INTRODUCTION

« Les oeuvres de la mission sont les suivantes : les séminaires, orphelinats et écoles indigènes. Nous les plaçons en tête parce qu’ils sont, sans contredit, l’œuvre la plus importante… ». Avons-nous assez réfléchi aux immenses ravages opérés par l’école, fut-elle chrétienne ? Ne nous sommes-nous pas laissé illusionner par quelques résultats brillants qui nous ont caché l’échec de l’entreprise scolaire sur la grande masse des jeunes qui y sont passés ?… ».

Ces deux textes, écrits à environ un siècle de distance sont caractéristiques de toute une évolution. Si au XIXe siècle, l’école apparaît aux missionnaires comme un instrument adéquat de propagande religieuse, le XXe siècle, au contraire, voit naître dans les mêmes milieux, une grande méfiance vis-à-vis des établissements scolaires. L’école n’est plus placée « en tête des oeuvres de la mission », au contraire, elle est regardée avec méfiance et accusée d’avoir opéré des « ravages » parmi les populations africaines. Le bilan est-il vraiment aussi négatif ? Les pages qui vont suivre voudraient répondre, en partie, à cette grave question. Elles visent à étudier pas à pas, dans les objectifs d’abord, dans la réalité concrète ensuite, l’effort scolaire et éducatif, réalisé par les missionnaires Pères Blancs dès leur arrivée en Afrique centrale et cela jusqu’en 1914.

Comme le titre l’indique, notre travail se propose d’analyser les liens qui unissaient la mission aux écoles. Notre propos n’est pas d’écrire une histoire de l’éducation en Afrique centrale au tournant du mixe et du XXe siècle. Il s’agit plutôt d’abord de l’histoire de l’expansion missionnaire catholique dans cette partie du monde. Les pères et les pages qui vont suivre le montrent clairement — considéraient l’école comme un outil, imparfait certes, mais éminemment utile pour répandre leur message religieux. Il nous a donc semblé fort intéressant d’étudier ce « moyen privilégié d’apostolat ». Nous pensons que notre travail peut ainsi apporter une contribution aussi bien à l’histoire de l’éducation en Afrique qu’à l’histoire de l’expansion missionnaire catholique dans ce continent.

Dans son Mémoire Secret, Mgr Lavigerie avait proposé à la Sacré Congrégation de la Propagande les mesures qu’il importait de prendre en vue d’organiser l’œuvre missionnaire en Afrique équatoriale. Celles-ci consistaient en l’érection immédiate dans ces territoires d’une vaste mission qui devait couvrir à peu près le centre du continent dans sa totalité et comprendre quatre immenses vicariats apostoliques. Le 4 février 1878, les prélats de la Congrégation adoptaient en partie ce plan : Lavigerie pouvait envoyer les missionnaires éclaireurs chargés de reconnaître la possibilité d’y ériger ces nouvelles missions et de choisir les endroits qui conviendraient le mieux comme centres de celles-ci.

Ils devraient remettre ensuite à la Propagande un rapport détaillé en vue de commencer l’œuvre de l’évangélisation dans les régions du lac Tanganyika et des lacs Victoria et Albert.

Concrètement, cela signifie que les deux premières missions confiées aux Pères Blancs comprenaient tous les territoires bordant les lacs Victoria et Tanganyika. Ces régions, auxquelles viendront s’ajouter quelques années plus tard celles du lac Nyassa, constitueront, tout en se développant, les missions des Pères Blancs en Afrique centrale. Ces régions formeront un tout et couvrent les pays modernes suivants : l’est du Zaïre, le Rwanda, le Burundi, l’ouest de la Tanzanie, le sud de l’Uganda, le Malawi et le nord de la Zambie. Elles se situaient dans les zones belges, allemandes et anglaises.

