mwami aka ngoma. « le roi abandonne ses tambours ». Défense, en parlant d’un chef, de dire qu’il est mort ; le défunt est désigné sous le nom de MUKABANGOMA. Un notable se hisse sur le toit dont il arrache le faite (kansonge) qu’il jette à terre. Des usages semblables existent au Ruanda-Urundi, où la pointe du toit agasongero était enlevée avec son assise non seulement à la mort du mwami, mais également lors de sa déposition (ce fut le cas pour MUSINGA en 1931), puis toute son habitation était abandonnée.

La croyance au suicide du roi dès que son fils est en âge de régner puise vraisemblablement sa source chez les pasteurs nilotiques où les Chillouks emmuraient leur roi vivant et où, chez les Dinkas, les « rois divins » faiseurs de pluie, arrivés à la sénilité, se suicidaient en s’étendant vivants dans une tombe que l’on comblait après qu’ils eussent proclamé leurs dernières volontés. En théorie, la reine-mère devait également se suicider dès l’apparition de ses premiers cheveux blancs.

Le R. P. PAGÈS, en nous apprenant que le poison employé par le mwami du Ruanda, provenait du lac Victoria, nous indique la direction d’où émane cette coutume qui fut déjà rapportée pour les rois d’Éthiopie par DIODORE DE SICILE (I, chap. VI, p. 316). Elle se retrouve également dans le cercle rhodésien à civilisation issue de pays baignés par l’Océan Indien, et elle fut signalée dans les royaumes Balunda et Baluba.

Nous nous trouvons ici en présence d’un principe admis dans certaines sociétés à royauté primitive : dès que le roi n’est plus capable de régner, de protéger son peuple, de lui montrer l’exemple de la virilité, il doit céder la place à un autre plus disposé à le faire.

Tant au Ruanda qu’en Urundi, contrairement à ce qui se fait communément, le cadavre du mwami n’est pas recroquevillé dans la position fœtale, mais ses membres demeurent bien étendus ; il est enseveli dans une peau de bœuf, blanche au Ruanda, noire en Urundi.

Il est déposé dans une hutte, sur une claie, à un mètre cinquante au-dessus du sol. Au Ruanda, les banyamugogo (les hommes de la dépouille royale), en Urundi, un homme et une vestale entretiennent nuit et jour un feu en dessous du corps qu’ils retournent régulièrement tout en l’enduisant de beurre, jusqu’à ce qu’un ver charognard urunyo sorte de la main droite du cadavre. Après avoir été nourri de lait, ce ver est censé se métamorphoser en léopard au Ruanda et en lion en Urundi. Contrairement à ce qui se fait pour les simples mortels, le mwami n’est pas enterré. Son cadavre est transporté dans une hutte sur une colline : notamment à Rutare (Territoire de Kigali) pour le Ruanda, et à Mwezi, aux sources du Nil-Ruvubu, près de la forêt (Territoire de Ngozi) pour l’Urundi. On ferme complètement la hutte autour de laquelle, avec le temps, pousseront de grands ficus et dragonniers. Des gardiens attitrés — abaterekerezi — veillent sur les lieux et offrent en un rite officiel et constant, des sacrifices aux mânes des rois défunts. Ils ne peuvent jamais voir le mwami régnant ; ce dernier mis en leur présence pourrait mourir subitement.

A l’appui de l’affirmation que le cadavre n’est pas enterré, citons le fait que d’après le R. P. PAGES, à l’avènement, au Ruanda, d’un YUHI, la momie de son prédécesseur était descendue jusqu’à la source du bois Muhima (Kigali), afin d’y « boire » dans le but de rendre le nouveau règne paisible et prospère. Cette coutume nous ramène à un rite du Soudan central où les pasteurs Bayas après avoir enfumé le cadavre de leur roi, le déposaient dans le lit d’une rivière. L’abbé KAGAME signale qu’en 1931 la momie de CYILIMA II-RUJUGIRA, décédé vers 1760, n’était pas encore enterrée .

Tandis que nous étions administrateur du territoire de Shangugu, décéda à Kamembe, le 2 octobre 1933, la reine-mère NYIRA-YUHI qui accompagnait le mwami MUSINGA en exil. Sous la direction des appariteurs KAMPAYANA et NDAMAGI, son cadavre fut enfumé jusqu’au 18 octobre 1933, date à laquelle, enseveli dans une peau de vache, il prit la direction du cimetière des rois à Rutare transporté en hamac ingobyi par porteurs. Rutare fait face à l’ancienne capitale autochtone des bami de Gasabo. Cette dernière localité est, selon l’abbé KAGAME, l’une des plus anciennes capitales du Ruanda. RUGANZU-BWIMBA y habita ; c’est le premier roi plus ou moins véridique que nous donne la tradition. L’endroit se nomme Ruanda rugari rwa Gasabo: la large colline Ruanda de Gasabo ; par la suite, le nom de cette capitale fut étendu à tout le pays des bami Banyiginya.

Gasabo est une grosse colline, d’environ 1900 m d’altitude, située à l’extrême nord du Bwanacyambwe. Rutare est séparée de Gasabo par une profonde dépression au fond de laquelle se trouve l’extrémité du lac Muhazi et son exutoire la Nyabugogo. Les vivants étaient ainsi séparés des morts par une barrière d’eau. Et ceci fait penser à l’expression « se trouver dans l’au-delà ».

Par anthropomorphisme, on assimile l’esprit du mort considéré comme éminemment vindicatif, à un être vivant. Si celui-ci est dans l’impossibilité de traverser la rivière envisagée par ses propres efforts, il en sera de même pour l’esprit. Le vivant ne se sent à l’abri des poursuites du mort que lorsqu’il est séparé de celui-ci par un cours d’eau.

