12° Les Poèmes Dynastiques sous Yuhi V Musinga.

161. Lorsque les Tambours sont abreuvés par les héros.
Iyo zishokewe n’intwali.
Poème ikobyo de 105 vers, par Munyanganzo lors du coup d’État de Rucunshu. Après avoir régné avec son père depuis 1889, et après avoir gouverné le Rwanda durant une année, Mibambwe IV Rutarindwa périt à Rucunshu en Décembre 1896. Ainsi s’étaient vérifiées les prévisions des connaisseurs, dont se faisait le porte-parole l’Aède Ngurusi, dans le Poème 155 ci-dessus. Musinga est intronisé sous le nom royal de Yuhi V. Le Poème établit sa légitimité, d’après une conversation fictive surprise par l’Aède entre les Tambours Dynastiques dont le choix s’était porté sur le nouveau titulaire. Composé en Janvier 1897, lors des solennités d’intronisation de Yuhi V.

162. Qui me dirait comment présageait l’augure de son intronisation,
ô vous, les intronisateurs.
Ikimbwiye Imana yamwimitse, uko yasaga, mwebwe bimika.
Poème fragmentaire de 23 vers, par Sekarama. C’est une satire contre le prince Muhigirwa qui, trop tardivement d’ailleurs, s’opposa à Yuhi V Musinga. Il proclama son fils Muhunguyishoni, Roi du Rwanda, sous le nom de Rugwe (II). Abandonné par ses Armées, Muhigirwa fut tué en Juin (Kamena) 1897.

163. Pas étonnant que les vaches reçues en fief.
Ninkabone inka zagabwe.
Poème ikobyo de 225 vers, par un Aède que personne n’a pu vérifier, malgré que la composition soit de 1897, tout au plus tard. L’auteur dans un style nébuleux, difficilement interprétable, veut établir la légitimité de Yuhi V, d’après l’opinion fantaisiste d’une disposition testamentaire confiée par Kigeli IV à Kabâre, oncle du Roi. Cette invention du soi-disant testament serait-elle l’oeuvre de notre Aède, ou bien celui-ci s’en serait-il fait le porte-parole, l’ayant entendue des autres ? Le fait est qu’elle est très répandue et qu’elle est pour ainsi dire devenue générale dans tout le Rwânda. Disons tout de suite qu’elle n’a rien à faire avec les principes et les procédés du Code Ésotérique, ayant servi de base au coup d’État de Rucunshu.

164. Je plaiderai devant le Roi.
Mburanire Umwami.
Poème ikobyo de 130 vers, par Karera fils de Bamenya, en 1910. L’Aède avait plaidé contre le puissant chef Rwidegembya qui lui avait enlevé ses vaches. Karera gagna le procès, mais le chef ne voulut pas restituer les vaches, suivant la sentence des juges. Dès que l’Aède eut déclamé le morceau, Yuhi V manda le chef et lui intima l’ordre de restituer les vaches le jour même, sous peine d’échanger avec le pauvre Aède leurs possessions.

165. Comme le Rwanda fut toujours régi par des Rois héros.
Kurya u Rwanda rwahoranye Abami b’ubugabo.
Poème fragmentaire de 45 vers, par Senkabura. Le peu qui nous en reste semble situer la composition en 1912, après la mort de Ndungutse, qui, se faisant passer pour un fils de Mibambwe IV Rutarindwa, avait soulevé le pays du Nord contre Yuhi V Musinga. L’Aède mourut sans l’avoir déclamé au Roi.

166. La décision de Dieu.
Iteka ry’ Imana.
Poème à ibyanzu de 205 vers, par Segacece, fils de Mpogazi, à la mort de Ndungutse en 1912. A l’occasion de cette victoire, l’Aède se faisant l’écho des illusions de son temps, prédit au Roi qu’il triompherait également des Européens comme le fit son père sur les « fusils » (au Bushi et au Nkore) et qu’il aura de nouveau tout à dire, sans l’immixtion de l’étranger.

167. J’exprimerai ma reconnaissance au Tambour, ô belle habitation
royale.
Nkulire ingoma ubwatsi, ngoro nziza.
Poème fragmentaire de 32 vers, composé par un jeune pâtre appelé Masozera, fils de Segatwa. Le jeune compositeur mourut avant d’avoir été recommandé au Roi. Son petit-frère Kagosi avait eu le temps d’en retenir le peu qu’il me dicta.