Cet immense territoire d’une très grande diversité, est resté confié à une seule société missionnaire pendant de longues années. Cette société, très centralisée et dirigée par un supérieur général résidant à Maison-Carrée en Algérie, y a travaillé d’une façon plus ou moins identique. On peut donc considérer cette région des grands lacs de l’Afrique équatoriale comme un tout et l’étudier en tant que tel.

La mission entreprend l’œuvre des écoles dès son implantation sur le terrain. C’est le désir et même l’ordre de Mgr Lavigerie et des premiers supérieurs de la Société. Il faudra donc, d’une part, étudier les idées du fondateur des missionnaires au sujet de l’enseignement et de l’éducation’ et, d’autre part, suivre les réalisations concrètes des hommes qui appliquaient sur place les ordres de leurs supérieurs de Maison-Carrée.

Quel doit être le terminus ad quem ? De 1879 à 1885 environ, les missionnaires travaillent dans des régions indépendantes. Ils sont les seuls à s’occuper d’enseignement et d’éducation d’un style nouveau. Leurs orphelinats et leurs écoles sont pour eux, un outil, un moyen d’action. A partir de 1885, les diverses puissances coloniales établissent leur autorité sur l’ensemble de l’Afrique centrale. C’est pour eux la période de e pacification » et d’installation. Les missionnaires sont toujours à peu près les seuls à s’occuper d’écoles. Ce n’est que vers le début du 20° siècle que les premiers établissements scolaires officiels font leur apparition dans certaines colonies. Les missionnaires y voient une concurrence dangereuse et développent considérablement leur propre réseau scolaire. Cette évolution s’arrête à peu près totalement et assez brusquement en 1914. C’est le début de la première guerre mondiale, qui bouleverse également toute l’Afrique coloniale, et arrête pour un temps les initiatives diverses des États et des missions.

C’est après la guerre, entre 1920 et 1927 qu’a été élaborée la collaboration des autorités coloniales et des missions sur le terrain scolaire, ce terrain qui jusqu’alors avait été travaillé pendant plus d’un quart de siècle par les seuls missionnaires. A partir de ce moment, les écoles perdent beaucoup de leur caractère missionnaire du début, pour devenir de phis en plus outils de la puissance coloniale. C’est pour cette raison que In date de 1914 a été choisie comme date finale de ce travail.

De 1879 à 1914, soit durant une période de trente-cinq ans, les missionnaires catholiques et protestants, disposaient à peu près de l’exclusivité dans le domaine de l’enseignement et de l’éducation, créant des écoles, cherchant des méthodes d’éducation, utilisant surtout ces établissements pour répandre le christianisme parmi les peuples qui leur étaient confiés. * *

Nous avons divisé notre étude en cinq grandes parties. Dans la première, nous étudions plus spécialement les objectifs visés par Lavigerie et ses missionnaires. Quelles idées guidaient l’activité éducative des pères ? Pourquoi attachaient-ils une importance si grande aux écoles ? Comment voyaient-ils l’Afrique à cette époque, et pourquoi cette vision particulière était-elle la leur ? Voilà les principales questions auxquelles cette première partie veut donner une réponse. Un chapitre qui retrace le contexte géographique et historique, ainsi que la manière dont l’éducation était conçue en milieu africain, clôt cette première section de notre travail.

Nous abordons ensuite l’étude des réalisations concrètes opérées par les missionnaires en Afrique centrale. La deuxième partie rappelle d’abord brièvement l’historique de l’établissement des premières missions, pour entreprendre ensuite l’étude de la première œuvre que les pères créèrent dans ces pays : les orphelinats. Ensuite, nous abordons la création des établissements scolaires. Chaque vicaire apostolique imprima un caractère particulier à la région qu’il avait à administrer. Le contexte social et politique dans lequel devait se dérouler leur œuvre, conditionna certes leur action, mais la visée particulière de chacun de ces premiers évêques missionnaires reste quand même un aspect important à traiter. C’est pour cette raison que nous traçons un bref portrait de chacun d’eux dans la troisième partie de ce travail, et que nous analysons la manière dont chaque évêque s’occupa de l’éducation des jeunes dans son vicariat.

