11° Les Poèmes Dynastiques sous Kigeli IV Rwabugili.

120. Puisque Dieu a invité les élites.
None Imana itumije Abeshi.
Poème fragmentaire de 78 vers, par Mutsinzi. Le Roi vient d’être intronisé et Bamenya, Préfet des Poètes Dynastiques, a invité ses subordonnés à se présenter à la Cour, pour féliciter l’Élu. Le vieil Aède Mutsinzi présenta son Poème. Il y dénonce les méchants qui ont causé la mort de Mutara II Rwogera et déclare que la vengeance sera terrible. Il annonce que sa propre mort ne saurait être éloignée et il recommande ses enfants au nouveau Roi. Le morceau est soit de 1853 finissant, soit du début de 1854.

121. Voici une habitation royale victorieuse,
Twabona umurwa utsinze.
Poème ikobyo de 120 vers, par Bamenya. Kigeli IV avait pris la résidence du Poète à Mwima et l’avait embellie. L’Aède loue la beauté de sa propre habitation devenue royale, et il célèbre la proscription et l’extermination du parti dit Abagereka, accusé d’avoir empoisonné Mutara II Rwogera. Il en profite ensuite pour déposer plainte contre le chef Rwakunda, qui lui avait enlevé son fief de Rubona près Ntosho, dans la province actuelle du Mayaga.

122. Je demanderai aux hommes ce qu’ils reprocheraient au Roi.
Mbaze abantu icyo bahora Umwami.
Poème ikobyo de 100 vers, par Bamenya, tout au plus tard en 1855. A l’avènement de Kigeli IV Rwabugili, plusieurs grandes familles se compromirent en lui refusant la soumission totale. Le Poète, par ordre du Roi, relève cette attitude, désignant chaque famille en propres noms. Précieux pour l’histoire des débuts du règne.

123. La royauté est le privilège d’une seule lignée.
Ubwami bugira ubwoko.
Poème ikobyo de 150 vers, par Singayimbaga fils de Nyakayonga. Un parti puissant avait voulu porter sur le trône du Rwanda l’un des demi-frères de Kigeli IV, du nom de Nyamwesa. Ce dernier s’était momentanément retiré au Burundi, avec son frère Nyamahe. Ils reviennent durant l’expédition dirigée contre Kabego roitelet de l’île ijwi. Ils sont condamnés à avoir les yeux crevés, afin de mettre fin aux intrigues des partisans de Nyamwesa. On ne peut pas, en effet, introniser un Roi aveugle. Le morceau dont nous avons traduit de très larges extraits a été composé à l’occasion de cet affreux événement en 1855-1856.

124. Je suis le héraut de la victoire du Roi.
Mvugire Umwami amacumu.
Poème fragmentaire de 22 vers, par Sekarama. Le roitelet de l’île fjwi, du nom de Kabego, s’était abstenu d’envoyer au nouveau Roi les redevances traditionnelles de soumission. Une expédition punitive, à laquelle la Reine Mère et le jeune Roi s’associent personnellement, est lancée contre l’île. Cela se passait en 1856 tout au plus tard. L’Ijwi est envahi et mis à feu et à sang. L’Aède célèbre ce triomphe en des termes d’un lyrisme intense.

125. Je proclamerai l’infériorité des pays étrangers.
Ngambilize amahanga.
Poème fragmentaire de 24 vers par Karorero, dans les mêmes circonstances que le précédent. Les deux Poèmes comportent des images littéraires d’une hardiesse et d’une beauté originales.

126. 0 le Dominateur des pays étrangers.
Rusumba mahanga.
Poème fragmentaire de 30 vers, par un compositeur inconnu. Même style et mêmes images que les deux précédents, de Sekarama et de Karorero. Il fut composé dans les mêmes circonstances.

127. J’exalterai devant le fort, la variété du pelage.
Nshimire Mabega amabara.
Très beau Poème ikobyo de 172 vers, par Nyakayonga, à l’occasion de l’intronisation du Taureau de règne appelé Rwezamaliba. Il avait été offert par Ruhanga fils de Muvubyi, du vivant de la Reine Mère Nyirakigeli IV, tandis que la Cour se trouvait à Rwamaraba, dans la province actuelle du Marangara, peut-être en 1856 ou 1857.