En Urundi, le cadavre du mwami était transporté par les banyange (fossoyeurs) à Ibunyange. Ces banyange recevaient 4 vaches laitières, 4 ingumba (vaches bréhaignes), 4 petits pots de beurre ainsi que 4 cruches d’hydromel. Après que le lion était censé sorti du cadavre du mwami, la vestale qui le veillait était épousée par le munyange qui l’avait aidée à l’entretien du cadavre royal. L’époux portait le nom du roi mort et l’épouse celui de la reine-mère de ce roi (par ex. INAMWEZI si l’époux avait pris le nom de MWEZI). Lors de la clôture du deuil, on pratiquait le gukura umwami, c’est-à-dire que tous les enfants portant des ibisage (longs cheveux) étaient rasés.

Les hommes se couchaient avec leurs femmes et les taureaux étaient mêlés aux vaches. La bouse de vache était enlevée des kraals, où les feux pastoraux étaient rallumés. Les reines-mères étaient enterrées dans un lieu commun appelé Ibunyange.L’umunyange qui avait enterré le roi ou la reine-mère en prenait le nom et en portait les habits et objets de parure.

Cimetières royaux.

1) Urundi. Le cimetière des bami de l’Urundi est situé à la colline Mwezi, à la source de la Ruvubu, près de la forêt de la crête Congo-Nil, en territoire de Ngozi.

2) Ruanda. Les cimetières des bami se répartissent comme suit :

  1. a) Rutare (Buganza-Nord — Terr. Kigali), pour les titulaires du nom de règne de KIGERI, MUTARA et CYILIMA. KIGERI avait repris les prérogatives attribuées aux noms de règne de Ruganzu et de Ndahiro.
  2. b) Remera (Buliza — Terr. Kigali), pour les Mibambwe.
  3. c) Kayenzi (Rukiga — Terr. Byumba), pour les Yuhi.
  4. d) Btangampundu (Buliza — Terr. Kigali) pour les monarques et les reines-mères ayant succombé de mort violente comme RUGANZU II.

Seules les femmes de bami ayant régné en qualité de reine-mère étaient enterrées auprès de leur époux.

  1. Force occulte nocive créée par la mort (Urupfu)

Ceux qui assistèrent au décès d’une personne sont devenus dangereux pour la société ; ils devront observer des rites de réclusion et de purification que nous examinerons d’une manière détaillée à l’occasion de l’étude du deuil. La mort rend impropre à la consommation les vivres qui se trouvaient dans la hutte où se produisit le décès ; ils ne sont plus bons qu’a être jetés ; faute de ce faire, ils risqueraient de compromettre irrémédiablement la santé des survivants. La femme qui voit par inadvertance creuser une tombe doit aussitôt se moucher le nez dans une feuille d’érythrine qu’elle jette ensuite en direction de la fosse. La femme enceinte qui aperçoit un serpent ou tout autre animal crevé doit le toucher de l’auriculaire, puis souffler sur ce dernier afin d’éliminer le principe malin qui aurait pu lui être fatal. Le simple énoncé du nom du défunt peut être mortel pour celui qui le prononce.

Le chasseur qui vient de donner la mort à un grand animal tel qu’éléphant, buffle, lion, léopard, etc., doit s’abstenir d’accomplir l’acte sexuel avec sa femme, car il est devenu, tel un accumulateur récemment chargé, dépositaire d’un potentiel de danger de mort pour sa partenaire. Auparavant, il doit accomplir des cérémonies analogues à celles du deuil porté pour les humains, notamment le kwirabura et le kwera: s’endeuiller et se purifier ensuite. Chez les Batutsi, par contre, le chasseur déchargeait son potentiel maléfique précisément en accomplissant l’acte sexuel sur une servante, puis en buvant le liquide exorciseur isubyo.

Les guerriers qui avaient abattu des ennemis à la guerre étaient également tenus d’observer les rites du deuil et de la purification, sinon ils eussent provoqué la mort de leur compagne, tandis que pour eux-mêmes, ils se seraient exposés à contracter automatiquement l’eczéma justicier amahumane, ou à quelque autre malheur grave.

Le chasseur dont la femme est enceinte risquerait de provoquer la mort de celle-ci ou son avortement s’il tuait un animal à la chasse. S’il se hasardait à participer à une chasse à l’éléphant, il risquerait fort d’être tué par ce pachyderme.

Les Batwa chasseurs exécutent des rites de deuil auxquels participent hommes et femmes à l’occasion de l’abattage d’un éléphant mâle dont ils craignent la vindicte de l’esprit considéré comme résidant dans l’organe viril de l’animal. Ils revêtent l’éléphant de l’herbe fétide umwishywa, d’umurembi (de kuremba : réduire à l’impuissance) et d’umutanga (de gutanga : devancer, vaincre) ; puis ils implorent l’animal, en des prières rituelles, de ne pas se venger sur eux ni sur leur famille : « Détourne donc de moi ta colère, que ma famille ne périsse pas ! »; en compensation de la mansuétude demandée, ils promettent à l’éléphant mort de la bière comme dans le culte des ancêtres. Ils enterrent enfin l’organe viril adorné des plantes magiques précitées. Après cette dernière cérémonie, ils peuvent dépecer et manger l’éléphant en toute tranquillité.

Au Ruanda-Urundi, on n’oserait pas tuer certains serpents-esprits ainsi que la grenouille, de crainte de représailles mortelles et immanentes de la part des défunts que ces animaux incarnent.

Il faut se raser la tête en signe de deuil lorsqu’on a tué, même par inadvertance, une bergeronnette, totem des Bagesera ; il faut prendre des précautions extraordinaires lorsqu’une grue huppée, totem des Banyiginya, se pose sur la hutte ; et enfin il est nécessaire de recourir aux bons offices des prêtres de Ryangombe lorsqu’on a tué un léopard totem des Bazigaba.