A partir de 1906 environ, les établissements scolaires se développent considérablement : le nombre d’enfants scolarisés augmente, des initiatives diverses et nouvelles sont prises. Il était important d’y consacrer une partie entière de notre travail, en parcourant une nouvelle fois l’ensemble des vicariats. L’analyse du début de l’enseignement secondaire enfin fait l’objet de la dernière partie de cette étude. Nous avons placé sous cette rubrique, d’abord les établissements particuliers qui voulaient répondre à des situations précises, telles les écoles pour fils de chefs par exemple ; ensuite, nous y traitons des initiatives scolaires qui avaient pour but de former des auxiliaires de la mission : les écoles de catéchistes et l’es séminaires.

Cette étude se propose donc de faire l’histoire, aussi complète que possible, de l’enseignement catholique dans les territoires de l’Afrique centrale confiés aux Pères Blancs par la Propagande. Elle comporte pour chaque période et chaque vicariat, deux volets inséparables et par conséquent imbriqués l’un dans l’autre : d’une part, celui de l’enseignement donné : création d’écoles, buts poursuivis, programmes et méthodes, personnel enseignant, etc., et, d’autre part, celui de l’enseignement reçu. Sur le premier point, si les recherches sont longues, elles sont fort fructueuses : des sources diverses nous offrent une documentation abondante qui permet de dresser un vaste tableau de l’œuvre éducative des missionnaires. En ce qui concerne la façon dont l’enseignement a été reçu, le terrain est beaucoup moins sûr. Les sources sont souvent à peu près muettes dans ce domaine. Nous nous efforçons cependant, dans la mesure du possible, de répondre aux grandes questions que se posent les historiens de l’enseignement à l’heure actuelle.

On aura remarqué que dans le sous-titre de notre travail nous parlons de l’histoire de l’éducation et non de l’enseignement. Il faut savoir que pour les missionnaires au travail en Afrique centrale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les écoles devaient servir d’abord et avant tout à éduquer chrétiennement les enfants. En plus, d’autres formes d’éducation furent créées par les pères, tels les patronages par exemple. Notre travail sort donc du cadre purement scolaire pour englober l’ensemble des questions d’éducation auxquelles les missionnaires se consacrèrent.

Signalons encore que nous nous sommes limités dans cette étude à l’enseignement donné par les missionnaires. Il ne faut donc pas chercher ici une analyse des efforts scolaires élaborés par les diverses puissances coloniales qui détenaient à ce moment le pouvoir en Afrique centrale. Il est évident que nous sommes amenés à parler des initiatives de ces États dans le domaine scolaire, mais ce n’est qu’occasionnellement et sporadiquement. L’étude de l’enseignement colonial et ses rapports avec les diverses missions religieuses forment un ou même plusieurs autres sujets de travaux historiques.

Il faut enfin encore noter que notre travail limite ses investigations en grande partie aux écoles de garçons. Ceci pour la simple raison que la mission n’a commencé à s’occuper de l’éducation des filles d’une façon systématique qu’avec l’arrivée des religieuses missionnaires, à la fin du XIXe siècle. C’est à ce moment que les premières écoles pour filles furent créées dans la plupart des territoires qui nous concernent. Ajoutons enfin, qu’à l’époque, l’enseignement pour filles était nettement séparé de celui des garçons. L’étude de l’enseignement féminin constitue ainsi un sujet à part. Il faudrait y consacrer un travail particulier.

Les ouvrages fondamentaux pour l’histoire des débuts de l’œuvre missionnaire des Pères Blancs en Afrique centrale restent, sans conteste, d’une part X. de Montclos, Lavigerie, le Saint-Siège et l’Église, 1846-1878 (Paris, 1965) et, d’autre part, F. Renault, Lavigerie, l’esclavage africain et l’Europe, t. I, Afrique centrale (Paris, 1971). Ces deux études nous ont surtout aidés pour retracer les grandes lignes de la biographie du fondateur des Pères Blancs, ainsi que les premières réalisations de ces derniers dans le centre du continent africain.