128. Seul le Roi sait diriger les expéditions.
Itabaro libasha Umwami.
Poème fragmentaire à impakanizi de 179 vers, par Bamenya en 1859. La Cour se trouvait à Mwulire près de Save. Un nommé Rubliguza fut envoyé en Libérateur-offensif contre le Burûndi. L’Aède célèbre cet événement. Il fait ensuite mention de succès contre le Mpororo (Expédition de Mirama) et contre les Bashi (Expédition de l’île ijwi contre Kabego). Il accuse enfin un injuste qui lui avait enlevé son fief de pâturages et demande que l’on lui fasse restituer son droit. Les Mémorialistes nous apprennent qu’il s’agit d’un nommé Kabano, fils de aSebiroli, du clan des Bega, alors domicilié à Gitega, dans la province actuelle du Bufundu.

129. Je viens annoncer la nouvelle.
Naje kubara inkuru.
Poème fragmentaire à Ibyanzu de 119 vers, composé par Sekarama, comme prélude à la grande expédition dirigée contre le Bumpaka. C’est une satire, contre un prince du Nord qui avait tenté de reconquérir l’indépendance du Ndorwa, et qui avait envoyé au Roi un message insolent. La composition en peut être fixée vers l’année 1867.
130. Je parlerai au maître de nos vaches-ci.
Mbwiré nyili inka izi.
Poème ikobyo de 80 vers, compose par un Aède inconnu. Il fut présenté au Roi dans les mêmes circonstan-ces que le précédent, préludant à l’expédition du Bumpaka.

131. Le voyage a été couronné de succès.
Bahiliwe n’urugendo.
Poème fragmentaire à impakanizi de 214 vers, par Sekarama. L’expédition du Bumpaka à laquelle ont préludé les deux Poèmes précédents a été couronné de succès. L’Aède en célèbre les exploits. Il y manque les paragraphes chantant Mibambwe III et Yuhi IV. Le morceau se placerait en 1867 ou 1868.

132. Le Roi des bénédictions.
Umwami w’imigisha.
Poème ikobyo de 156 vers, par Singayimbaga, pour célébrer, comme le précédent, les exploits de l’expédition du Bumpaka, 1867-68. D’une très grande beauté.

133. Je recommencerai les solennités du Roi.
Nsubilize Umwami mu rushya.
Très beau Poème ikobyo de 251 vers, par Nyakayonga, en 1868, pour célébrer les exploits accomplis par la même expédition du Bûumpaka. L’Aède s’y déclare fort âgé et rien de plus compréhensible. Très beau, comme le précédent de son fils.

134. Je viens annoncer la mort du Burundi.
Naje kubika u Burûndi.
Poème ikobyo de 177 vers, par Sekarama, en 1872. Les Armées avaient été massées le long de la frontière du Burundi, et se préparaient à envahir ce pays. L’une des colonnes effectuera l’attaque constituant la fameuse expédition dite de mu Lito, dénomination provenant d’une forêt théâtre des plus grands combats. L’Aède déclama son Poème, tandis que le Roi se trouvait à Rusagara, dans la province actuelle des Mvejuru. C’est une satire contre le Kalyenda, auquel il prophétise sa future défaite devant le Karinga invincible.

