7° Les Poèmes Dynastiques sous Kigeli III Ndabarasa.

53. Le mémorial qu’ont laissé les Rois.
Agati bamanitse Abami.
Poème à ibyanzu de 103 vers. — Compositeur inconnu. Dédié à Kigeli III Ndabarasa, le jour où il fit introniser Mibambwe comme co-régnant et futur Roi du Rwanda. Le compositeur rappelle que la tradition qui le veut ainsi fut instituée depuis Cyilima I Rugwe après la victoire du prince Mukobanya sur Murinda. La traduction littérale de l’en-tête est « La petite branche qu’ont suspendue les Rois » (pour servir de rappel).

54. Je communiquerai au Roi le message des autres Rois, ô le Sans-enfantillage.
Mbwire Umwami uko abandi Bami bntumye, Byanga-bwana.
Poème à ibyanzu de 301 vers, par Musare. Kigeli III avait triomphé du Royaume du Ndarwa et détruit la Dynastie qui le gouvernait. Pour empêcher le pays de se relever, il y fixa demeure et ne reparut plus dans le Rwanda. Cette absence prolongée mécontenta tout le pays. Mais les hommes de cour s’inquiétaient surtout à la pensée que le Roi pourrait terminer ses jours à l’étranger.
Les Dépositaires du Code durent s’en ouvrir à l’Aède Musare, qui accepta d’en parler au Roi. Un Poète Dynastique pouvait dire la vérité sans trop de risque, vu la liberté de langage que leur reconnaît la tradition de cour. Il composa le présent Poème, le mettant sur les lèvres des anciens Rois et Reines Mères, impatients de voir leur illustre descendant revenir dans son pays, afin qu’ils puissent passer son butin en revue. Les capitales traditionnelles se disputent l’honneur de le recevoir à son retour, et chacune voudrait organiser des solennités. Et sous cette avalanche de messages, l’Aède glisse le vrai motif de sa composition : il fait comprendre au Roi qu’il doit songer à mettre ordre à ses affaires, à rassembler ses provisions de route pour aller se fixer à Munanira, l’une des subdivisions du Mont Rutare, lieu cimetière des Rois aux appellations de Mutara, de Cyilima et de Kigeli.
Le Roi avait parfaitement compris : il fit arrêter et garder l’Aède en attendant sa condamnation, pour avoir osé dire au souverain qu’il mourrait.

55. Qu’est-ce qui les a courroucés !
Batewe n’iki uburake !
Poème à impakanizi de 257 vers. En attendant que fût réglé le sort de l’Aède Musare, le Roi se fit composer le présent morceau par Kibarake, fils de Bagorozi. L’ayant entièrement appris par coeur, Kigeli III fit venir Musare, le messager des Rois. A chacun d’eux il donna une réponse appropriée. Le morceau passe en revue toutes les conquêtes d’anciens Royaumes et principautés successivement conquis et dont les territoires constituent le vaste Rwanda. Ces Rois s’impatienteraient-ils de le voir habiter le Ndorwa ? N’ont-ils pas fixé demeure dans leurs conquêtes ? De quel droit pouvaient-ils appeler « pays étranger » un territoire déjà vaincu et annexé ?
Le morceau relate le Royaume du Nkore (Ankole) parmi ceux qui avaient été razziés par les Armées de Kigeli III. Précieux document traditionnel.
Après la déclamation Poème, le Roi déclara à Musare qu’il était remis en liberté et qu’il pouvait aller rapporter la réponse à ceux qui le lui avaient envoyé.

56. Puisque tu as achevé les labours. ‘
None wamaze ubuhingwa.
Poème à ibyanzu de 259 vers par Musare. Après que le Roi eut donné la réponse, le Poète composa ce morceau, par lequel sont passées en revue les conquêtes de Kigeli III, principauté par principauté, ainsi que les potentats indépendants vaincus. Musare se fait, pour ainsi dire, le compagnon du Roi ; à chaque potentat tué, il fait un noeud pour ne pas en oublier le nombre. Mais en fin de compte, tout revient à ceci : « Vous avez terminé le travail ! Rentrez à la maison, afin que nous t’en félicitions ». En attendant que le Roi se mette en route, le Poète se charge d’aller annoncer sa prochaine arrivée en tous les lieux-cimetières des Rois et des Reines Mères. Le morceau est un document précieux, concernant les conquêtes de l’aire Nord-Est du Rwanda.