Il est bien évident que les indigènes ayant des animaux pour totem, ne peuvent leur donner la mort ni même les maltraiter.

En Urundi, celui qui a tué l’ibis kigungumuka doit prendre des précautions pour que la famille de l’oiseau ne vienne se venger. Il ira déposer un panier d’arachides à l’endroit où ces oiseaux se rassemblent habituellement. Il aura soin d’y ajouter une vieille houe en fer. Si les oiseaux mangent les arachides, il n’y a plus à s’inquiéter : les parents de la victime ne se vengeront pas.

Le deuil.

Tout ce qui a été au contact du mort (parents, outils, nourriture, hutte, kraal) est contaminé par la mort qui a plané sur le foyer ; en conséquence, parents et objets, tels un accumulateur qui vient de recevoir une charge, ont acquis un potentiel élevé de danger — l’impureté n’étant qu’un euphémisme — néfaste non seulement pour eux-mêmes, mais également pour la société.

Une conception identique avait cours chez les Israélites (Nombres, XIX, 14) pour qui « lorsqu’un homme mourra dans une tente, quiconque y entrera sera impur, tout vase découvert sera impur, quiconque touchera dans les champs des ossements humains, ou un mort, ou un sépulcre, sera impur ». Les purifications s’opéraient au moyen d’aspersion d’eau, de lavage des vêtements et d’ablutions personnelles.

Les cérémonies du deuil au Ruanda-Urundi consisteront en autant de rites que l’on poursuit de buts distincts :

  1. a) II faut signaler à autrui le danger dont on est porteur; le deuil va donc remplir une mission psychique définie ;
  2. b) Il faut écarter de soi-même les mauvais esprits qui ont provoqué la mort, et se défier de celui du défunt ;
  3. c) Il faut se débarrasser de l’état d’impureté par différentes purifications ;
  4. d) Il faut enfin renouer par des libations, des repas en commun, et des cadeaux que l’on reçoit, les liens sociaux qui avaient été si dangereusement menacés et altérés par la mort d’un des membres de la collectivité.

La mort étant le plus grave accident qui puisse survenir à l’homme, les rites du deuil seront en conséquence relativement longs et complexes. Ils varient, sur des questions de détails, de région à région.

1) RITE DE SIGNALEMENT ET DE PROTECTION PERSONNELLE (kwirabura: noircir).

Les cris de lamentation qui s’étaient élevés lors de l’agonie, redoublent d’intensité au moment du décès. Cela s’appelle kuvuz’induru: donner l’alarme. Un des proches parents annonce le décès (kubika) du haut d’une colline. Chez les Batutsi, il est de coutume de donner une vache y’ukubika au patron du chef de famille lors du faire-part du décès. A la Cour, les tambours se taisent. Dès ce moment, il est en principe interdit de prononcer le nom du défunt. L’énoncer serait le rendre présent, or comme son esprit ne peut être que violemment fâché du sort qui vient de l’atteindre, il chercherait à se venger sur ceux qui l’évoqueraient.

La veuve ne peut plus porter l’urugore (couronne de paille de sorgho) qu’arborent les mères en public, ni la petite gourde ubunure, charme lui servant de bouton à la ceinture dès qu’elle a conçu.

Au Ruanda, l’on portera des vêtements de couleur sombre qui écartent les mauvais esprits ; en Urundi, une nouvelle étoffe de ficus rouge.

Comme il se conçoit, l’étoffe de ficus, contrairement à ce qui se fait ordinairement, aura été battue et revêtue en dehors de la hutte du mort. Les ornements que l’on porte au cou, bras, chevilles et à la ceinture et qui ont « vu » le mort, seront entourés de feuilles de bananier et une bande de même matière sera fixée au front. On se laisse pousser les cheveux. Il y a lieu de noter que ces obligations ne se rapportent qu’aux parents directs du défunt : femmes, enfants, père ayant vécu sous le même toit ; les collatéraux n’en sont pas affectés. Toutefois le deuil est porté, lors du décès d’un mwami.

D’une manière plus précise, sont tenus au deuil complet :

Les enfants envers leurs parents

Les époux entre eux ;

Le petit-fils qui a enterré son grand-père.

On ne prend pas le deuil pour les beaux-pères, les belles-mères, les oncles, les tantes, ni pour les grandsparents, hormis le cas précité.

2) DURÉE DU DEUIL.

La durée du deuil varie non seulement de région à région, mais encore selon l’importance sociale du défunt. En Urundi, cette période est de cinq jours pour un homme ou une femme ayant eu beaucoup d’enfants ; de quatre jours pour la femme mariée sans enfant et pour un jeune homme, de trois jours pour une jeune fille et de deux jours pour un enfant. Au Ruanda, le deuil dure deux lunes pour un père de famille, une lune pour une mère. Il était de deux lunes à l’occasion de la mort d’un chef, de quatre pour le mwami, au Ruanda ; d’un an pour le mwami en Urundi, ou plus exactement jusqu’à l’avènement de son successeur.

3) RITES DE RESTRICTIONS ET SACRIFICES AUX DÉFUNTS.

Durant la période du deuil, il est interdit, en principe

  1. a) De manger de la viande, du beurre, du sel, et d boire du lait ;
  2. b) De cultiver ;
  3. c) D’entretenir des rapports sexuels tant chez les êtres humains parents du défunt que parmi le bétail ; à cette fin les mâles sont retirés des troupeaux ;
  4. d) De préparer le feu pour le bétail (gucanira inka) à l’intérieur du kraal et de baratter le beurre (gucunda — guterera) ;
  5. e) De se raser.