135. Le Roi intronisé sous le signe des succès.
Umwami wimye atali mwango.
Poème ikobyo de 253 vers, par Muhatsi. Le morceau fut composé à l’occasion de la condamnation et de l’exécution capitale du prince Nkoronko, propre frère de Mutara II Rwogera. Ce prince avait été du parti qui voulait faire introniser Nyamwesa à la place de Kigeli IV. L’Aède nous parle de cette condamnation capitale, — qui fit sensation dans le pays, — en tâchant d’en atténuer le côté odieux : Nkoronko n’a pas subi une mort ordinaire ! Son exécution est une forme spéciale de verser un sang libérateur ; c’est donc un Libérateur.
Cette opinion de l’Aède ne manquait pas de fondement : le prince avait été tué au territoire du Burundi, dans le but de laisser l’opinion du Rwanda sous l’impression de quelque décision mystérieuse du domaine du Bwiru.
Le Poème déclare que Kabego, roitelet de l’île Ijwi, est encore en vie et qu’il s’est embrouillé avec son fils Nkundiye. Cette mésentente de la Dynastie insulaire va bientôt perdre le père et le fils. Le prince Nkoronko fut exécuté en 1874, année de la Comète de Coggia 1874-III, visible à l’oeil nu au Rwanda en juillet 1874. On la désigne chez nous sous le nom de « Rwakabyaza » (A peu près un mois avant le départ de l’Expédition du Butembo, le Roi condamna et fit exécuter un Chef d’importance du nom de Rwampembwe, son cousin germain, fils de Nkusi, celui-ci fils de Yuhi IV Gahindiro. La mère du Chef s’appelait Kabyaza. Apprenant que son fils serait arrêté sous peu, elle se suicida, et ses fidèles domestiques et sujets l’enterrèrent dans sa résidence de Buhoro, dans la province actuelle du Nduga. Cette mort, suivie de celle du Chef Rwampembwe jeta le pays dans la stupeur, car l’opinion était en faveur du condamné. Lorsque la Comète se montra dans le ciel, elle fut considérée comme un signe annonciateur de grands malheurs, envoyés par l’esprit de Kabyaza, matrone vénérable à laquelle le Roi avait manqué de respect. La Comète fut appelée Rwakabyaza du préfixe « RU » (Ce ou Celui), dont l’U se change en W devant la préposition d’appartenance A ; d’où RWA ; c.-à-d. Ce qui est de. D’où Rwakabyaza: Messager, ou Avertissement, etc., venant de Kabyaza).

136. Je ferai naître des parfaits pour le Roi.
Mbyalize Umwami inyamibwa.
Poème fragmentaire de 31 vers, par Muzerwa. Il regrette d’avoir mis trop de temps à se présenter à la Cour. Il nous apprend qu’une expédition avait accompli des exploits dans le Buyungu, contre Karinda (1874) ; que Kabego, potentat de l’île Ijwi s’était permis de
razzier des vaches sur le territoire du Rwanda. L’Aède déclare que, apprenant l’arrivée de Kigeli IV dans le voisinage du lac, Kàbego prend ses dispositions pour la fuite. Le Poème est de 1874-1875.

137. Puisque Dieu nous ménage une occasion de réjouissance.
None Imana iduhaye kuvuza impundu.
Très beau Poème ikobyo de 263 vers, par Nyakayonga. Le Poème précédent nous faisait savoir que le Roi s’est rendu dans les parages du lac, face à l’île d’Ijwi. Après mille et mille difficultés, les Armées du Rwanda réussirent à envahir l’île et à tuer le roitelet Kabego. L’Aède Nyakayonga, fort avancé en âge, consacre sa composition à célébrer l’événement. C’était en 1875. Nous avons donné un extrait du Poème au début de la présente étude.

138. Personne, autant que le Roi, ne saurait être la providence du
pays.
Nta washobora igihugu nk’Umwami.
Poème à ibyanzu de 199 vers, par Munyanganzo, fils de Barembe. L’Année qui suivit la comète de Coggia 1874-III, une grande sécheresse désola le Rwanda et donna lieu à une effroyable famine. Le Roi fit accomplir les cérémonies prévues par le Code Ésotérique, à l’effet d’obtenir la pluie. Et, comme toujours, elle finit par tomber. Ce bienfait de la pluie fut évidemment attribué au Roi et l’Aède l’en remercie avec conviction. La traduction presque entière du morceau est au chapitre des lectures.