De nombreux articles, mémoires, thèses et monographies ont été consacrés, soit à l’étude d’une région particulière de l’Afrique qui nous concerne, soit à un vicariat des Pères Blancs situé dans ces régions, soit encore à l’histoire de l’enseignement dans l’un ou l’autre de ces vicariats. Parmi ceux qui nous ont particulièrement aidé, citons, pour l’Uganda d’abord, la thèse de doctorat en théologie de A. Rommelaere, De bekeringsarbeid in de missie van Ouganda. Hislorische studie over haar ontwikkeling en haar methodes (Louvain, 1949). Comme le titre l’indique, cet auteur s’est intéressé à l’œuvre globale de l’évangélisation dans Ruganda et attache une importance considérable à l’étude du système du catéchuménat, tel qu’il fut appliqué dans ce pays. Pour le Rwanda, nous disposons du mémoire de licence en histoire moderne de A. Nkabuwakabili, L’enseignement primaire au Rwanda avant la deuxième guerre mondiale, 1900-1939 (Louvain, 1971). Un article assez sommaire et aux conclusions un peu hâtives de P. Erny, L’école au Rwanda durant la période allemande (dans Dialogue, no 53, novembre-décembre 1975, p. 24-41), vient compléter le mémoire précédent. Ces deux publications sont intéressantes pour notre étude, mais, limitées à la région rwandaise, elles ne représentent finalement qu’un apport fort minime à notre travail, vu qu’elles se bornent en plus à l’étude de l’enseignement primaire. L’histoire de l’évangélisation du Burundi a été traitée par J. Perraudin, Naissance d’une Église. Histoire du Burundi chrétien (Bujumbura, 1963). Ce travail, dans lequel les préoccupations apologétiques ne sont pas absentes, nous a néanmoins aidé occasionnellement. Pour le Zaïre oriental, nous disposons de trois excellents mémoires de licence : W. Blondeel, Hel evangelisatiewerk der katholieke missies binnen de kolonisatie van Kongo, 1876-1926. Detailstudie : Witte Paters en Broeders van de Icristelijke scholen (Gand, 1973) ; G. Malherbe, La mission du lac Albert (Huri-Zaïre), 1911-1934 (Louvain, 1976), et P. Serufuri Hakiza, L’enseignement des Pères Blancs dans le Haut-Congo, 1880- 1929 (Louvain, 1974). Le nord de la Zambie, pays des Bomba, a été étudié d’une façon remarquable par A. D. Roberts, A history of the Bemba (Londres, 1973). Dans cet ouvrage, l’auteur décrit longuement la pénétration et la première installation des Pères Blancs dans ce pays. Pour le Malawi, nous disposons du très bon travail de L Linden, Catholics, peasants and Chewa resistance in Nyassaland, 1889-1939 (Londres, 1974), et de la thèse de doctorat en pédagogie de I. A. J. Nankwenya, Christian influence on education in Malawi up b independence ivith special reference Io the rote of catholic missionaries (Pretoria, 1977). Pour la Tanzanie enfin, deux livres importants traitent de la question de l’enseignement confessionnel pour la région qui nous concerne : F. S. Schâppi, Die katholische Missionsschule im ehemaligen Deutsch-Ostafrika (Paderborn, 1937), et S. Hertlein, Wege christlicher Verkündigung.

Eine pastoralgeschichtliche Untersuchung eus dem Bereich der Katholischen Kirche Tansanias, t. I, Christliehe Verkiindigung im Dienste der Grundlegung der Kirehe (1860-1920) (Miinsterschwarzach, 1976).