Si le défunt était mwami, l’on exécutait des sacrifices humains afin de lui servir cl’ « oreillers » (gusegurira umwami). Pour le mwami, on tuait deux hommes ; pour la reine-mère, deux dames batutsi. A Kamembe, le 3 octobre 1933, lendemain de la mort de la reine-mère NYIRA-YUHI, on incendia une hutte dans laquelle périt l’une de ses plus anciennes servantes. Le lendemain de la mort de NDAGANO, faiseur de pluie national du Ruanda, mwami du Bukunzi (Shangugu), le 31 mars 1923, plusieurs vies humaines furent sacrifiées à son intention.

Au décès d’un père de famille, riche mututsi, les siens sacrifiaient le taureau principal de ses troupeaux, il en était évidemment de même en cas de mort du mwami.

Ces rites procèdent de la conviction que se font les primitifs, suite à leurs conceptions sur la survivance, aux contacts antérieurs et à la loi de la ressemblance : dans le but de parer à la vindicte des défunts, il convient de s’associer à leurs restrictions alimentaires et sexuelles ; d’autre part, il échait de leur accorder des serviteurs dans l’au-delà.

4) PREMIÈRE PHASE DES RITES DE PURIFICATION.

Ainsi que nous l’avons vu, en Urundi, on se lave les mains au-dessus de la tombe. Dès que la mort est survenue, le feu est éteint dans la hutte et la case est vidée de tous les vivres qu’elle contenait. Immédiatement après l’enterrement, l’oncle paternel allume la bûche de purification (umugogo) en érythrine, à l’intérieur de la hutte ; elle se consumera durant sept jours.

5) SECONDE PHASE DES RITES DE PURIFICATION.

Le huitième jour, le personnel féminin récolte des plantes et des fruits comestibles, ainsi que des herbes d’assaisonnement ; le tout est cuit avec sel et beurre sur la bûche précitée, et mangé en un premier repas familial en commun. La bûche est ensuite emmenée en procession masculine, au milieu de cris de lamentation, jusqu’à un ruisseau où elle est jetée. Les membres de la procession se purifient à la rivière par des ablations, tandis que les femmes se lavent à la maison avec de l’eau ramenée à leur intention. A dater de ce jour, il leur sera interdit de puiser de l’eau en aval du point de chute de la bûche.

Pendant ce temps, une jeune fille du voisinage enlève du foyer de la hutte toute trace de cendre, balaie la case, replace les nattes battues, jette au dehors les débris de nourriture et de tabac et enlève les restes de sel et de beurre.

6) TROISIÈME PHASE DES RITES DE PURIFICATION (Kulendeza).

Cette nouvelle purification a lieu sept jours après la précédente et comporte deux aspects.

  1. a) Guha amata (donner le lait). Un garçon et une fillette, en compagnie du frère du défunt ou à son défaut de l’umuse, parrain mystique de la famille, allument un grand feu de branchages à l’extérieur de la hutte, au milieu du kraal. Ils barattent du lait dans une grande calebasse et, à l’aide du beurre produit, ils enduisent les membres de la famille qui reçoivent le petit lait à boire.
  2. b) Gutera ingwa (purification au kaolin). Une jeune femme n’ayant pas encore d’enfant, asperge l’intérieur de la hutte à l’aide d’eau lustrale à base de kaolin tout en poussant des cris de joie (impundu). Si c’est un lépreux qui est mort, la hutte sera exorcisée par un purificateur public (umugangahuzi), puis incendiée.

7) DERNIÈRE PHASE DES RITES DE PURIFICATION (kwera : blanchir).

Dans la plupart des régions du Ruanda-Urundi, ce rite absorbe les trois phases précédentes ; c’est la sortie du deuil. Cette cérémonie importante commence vers cinq heures de l’après-midi par une première libation en commun. Un parent ou le parrain mystique du clan est venu rallumer le feu dans la hutte ; il rase, coupe les cheveux, poils et ongles des membres de la famille du défunt. Un grand repas de famille a lieu en commun au cours duquel on chante, on boit, on danse. On rallume le feu igicaniro du bétail. Dans la plaine du Tanganika on consomme une vache umurinzi qui doit être entièrement mangée, y compris la peau ; ses cornes sont déposées sur la tombe du défunt.

Le second jour, les hommes et les femmes s’enduisent les jambes de beurre jusqu’aux genoux. Les vaches du défunt sont emmenées à l’abreuvoir de cinq heures à neuf heures du matin, elles sont traites à leur retour et leur lait est bu en commun, par les femmes, les filles et les servantes du défunt. Les vaches ont été blanchies au kaolin et le fils aîné, qui les a conduites à l’abreuvoir, plonge dans ce dernier la lance du défunt. En Urundi, le 16.12.1915, fin du deuil du mwami MUTAGA, la reine-mère de MWAMBUTSA, les enfants et les parents se purifièrent à la Nyavyamo.

En certaines régions, le lit qu’occupa le mort est démonté par la sœur, la veuve ou une femme du voisinage, puis brûlé avec son matelas. On abandonne les vêtements de deuil.

8) RITE DE REVIVIFICATION PAR EXÉCUTION DE COPULATION.

Comme s’il fallait lancer un défi à la mort et exprimer sa confiance dans la vie, lors de la première nuit de la sortie du deuil, la veuve priera un frère, à son défaut son beau-père, l’oncle paternel ou le parrain mystique du clan, d’exécuter avec elle l’acte sexuel. Les fils du défunt opèrent de même sur leurs épouses. Veuf, l’homme l’accomplira avec une compagne de circonstance. A la mort d’un jeune enfant, les époux exécutent cet acte entre eux, à l’écart de la hutte. Les bêtes mâles et femelles sont à nouveau rassemblées en troupeaux.

9) RITE DE SIGNALEMENT D’ACHÈVEMENT DES PURIFICATIONS.

Afin d’aviser la société de l’achèvement des opérations de purification et de provoquer la levée de l’ostracisme social qui pesait sur la famille du défunt, des cris de joie sont poussés et l’on revêt de nouveaux vêtements.