139. On m’a communiqué la nouvelle, ô preux des mêlées.
Bambaliye inkuru Nkomati.
Poème à impakanizi de 204 vers, par le même Munyanganzo. Ayant triomphé de l’île Ijwi, désormais administrée directement par deux fonctionnaires du Rwanda, le Roi avait voulu de même réduire le Bunyabungo (ou Bushi). Mais ses Armées subirent de retentissants échecs, de véritables désastres, aux lieux appelés Buntubuzindu et Murago près Rushanja. Le Roi en fut consterné. Pour le consoler, l’Aède passe en revue tous les désastres du passé et rappelle au Roi que jamais personne ne triom-pha autrement qu’au prix du flot de sang de ses Armées. Il lui recommande de raffermir plutôt son courage, afin de relever le moral du pays bouleversé par un si triste événement. Il le prie principalement de veiller sur les orphelins de ses guerriers et sur les parents de ceux qui n’avaient pas d’enfants. Voilà le meilleur moyen de pré-parer une écrasante revanche sur les vainqueurs du jour.

140. De bon matin je me rendrai à la forge.
Mbyukire mu ruganda.
Poème ikobyo de 196 vers, par Sekarama, lors du même désastre de Buntubuzindu et Murago. Il composa cette satire, pour déclarer que Byaterana, roitelet du Bushi, en se permettant « cette injure ! » s’était attiré une vengeance redoutable qui ne tarderait pas à être exercée contre lui.

141. La javeline dont le Roi transperce ses ennemis.
Icumu Umwami atera abanzi.

Poème à ibyanzu de 105 vers, par Rubumba. Après plusieurs tentatives, le Roi a triomphé du Bunyabungo, à la faveur d’une terrible famine qui ravageait le pays. L’Aède Rubumba célèbre l’événement qui eut lieu en 1881.

142. J’ai la nostalgie de la Cour.
Nkumbuye i Bwami.
Poème à impakanizi de 160 vers, par Bamenya, lors du triomphe sur le Bunyabungo (1881). L’Aède résume les gestes des Rois, deux à deux par paragraphe. Depuis Kigeli III, il ne sépare plus les paragraphes par un refrain.

143. Ils ont toujours le succès.
Zihorana ishya.
Poème fragmentaire de 115 vers, par Singayimbaga, à l’occasion d’une éclatante victoire, ou plutôt d’une série de victoires, à l’époque des guerres dirigées contre le Bushi. Ce serait l’abrégé des expéditions envoyées au-delà du Kivu.

144. Le jour où me parvint la nouvelle.
Umunsi mbalirwa inkuru.
Poème ikobyo de 205 vers, par notre Munyanganzo. Le Roi a réussi à subjuguer le Bunyabungo et l’a divisé en Districts, à la manière de ceux du Rwanda. Tandis qu’il tenait sa cour dans une localité appelée ku Nzinzi, il tomba gravement malade. L’Aède accourt du Rwanda et trouve son maître à la rive occidentale du Kivu. A son arrivée, la vie du Roi était désormais hors de danger. Il lui déclama le présent Poème, dans lequel il décrit la consternation dans laquelle le jeta la terrible nouvelle. Il présenta au Roi les félicitations des différentes familles du Rwanda ayant donné, soit des Reines Mères, soit des Libérateurs, à la Dynastie. Le Poème est un précieux document sur les guerres du Bunyabungo.

145. J’exprimerai la reconnaissance au tambour.
Nkurire ingoma ubwatsi.
Poème ikobyo de 187 vers, par la Poétesse Nyirakunge. Le morceau fut présenté à Kigeli IV Rwabugili, durant les solennités de l’Intronisation du Tambour appelé Mpatsibihugu, comme quatrième Ingabe, ou symbole de la Dynastie, aux côtés du Karinga.
Nkundiye, établi roitelet de l’île Ijwi, par Kigeli IV, après la mort de Kabego, s’était révolté contre le Rwanda. Il avait secoué l’autorité des fonctionnaires Rwandais installés dans l’île. Une expédition y avait été envoyée pour réprimer le soulèvement. Malgré les efforts de Nkundiye, les Armées avaient pu débarquer. Il s’était refugié dans une île voisine de la rive congolaise.
Le Poème nous apprend que le roitelet était en fuite et qu’on le recherchait. Cela en situe la composition en 1884, année où le cérémonial des Prémices fut célébré à Mukingo, tandis que le Roi avait mis à prix la tête de Nkundiye.

146. A l’écart de la Cour, les infirmités m’ont retenu.
Nakubiwe n’iminsi i musozi
Poème ikobyo de 89 vers, par Bamenya, lors de l’intronisation du Mpatsibihugu. L’Aède avait été alors atteint de pian et déclama le morceau lors de son retour à la Cour : c’est la signification de l’en-tête du Poème.