Tous ces travaux — nous l’avons déjà fait remarquer s’occupent d’un seul aspect du travail missionnaire, d’une région de l’Afrique ou de l’étude de l’enseignement dans un vicariat bien déterminé. Aucun travail de l’ensemble de l’œuvre éducative des Pères Blancs en Afrique centrale n’a encore été écrit jusqu’à ce jour. Un important ouvrage restait donc à réaliser : étudier la politique scolaire des Missionnaires d’Afrique dans le cadre très vaste du centre de l’Afrique et de leur action globale. Ceci nous semble primordial. Il est, en effet, difficile de comprendre l’activité des Pères Blancs clans une région déterminée, sans regarder cette activité dans un cadre plus large. Et cela d’autant plus, que les régions actuelles sont souvent de création récente. Une grave lacune restait donc à combler. C’est ce que le présent travail veut entreprendre.

Les sources principales de cette étude sont, en premier lieu, les archives de la Maison généralice des Pères Blancs à Rome. Celles-ci contiennent de nombreuses lettres inédites et très rarement consultées des missionnaires des différents vicariats. Parmi cette abondante correspondance, les écrits des vicaires apostoliques et des régionaux surtout, nous ont fourni une volumineuse documentation. Il est bon de rappeler ici que le fondateur des Missionnaires d’Afrique avait beaucoup insisté sur l’obligation à laquelle étaient tenus tous les membres de la Société de fournir des comptes rendus aussi complets et aussi fidèles que possible de leurs activités. Les pères ont, en général, observé cette recommandation et ont envoyé de nombreux rapports à leurs supérieurs. Nous disposons ainsi d’une très abondante documentation. Ajoutons enfin encore, qu’une fois fondée, chaque station missionnaire possédait son diaire, rédigé d’habitude par le supérieur de l’endroit et dont une copie devait être transmise à Maison-Carrée. Nous avons consulté les diaires des principales stations des territoires qui nous concernent.

Les archives ecclésiastiques anciennes, conservées en Afrique centrale sont, en général, pauvres et peu accessibles. N’oublions pas que la mission était dirigée à partir d’une autorité centrale, établie en Afrique du Nord. Les vicaires apostoliques entretenaient des rapports suivis avec les responsables de la Société. Tous les doubles de la correspondance leur étaient envoyés. Les archives locales — si elles existent — peuvent quelquefois apporter des précisions dans des questions traitées localement et non transmises aux supérieurs majeurs. Nous avons pu consulter les archives de l’archidiocèse de Kabgayi-Kigali au Rwanda. Elles contiennent quelques pièces qui permettent de clarifier certains aspects des rapports entre la mission catholique et l’autorité coloniale allemande, en particulier au sujet de la fondation de l’école pour fils de chefs à Nyanza, siège de la cour du souverain local.

Une troisième série d’archives sont celles des provinces des Pères Blancs. En général, celles-ci ne sont pas accessibles au public et ne contiennent que peu de documents intéressants pour la période qui nous concerne. La province de Belgique présente cependant une exception. On sait le rôle joué par le roi Léopold II dans les questions coloniales et son désir de voir des missionnaires belges travailler au Congo (I). C’est ainsi qu’une série de pièces intéressantes sont conservées dans les archives de la province belge. La consultation de ces documents nous a apporté un complément d’information au sujet de rceuvre scolaire des Pères Blancs clans le vicariat du Haut-Congo.

Les missionnaires anglicans sont arrivés au Buganda en 1878, suivis une année plus tard par les Pères Blancs. Dans ce dernier pays en particulier, le travail missionnaire s’est réalisé dans un climat tendu de rivalité et de compétitivité. Il nous a semblé important de ne pas nous limiter exclusivement dans notre travail au seul point de vue catholique, mais de considérer également la manière dont les missionnaires anglicans envisageaient la mission, en particulier en ce qui concerne les oeuvres d’éducation. C’est pour cette raison que nous avons consulté les archives de la Church Mission ary Society à Londres, qui traitent de la mission de l’Uganda.