10) RITE DE SACRIFICE PROPITIATOIRE FINAL.

Une tête de gros ou de petit bétail, selon les moyens des héritiers, est immolée à l’intention du défunt dans le but de l’apaiser actuellement et d’obtenir le bienveillant concours de son esprit dans toutes les circonstances futures de la vie.

11) RITES DE RECONDUCTION DES RELATIONS SOCIALES.

Jusqu’à présent, nous avons examiné les rites que les parents du défunt doivent effectuer à l’égard du mort, d’eux-mêmes et de la société ; en contrepartie, celle-ci doit leur témoigner sa confiance en renouant les liens sociaux par l’octroi de cadeaux divers, composés de bière le plus souvent.

Chez les Batutsi, riches propriétaires de bovins, le patron donne à son client une vache indorano ou y’amalira : vache de pleurs, de condoléances.

  1. Nature et tendances de l’esprit des morts

La mort, pour le primitif, n’est pas un fait nécessairement instantané ; c’est une succession d’états de transition entre la vie représentée par la force et la faiblesse qui n’atteindra son stade définitif qu’avec la décomposition du cadavre. Ici également, « l’âme de la chair est dans le sang)) (Lévitique, XVII, 12) ; c’est l’ombre igicucu (Ru.) — igitutu (Ur.). Le mort est un être qui n’a plus d’ombre, son esprit est constitué par celle-ci. Chez les Fellahs (Égypte) subsiste la croyance héritée de la plus haute antiquité que l’ombre d’un homme constitue une entité distincte. Elle chemine à travers son existence, meurt avec lui, et pénètre dans sa tombe. Chez les Gallas et les Nandis, pasteurs cousins des Bahima-Batutsi, on croit qu’après la mort, les ombres des hommes deviennent des esprits ekara et se rendent dans le monde sous terre. Cette conception de l’âmeombre souterraine (igicucu) qui subsiste chez les défunts a cours au Ruanda-Urundi ; et il faudra la nourrir d’« ombre » d’aliments ; à cette fin on en arrive jusqu’à acheter l’ombre d’animaux de sacrifice.

Or, comme WESTERMARCK le fait remarquer justement, d’après la conception des primitifs, on ne meurt que de mort violente causée soit par la main de l’homme, soit par un sortilège ; c’est pourquoi la mort rend toujours l’âme irascible et avide de vengeance. La mort étant le plus grave malheur pouvant frapper l’homme, on pense que les défunts ne peuvent être mécontents de leur sort qu’au plus haut degré.

Nous constatons au Ruanda-Urundi que les mânes des ancêtres, abazimu (littéralement « ceux de la fosse», de i kuzimu : dans la fosse, dans l’abîme) font encore, d’après le préfixe même de ce nom, partie de la classe Mu — Ba concernant les êtres raisonnables animés. Ils sont considérés comme particulièrement vindicatifs immédiatement après l’enterrement ; ce n’est qu’avec le temps qu’ils prendront figures d’ancêtres bienveillants de leur clan. Les indigènes disent de l’esprit des morts : umuzimu n’umuntu wapfuye agatera : c’est un homme mort qui attaque (les vivants). Ils ne conçoivent pas des bazimu pacifiques ; ceux-ci sont essentiellement vindicatifs ; des offrandes et des sacrifices sont nécessaires pour les apaiser.

A l’égard des esprits des morts, l’indigène pratique une distinction : les ancêtres en ligne directe sont favorables en principe, ce sont les esprits protecteurs : abakurambere; on leur assimile également les frères et les soeurs du défunt. Parmi les esprits nuisibles, on classe ceux avec lesquels on eut des contestations sanglantes, de violents malentendus, ou qu’on a frustrés d’une manière quelconque de leur vivant. Selon la croyance unanimement admise, les mânes des ancêtres sont les vengeurs des traditions négligées. L’indigène est sans cesse tenaillé par la crainte de transgresser une observance d’usage et le remords d’avoir méconnu les prescriptions ancestrales. C’est par la stérilité, la maladie, et plus spécialement par l’eczéma amahumane que les esprits des ancêtres usent de leur pouvoir pour punir leurs descendants, à moins qu’ils ne les atteignent dans leurs biens. L’esprit du mort est redoutable pour ses petitsenfants, c’est ce que nous apprend le dicton kirundi «umuntu ntaterwa na se, araterwa na sekuru = l’homme n’est pas poursuivi par son père, mais par son grandpère ». En fait, on ne pense qu’aux morts susceptibles de nuire et, à cet égard, c’est à eux qu’iront toutes les offrandes et les prières. L’esprit de la grand-mère partage plus ou moins l’honneur des sacrifices. Lorsqu’elle avait la réputation d’être sorcière ou empoisonneuse, l’on s’imagine que son esprit jette son dévolu sur l’un de ses petits-fils qui serait alors saisi de convulsions, pousserait des hurlements et déraisonnerait. Mais ce ne sont pas seulement les esprits familiaux que l’on craint ; on a peur également de celui des premiers occupants du pays, les basangwabutaka ; au Ruanda, l’on n’oserait pas occuper une terre sans solliciter leur assentiment préalable par l’intermédiaire d’un de leurs représentants encore en vie, l’umuse. On est convaincu que, faute de ce faire, des malheurs frapperaient toute installation effectuée dans des conditions d’ignorance. La crainte des ancêtres des premiers occupants était ancrée à tel point que les bami en voyage ne logeaient pas chez des Batutsi, mais bien chez des Bahutu représentant les premiers groupes d’occupation du pays : Bagesera, Basinga, etc.