147. Je danserai de joie, puisqu’il a triomphé des rivaux.
Ntambe ineza none iciye amahali imihigo.
Poème à impakanizi de 379 vers, par Sekarama. Le Roi avait intronisé le Taureau appelé Ntayozisa, (Le sans-pareil). C’est à Mukingo qu’eut lieu la cérémonie ; peut-être en 1884. Le pelage du taureau est décrit dans un style fermement pensé. L’Aède célèbre en même temps le Roi victorieux que symbolise le taureau.

148. Le Roi qu’aiment les vaches.
Umwami inka zikunze.
Poème à impakanizi de 175 vers, par Munyanganzo ; à l’intronisation du même Ntayozisa.

149. J’exalterai les prouesses.
Ndate ubugabo.
Poème ikobyo de 85 vers ; ceux qui l’ont dicté ont prétendu que Ndandali l’avait composé sous Yuhi V Musinga. L’identité du compositeur n’a rien qui puisse le faire contester. Mais l’esprit général et les figures montrent qu’il date de Kigeli IV. Il lui fut présenté à l’occasion d’une proscription d’opposants. Il semble que ce serait la vaste proscription de ceux qui avaient comploté et fait réaliser la perte de Nyilimigabo ; lors de l’expédition dite du Kanywilili, dans le Bunyabungo en 1881. Cependant la composition du poème doit être postérieure, car l’existence du complot en question ne devait se découvrir que quelque temps plus tard.

150. Lorsque Dieu nous donna l’existence.
Iturema amagara.
Poème ikobyo de 42 vers, (complet). Sekarama le présenta au Roi pour solliciter une faveur. Il y rappelle les avantages sociaux du ventre : 1° il multiplie les hommes (naissance) ; 2° il les attache au Roi, duquel ils attendent de quoi soutenir leur vie. Enlevez aux hommes le ventre et disparaîtront les besoins qu’il impose ; et du coup personne ne sera plus lié à la cause du Roi.

151. Je viens te raconter la bataille.
Ndaje nkubwire umurasano.
Poème ikobyo de 178 vers, par la Poétesse Nyiràkunge. Elle exalte les triomphes du Karinga. C’est peut-être au moment où Kigeli IV crut tenir enfin le Murorwa, Tambour Dynastique du Ndorwa, vainement recherché depuis Kigeli III Nabarasa. Vers 1884, en effet, des émissaires de Kigeli IV, attelés à la découverte de ce Tambour de la Dynastie des Bashambo, revinrent avec un autre qu’on leur disait être le Murorwa. Mais on se rendit compte dans la suite que les émissaires avaient été trompés.
Le Poème, d’un très brillant style, touche à plusieurs événements, et ne peut être limité à un seul d’entre eux.

152. J’ai vu en songe de lugubres lamentations.
Ndose induru.
Poème fragmentaire de 21 vers, par Senkabura, fils de Muzerwa. C’est une vision fictive, entrevue en songe. L’Aède a été témoin de la mort de Mwezi IV Gisabo, Roi du Burundi. C’est ce que laisse voir ce fragment d’un lyrisme intense.

153. Je suis là sans avoir obtenu un fief.
Nicaye ntagabanye.
Poème ikobyo de 162 vers, par Gashugero. C’est le seul morceau de l’Aède. Il y dit qu’il va bientôt mourir et rappelle au Roi qu’il n’a jamais reçu une vache de lui, bien qu’à certains moments il se croyait sur le point de l’obtenir. Aucun repère historique pouvant servir à le dater.