168. Je contemple la capitale des Rois.
Mbonye umurwa w’Abami.
Poème ikobyo de 204 vers, par Karera, en 1916, lors de la défaite allemande et de l’occupation belge. L’Aède félicite le Roi d’avoir tenu à l’égard des deux belligérants, une attitude de sage neutralité, si bien que le départ des Allemands ne jette pas le Rwanda dans le désarroi. Il. exalte Nyanza, capitale d’heureuses solutions en des temps troublés. Les résidences traditionnelles que Yuhi V a habitées esquissent une joute de hauts faits et finissent par demander à Nyanza d’héberger le Roi en leur nom à toutes. — Comme l’Aède était un Mututsi de haut rang, son Poème a une valeur « diplomatique », car il était au courant de la politique de la Cour, intentionnellement neutre durant la guerre 1914-1918. Le principe de cette neutralité avait été clairement formulé par le chef Rwangampuhwe, porte-parole de ses collègues dépositaires du Code Ésotérique.

169. Chanceux que je suis de devoir y assister, l’arrogance des
ennemis étant dissipée.
Kizi nzaba mpari impaga y’abanzi yashize.
Poème ikobyo de 86 vers, par notre Munyanganzo fils de Barembe. Après la guerre 1914-1918, un parti s’est formé contre Yuhi V et tâche de le mettre en désaccord avec les Européens ; le parti est servi en cela par de mauvais conseillers du Roi, à savoir ses devins et sa mère, qui lui prédisent sa prochaine victoire sur les Blancs. Son autorité est gravement compromise par la défection de la jeunesse éprise du progrès apporté par les Mission-naires et le Gouvernement.
L’Aède, entièrement de l’avis des devins et de la Reine Mère, exprime la conviction que le Roi triomphera et mettra ses ennemis dans une mauvaise posture. Il en profite pour réaffirmer la légitimité de son maître, qui a supplanté Mibambwe IV, fils de Nyiraburunga. Celle-ci, complice dans la conspiration ourdie contre la vie de Nyirakigeli IV (Reine-Mère de Kigeli IV Rwabugili), ne méritait pas de laisser un Roi sur le Trône du Rwanda. Disons en passant, que le nouvel argument de l’Aède a un rapport étroit avec les vrais motifs sur lesquels se sont appuyés ceux qui ont déclanché le Coup d’État de Rucunshu.

13° Les Poèmes Dynastiques sous Mutara III Rudahigwa.

170. Mes félicitations au Dieu qui a relevé le Rwanda.
Ndabukira Imana yunamuye u Rwanda.
Poème à impakanizi de 308 vers, composé par Sekarama, un nonagénaire. Il mourut sans l’avoir déclamé au Roi. — Traduit in extenso.

171. 0 front qui vient de triompher pour le pays.
Ruhanga rutsindiye igihugu.
Poème à impakanizi de 331 vers, par Karera. Traduit in extenso.

172. Les aînés des héros.
Impura z’abagabo.
Poème ikobyo de 229 vers, par Gahuliro. Traduit également in extenso.

173. Puisque tu t’es rappelé des tiens.
None wibutse abanyu.
Poème à ibyanzu de 99 vers, par Karera. Traduit in extenso.

174. Il me vient à l’esprit une autre parole du Roi.
Nungutse ijambo ry ‘UmwAmi.
Poème à impakanizi de 192 vers, par Gâlniliro. Égale-ment traduit in extenso.

175. Donne-moi une audience.
Umpe icyanzu.
Poème ikobyo de 98 vers, par Gahuliro. Il remercie le Roi de lui avoir rendu justice, en lui faisant restituer des biens (vaches ou champs) qu’un plus puissant lui avait enlevés.

176. Puisque tu reviens heureusement d’expédition.
None utabarutse neza.
Poème ikobyo de 111 vers, par Munyangaju, célébrant le voyage du Roi en Belgique. Il fut déclamé le 22 juin 1949. Très beau morceau, oeuvre d’un Mututsi bien au courant de la politique actuelle de son pays. Le Voyage de Matara en Belgique marque un tournant décisif, une orientation nouvelle dans les relations entre le Rwanda et le Gouvernement. La Belgique a compris la loyauté et le dévouement du Roi à son endroit ; en retour le Gouvernement devra faciliter à Mutara l’exercice de ses pouvoirs et ne permettra pas que des partis subversifs briment impunément l’autorité qu’il représente. Ces gens qui veulent saper l’ordre dans le pays doivent subir le châtiment semblable à celui que les Lois de Belgique infligent aux traîtres de leur patrie.
C’est un digne couronnement des Poèmes que nous avons étudiés.