Il est de constatation générale que l’indigène craint les esprits des morts divinisés : RYANGOMBE, KIRANGA, MUKASA, BINEGO, MASHYIRA, etc. C’est d’ailleurs cette crainte qui est à la base du culte qu’on leur rend. RYANGOMBE se fâche, joue des mauvais tours ; il peut envoyer maladie, stérilité, mort, perte du bétail, déclin de la fertilité du sol.

Quant aux revenants, ils sont presque toujours méchants; ils rendent aveugle, causent des rhumatismes et paralysent les humains ; toutefois ils ne tuent pas. Le meilleur moyen de se prémunir contre les revenants est évidemment celui qui consiste à ne pas fréquenter les lieux hantés. De plus, les revenants font l’objet de parades magiques de la part des affiliés à la secte religieuse de RYANGOMBE alias KIRANGA, qui viennent, tout en s’accompagnant de chants, exorciser les lieux maudits. Si l’on voit par terre le serpent incarnant le fantôme MPINIRA, il faut remuer les bras, déchirer un bout d’étoffe et le lui jeter. L’on est convaincu par ailleurs que tous les revenants disparaissent en entendant le bruit des grelots des chiens de chasse.

  1. Culte des mânes des ancêtres (Guterekera).

Le culte des esprits des morts procède de trois convictions qui en définitive n’en forment qu’une : la croyance en la survie.

1) L’immortalité de l’âme qui va se manifester par la volonté du défunt. D’où la croyance que les morts continuent à participer aux affaires des vivants et, en ordre principal, à diriger en bien comme en mal celles de leurs descendants.

2) L’état d’esprit vindicatif du mort.

3) La croyance que le corps, enterré à cette fin dans la position fœtale à proximité immédiate de l’habitation, c’est-à-dire au contact quasi direct des descendants, continue à vivre d’une manière qui n’est en somme que la prolongation de celle d’ici-bas avec ses exigences matérielles, d’où son alimentation.

Le culte des ancêtres que l’on retrouve dès la préhistoire de l’Égypte, est le centre de la religion de l’Afrique paléonigritique. Les divinités signalées par-ci parlà, comme WAMALA, KIRANGA, RYANGOMBE, se révèlent à l’examen des ancêtres primitifs déifiés, fondateurs de familles. On retrouve ce culte dans toute l’Afrique noire, avec des infiltrations dans les milieux de pasteurs, même chez les Abyssins.

Le culte des ancêtres est néanmoins peu pratiqué dans ces derniers milieux où la croyance à la non-survivance des hommes ordinaires est plus générale. Les pasteurs, comme les Massai, croient que seuls les riches et les médecins survivent sous forme de serpents qui viennent rendre visite aux enfants dans les cases, et que l’on nourrit de lait.

En résumé, nous pouvons dire qu’en principe, si la pseudo-métempsycose est une croyance propre aux pasteurs Batutsi-Bahima, le culte des ancêtres est le fait des agriculteurs bahutu. Nous disons en principe, car bami et notables pratiquent également ce culte. Par contre, les Batwa l’ignoraient.

Dans le culte des esprits, les autochtones du Ruanda-

Urundi distinguent les esprits protecteurs (abakurambere) et les esprits nuisibles. Pour la première catégorie, chaque personne doit se choisir un patron appelé ingabwa ou préposé à sa bonne fortune. Il peut se faire que le sort en désigne un différent pour patron du foyer à fonder ; celui-ci est vénéré dans la case principale où il est supposé habiter dès le jour où il y a été intronisé au moyen d’un rituel spécial.

L’héritier doit faire ériger des autels domestiques pour les sacrifices aux défunts ; les esprits dei ancêtres, non satisfaits pouvant, croit-on, déterminer la maladie et la mort.

Cet autel consiste en une petite hutte destinée à abriter les mânes — l’ombre — des ancêtres. Il s’intitule, au Ruanda-Urundi, akararo (pl. uturaro). Ce diminutif provient du substantif indaro, lui-même dérivé du verbe kurara: passer la nuit à, loger.

Ces petites huttes votives sont disséminées à l’intérieur du kraal, jamais à l’extérieur ; parfois, chez les riches, il n’en existe qu’une seule grande. Souvent ces huttes ne sont pas construites par l’héritier lui-même, mais, à sa demande, par un voisin qu’il rémunère. C’est fréquemment un devin-guérisseur umupfumu qui conseille d’exécuter ce travail pour une raison déterminée par lui. Ce ne sont souvent que quelques sticks se croisant, plantés en arc dans le sol et couverts d’herbe, bref, un diminutif de hutte. A l’intérieur se trouvent quelques pierres simulant un foyer, une petite pirogue akato remplie de cailloux ronds et polis qui, dit-on, bavardent et rient dans la nuit ; et, plus rarement, des objets laissés (ibisige) par le défunt : lances, flèches, grelots, marteau. Chez les riches, c’est parfois toute la hutte du mort qui, abandonnée des vivants, est consacrée à son culte.

En principe, on ne construit jamais de hutte votive pour les femmes, ni pour ceux qui n’ont pas fait l’objet d’un enterrement : ils n’ont pas droit au culte qui se trouve donc être réservé aux pères de famille ; on signale parfois une petite hutte pour les mânes de la grand-mère paternelle.

Le R. P. ZUURE a donné une bonne définition du culte des mânes : « tout ce qui sert à se mettre en relation avec des êtres invisibles censés doués d’une force supérieure à celle de la nature et capables de produire » du bien ou du mal ».

Le culte dure jusqu’à la quatrième génération chez les Bahutu et les Batutsi ; il durait sans fin à la cour du Ruanda depuis CYILIMA-RUJUGIRA. Aux jours de réjouissance, de maladie, d’inobservance des interdits, de malheur et de deuil, on dépose dans ces huttes un peu de nourriture ou de boisson, à l’intention de l’aïeul que l’on prie d’être clément. L’action d’effectuer ces sacrifices s’appelle guterehera ; ils sont accomplis soit dans un but propitiatoire, soit dans un but expiatoire.