154. Je viens te réveiller au son du tambour.
Ndaje nkubambure.
Poème fragmentaire à impakanizi de 171 vers, par notre Senkabura. Morceau unique en son genre : les Reines Mères rivalisent en louant les hauts faits de leurs fils. Le Poème fut composé entre 1891-1893 à l’occasion de la victoire remportée, dans le Bushi, sur les esclavagistes des Stanley Falls armés de fusils. Une fois le Bushi vaincu, en effet, les Armées du Rwanda s’y fixèrent, pour prévenir tout soulèvement. Des esclavagistes, tous Noirs, venant de l’Ouest du Bushi, firent irruption dans le pays. Les guerriers du Rwanda les battirent et les poursuivirent jusqu’à la forêt. Le Poète parle de cette victoire remportée sur « ceux qui sont armés de manches à houes dégageant de la fumée. »
Ont été oubliés les paragraphes de Nyirayuhi III Nyamarembo (mère de Yuhi III Mazimpaka), de Nyirakigeli II Ncendeli (mère de Kigeli II Nyamuheshera) de Nyiramibambwe III Nyiratamba (Mère de Mibambwe III Sentabyo) de Nyirakigeli IV Murorunkwere (Mère de Kigeli IV Rwabugili).

155. La famille dont les membres se multiplient.
Urugo rugwije imbaga.
Poème fragmentaire à ibyanzu de 73 vers, par Ngurusi, fils de Karorero. Composé à l’avènement de Mibambwe IV Rutarindwa, le 22 décembre 1889, jour de la dernière éclipse totale de soleil observée au Rwanda. Se faisant l’écho de l’opinion, l’Aède félicite le Roi, d’avoir enlevé toute hésitation quant à la désignation de son successeur. Mais en un passage qu’on a ultérieurement éliminé du Poème, il disait : «Je signalerai, ô l’Invincible, la famille qui mettra feu à ta demeure, afin que tu en arrêtes préventivement les méfaits. » En ce paragraphe dont se rappelle Bizumwami qui dicta le morceau, le Poète faisait remarquer que la Reine Mère adoptive avait un fils, et qu’elle appartenait à une trop puissante famille. Celle-ci devait en conséquence être éliminée en tant que force sociale et politique dans le pays, car autrement des guerres de compétition s’ensuivraient. Le Roi répondit : « Ce n’est plus de la composition, tu dépasses les limites de ton rôle ! »

156. Je suis le sujet fidèle des Rois.
Ndi umuyoboke ‘w’Abami.
Poème à ibyanzu de 67 vers, par Ngurusi. L’Aède avait été désapprouvé par le Roi, pour avoir formulé la critique concernant le choix de la Reine Mère adoptive. Il prit peur et composa le présent morceau pour s’excuser. Il reconnaît devant le Roi que son premier jugement avait été l’effet de la faiblesse sénile ; que son esprit s’était enfin réveillé de cet engourdissement et qu’il comprenait enfin tous les avantages de l’événement récent.

157. Ceux qui se plient devant un Roi qui n’est pas le leur.
Abaramya Umwami utari uwabo.
Poème fragmentaire de 31 vers, composition de Muzerwa. C’est une satire contre les Barundi, qui avaient pris parti pour un prétendant étranger « un Mushi » (affaire de Kilima sans doute). L’état actuel du Poème ne nous permet pas de voir l’antithèse qu’il devait établir entre eux et les Rwandais, fidèles au Représentant de la Lignée.

158. J’ai entendu les retentissements du tambour.
Numvise imyama y’ingoma.
Très beau Poème ikobyo de 237 vers, par Singayimbaga. Nsoro, Roi du Bushubi, avait été traîtreusement arrêté et conduit à Ruganda, dans le Kinyaga, où Kigeli IV tenait sa Cour, face au Bunyabungo. Le pauvre Nsoro y fut exécuté, ainsi que sa mère et d’autres membres de sa famille. Le Poème fut dédié au Roi à cette occasion. Il fait également allusion à l’exécution de certains chefs du Btishi qu’on ne peut facilement déter-miner. Ce devait être vers 1893.

159. Lorsque le Rwanda se déleste de son trop plein.
U Rwanda iyo rwasheshe
Poème fragmentaire de 34 vers, par Senkabura, après la peste bovine aux environs de 1893. Il veut raffermir les courages, en rappelant que les malheurs sont toujours suivis de l’abondance de biens.
160. Les vaches commises à la garde d’un tonnerre.
Inka ziragiwe n’inkuba.
Poème fragmentaire de 90 vers, par Munyanganzo, en 1894, pour célébrer la fin de la peste bovine.