On ne peut offrir aux bazimu que les objets appréciés par les vivants en vertu de l’adage : Icyo umuzima akunda n’umuzimu aragikunda. On présente les biens mobiliers que détenait le défunt de son vivant, on allume un petit feu devant la hutte votive dans lequel l’orant fait grésiller des grains d’éleusine.

Le sacrifice d’un bouc est parfois exécuté par le chef de famille ou par son fils ; il lui impose les mains sur la tête afin de communiquer à l’animal la prière qu’il énonce. Par ce sacrifice, on offre à l’âme-ombre du mort, l’ombre du bouc.

La bête, poignardée au cœur et non égorgée, est ensuite saignée ; avec son sang, on prépare un plat de haricots. La viande sert à accomplir un repas de communion au sacrifice offert à l’ancêtre, communion à laquelle participent tous les membres de la famille. Le malade dont la guérison est invoquée, se couche près de la hutte votive ; il prie l’ancêtre, puis lui offre une bouchée de viande. Ces sacrifices sont bien souvent ordonnés par un devin-guérisseur qui désigne l’esprit à apaiser.

La prière se compose d’un appel à l’apaisement et d’une demande spéciale : « Souris-moi, père, sois-moi favorable ; tu m’as laissé orphelin, maintenant conduis mes pas afin que je m’enrichisse, que le chef me veuille du bien, que mes récoltes soient fructueuses, que j’aie des enfants ». La prière aux défunts est précédée d’une purification par application d’un lait de kaolin sur le visage des invocateurs.

Le culte est toujours en principe familial. Il peut se rendre à n’importe quel moment, mais il s’opère avec plus de solennité lorsque revient l’anniversaire du décès. A cette occasion, on invite des voisins et des amis qui viendront boire de la bière dont la première gorgée est crachée par terre, à l’intention du défunt, comme en Afrique occidentale, pour que les ancêtres en boivent les premiers.

Ce n’est d’ailleurs pas la quantité offerte qui importe : une cuillerée de bouillie, une bouchée de viande, quelques gouttes de lait ou de bière suffisent : c’est en effet de leur ombre que se nourrira celle que constitue l’esprit de l’ancêtre ; pour le surplus, la partie vaut pour le tout : « pars pro toto ».

Les bovins défilent un par un et sont nommés au défunt à qui on offre leur ombre.

Les revenants.

Il convient de 3ignaler, en premier lieu, la croyance aux bihume. Ce substantif est dérivé de guhuma : aveugler. Bihume pourrait se traduire par : être aveuglé, incapable, paralysé ; d’où l’insulte kirundi : urakahumirwa, que tu sois aveugle, paralysé, maudit.

Les bihume sont des esprits des morts, des mânes qu’aucune famille n’honore ni ne revendique. On sait que, tant au Ruanda qu’en Urundi, certaines personnes mortes dans des conditions spéciales n’ont pas droit à une sépulture ; ce sont les étrangers, les foudroyés, les femmes décédées en couche avant délivrance, les jumeaux de sexes différents, les aliénés et les filles-mères. Les bi hume sont des génies, des spectres ou des fantômes qui hantent les bois, les ruisseaux, les cavernes, mais on ignore leur nom ; ce sont des mânes anonymes. Les bi hume sont méchants ; par extension, l’on donne ce nom à certains mânes familiaux considérés comme spécialement vindicatifs, et à tout ce qui présente une influence occulte néfaste. Si l’on n’attribue pas, au RuandaUrundi, le pouvoir de tuer aux bih urne, par contre on leur accorde celui d’occasionner des torts physiques graves. En Urundi, à Nyaga, les bihume hantent, diton, une grotte dans laquelle les affiliés à la secte religieuse de KIRANGA jetaient les foudroyés. A Gigazura, petit lac profond, on croit que ceux qui oseraient s’y aventurer seraient pris par les bi hume et frappés de folie. Seuls les affiliés à la secte précitée y vont chanter pour charmer les bi hume. Ruhuma, lieu hanté par excellence par les bihume, est un ravin profond et à pic. Lors de l’invasion mututsi du pays, les combattants bahutu y attirèrent les guerriers en un guet-apens ; plus de cinquante Batutsi y perdirent la vie et se seraient métamorphosés en serpents. Ailleurs, le gihume MPINIRA apparaissant sous la forme d’un serpent, paralyse, d’un simple regard, hommes et vaches, ou provoque une maladie de la peau. En certains endroits du Ruanda, les spectres s’intitulent abalinga. L’on connaît également les feuxfollets sous le nom d’impaca ; ils se dégagent des marais et percent l’obscurité nocturne de leur lumière rampante. Les indigènes prennent les impaca pour des esprits des morts. Certains cultivateurs, afin de se les rendre favorables, déposent à leur intention des pots de bière dans leur champ.

Dans le nord-ouest du Ruanda, le volcan Nyiragongo, toujours en feu, est réputé contenir dans ses flancs les esprits maléfiques des morts, tandis que le Karisimbi, avec son sommet habituellement blanc de neige, serait hanté par les esprits bienveillants. Enfin le volcan Muhabura est, croit-on, occupé en permanence par la divinité RYANGOMBE qui y cultive son tabac sous forme de lobélies géantes.

Les bihindure (de guhindura : se retourner, se transformer) sont des espèces de loups-garous. Ce seraient des personnes bien connues auxquelles on paie tribut ; elles ont le pouvoir de se métamorphoser en animal et se nourrissent alors de chair humaine. Mais leur pouvoir se réduit parfois à commander simplement aux fauves et à diriger leurs attaques contre telle personne déterminée. Il existe encore une légende de vampires venant nuitamment sucer le sang des dormeurs.

Les indigènes des régions limitrophes du lac Kivu racontent que des esprits ibigashari se promènent sur le lac, pendant la nuit, et emportent parfois les pêcheurs qu’ils y rencontrent (la pêche étant toujours nocturne). Ils les laissent rentrer chez eux après quelques jours, mais ces gens deviennent subitement muets afin qu’ils gardent secrètes l’existence et la vie que mènent les ibigashari.

La pseudo-métempsycose.

La métempsycose est une croyance en la transmigration de l’âme dans un autre corps ; elle se rencontra aux Indes, en Perse, en Égypte d’où PYTHAGORE l’introduisit en Grèce. Le dogme de la métempsycose devait conduire ceux qui l’admettaient à défendre l’usage de certaines viandes, comme exposant l’homme à se nourrir de la chair de l’un des siens ; aussi l’abstention des viandes a-t-elle été une prescription fondamentale de la religion des brahmanes et de la philosophie pythagoricienne. Prise sous cette forme, la conception de la métempsycose n’existe pas au Ruanda-Urundi.

Il existe en Afrique une conception connue sous le nom de Fanany selon laquelle le ver charognard qui sort du cadavre d’un roi se métamorphose en lion ou en léopard. Cette croyance se retrouve dans la civilisation dite rhodésienne par BAUMANN, à Madagascar, et dans la région des Grands Lacs, notamment au Karagwe où trois vers sortis du corps du roi défunt sont censés donner naissance, respectivement à un lion, à un léopard et à un bâton (s.-e. un serpent ; l’idée du bâton qui se transforme en serpent existait chez les Juifs et les Égyptiens : Exode, VII, 8-12). La métempsycose, en Afrique, est rattachée aux civilisations des chasseurs totémiques qui l’auraient communiquée en tant que croyance, aux pasteurs nomades ; en fait, il s’agit d’une pseudo-métempsycose. Son introduction au RuandaUrundi serait donc due aux Batutsi qui en seront d’ailleurs les principaux représentants. Le ver charognard urunyo est précieusement prélevé sur l’auriculaire de la main droite de la dépouille du roi ; il est nourri de lait, et la croyance populaire veut que, peu à peu, il se métamorphose en léopard au Ruanda et en lion en Urundi. Il n’existe aucune réincarnation des reinesmères au Ruanda ; par contre en Urundi, la reine-mère est censée se réincarner en python. Mais la conception va plus loin que celle d’une simple métamorphose animale et veut qu’au bout d’un certain nombre cyclique de générations, l’ancêtre défunt réapparaisse dans la personne de l’un de ses successeurs. Ce sera MIBAMBGWE (dérivé d’ingwe, le léopard) au Ruanda, et NTARE (le lion) en Urundi; puis d’autres réincarnations auront lieu. Le cycle complet est pour le Ruanda : KIGERI, MIBAMBGWE, YUHI, MUTARA (OU CYILIMA) ; tandis que les noms de règne, en Urundi, sont : NTARE, MWEZI, MUTAGA et MWAMBUTSA.

Le nom, dans la mentalité primitive, est un élément matériel participant pendant et après la vie à la personnalité même de celui qui le porte ; en conséquence, tel YUHI sera la réelle réincarnation des Yum précédents. Afin de pousser l’identité aussi loin que possible, la mère du nouveau roi changera également de nom et prendra celui du règne de son fils : NYIRA-YUHI, etc. En outre, les mêmes pouvoirs et les mêmes interdictions seront attachés d’une manière particulière à chacun de ces noms de règne ; tous les YUHI, par exemple, seront des rois pacifiques et il leur sera interdit de franchir les rivières Nyabarongo et Akanyaru (s.-e. de pousser les conquêtes territoriales), sous peine de voir crever les vaches du pays.

En ce qui concerne les simples mortels, on croit, en Urundi, qu’au bout d’une année, parfois plus, un serpent se montre près de la tombe : c’est l’esprit du défunt qui s’est réincarné. Il devient le serpent vénéré de la famille : il est soigné, nourri de lait par l’héritier ou, chez les princes, par un prêtre attitré. Jamais on ne tuera ce reptile ; et les chefs ne peuvent le voir.

Pour les reines-mères et les princes baganwa, c’est l’isato (python) qui n’est pas venimeux ; pour les Batutsi, c’est le mushana qui n’est pas dangereux non plus et qui se nourrit de rats. Pour les Bahutu, le serpent réincarnateur est l’incira, cracheur excessivement venimeux. Enfin pour les Batwa, c’est le kivumbura, espèce de saurien.

La grand-mère maternelle se métamorphoserait en grenouille, en sorte que si celle-ci venait coasser auprès du foyer de la hutte, on lui offrait de la bière à boire.

Au Ruanda, selon notre informateur MAZINA, contrairement à ce qui se passe en Urundi, on ne croit pas que telle espèce de serpent soit l’incarnation des représentants d’une classe sociale déterminée. Si un serpent pénètre dans la hutte d’un Mututsi, il sera censé représenter un parent mututsi ; dans l’habitation d’un Muhutu, il sera un ancêtre muhutu et ainsi de même chez les Batwa. Il est curieux de noter que cette croyance à la réincarnation se limite aux seuls serpents parvenus à s’introduire dans une habitation : on leur parle gentiment à ce moment, tout en leur présentant du lait ou de la bière. Par contre, si un serpent est rencontré hors d’un kraal, il sera impitoyablement tué. Les serpents reconnus au Ruanda comme incarnant des défunts sont l’urukorogoto, l’inkubayoka, l’inshargwatsi, l’imbarabara, l’incira et l’ikirumirahabiri. Si le serpent inkubayoka parvenait à faire le pont au-dessus de l’entrée du kraal, ce serait un présage de maladie grave, voire de mort pour le propriétaire qui s’empresserait alors de quitter sa hutte et d’aller en construire une nouvelle ailleurs.