Nous avons enfin pu prendre connaissance de plusieurs dossiers des archives de l’ancien Ministère des Colonies à Bruxelles. Nous avons déjà signalé le rôle important joué dans les questions missionnaires par Léopold II et l’État Indépendant du Congo. Après 1908, le ministre des Colonies du Congo belge s’intéressa également de près aux missions. Les documents consultés aux archives de l’ancien Ministère des Colonies nous ont permis de traiter d’une façon plus exhaustive l’histoire de l’enseignement dans la région du Haut Congo.

Comme sources imprimées, nous disposons d’une documentation fort importante. Les actes et documents publiés par les Missionnaires d’Afrique sont fort nombreux. Signalons en particulier, les diverses Constitutions de la Société, éditées à partir de 1872, ainsi que le Directoire des Constitutions de 1914. Plusieurs vicaires apostoliques publièrent leurs lettres circulaires. Nous avons ainsi à notre disposition d’importants recueils de lettres, en particulier de Mgr Streicher et de Mgr Roelens. Un grand nombre de directives de Mgr Lavigerie, adressées aux premiers missionnaires ont été publiées dès 1907, sous le titre Instructions aux Missionnaires.

Le 23 décembre 1878, le conseil supérieur de la Société décida la création d’une Chronique trimestrielle dans laquelle devait être repris l’ensemble ou en tout cas la plus grande partie des informations reçues des missions d’Afrique. Cette publication était destinée aux seuls membres de la congrégation dans le but de les mettre au courant de l’activité d’un chacun et de les faire profiter au mieux des expériences individuelles. La Chronique publia surtout les diaires des différents postes, des lettres des missionnaires et des rapports d’ensemble. Nous disposons ainsi d’une source très importante pour la connaissance des débuts de la mission, qui vient combler bien des fois les vides des documents d’archives. Pour notre travail, nous avons dépouillé systématiquement cette documentation depuis sa parution en 1878 jusqu’à sa suppression en 1909. A cette date, les supérieurs des Pères Blancs estimaient devoir supprimer cette publication. De fait, le nombre de postes se multipliant, il était devenu quasi impossible de publier toute la correspondance des missions. A partir de 1905, la Société des missionnaires lança une nouvelle publication : les Rapports annuels. Cette revue publiait chaque année des comptes rendus sur chaque vicariat. Nous avons parcouru ces rapports parus de 1905 à 1914.

Signalons encore comme source : les Missions d’Alger, et, depuis 1895, les Missions d’Afrique. Il s’agit dans ce cas d’un bulletin destiné au grand public, dans lequel un choix de lettres de missionnaires était publié régulièrement. Cette dernière publication est moins importante. Elle ne reprend généralement que des lettres qui étaient censées intéresser le grand public de l’époque. Nous avons parcouru les numéros de cette revue de 1879 à 1914.

Enfin, à partir de 1912, paraît le Petit Écho des Missions d’Afrique. Ce périodique, destiné aux missionnaires, contient surtout des informations d’ordre général et administratif. Nous avons consulté cette revue de 1912 à 1914.

Comme on peut le constater, la plus grande partie des sources sur lesquelles se basent notre travail, sont d’origine missionnaire. Une question se pose ici : ces sources sont-elles valables ? Les missionnaires n’y décrivent-ils pas leurs propres oeuvres et les documents ainsi rédigés ne sont-ils pas forcément partiaux ? Il est évident qu’une grande prudence s’impose dans l’analyse de ces sources. Citons à titre d’exemple, les statistiques publiées régulièrement à partir de 1903-1904 dans les Chroniques et les Rapports annuels. Ceux-ci ont souvent tendance à embellir la réalité. Remarquons d’emblée que plusieurs documents constituent des critiques par rapport aux autres. Les données les plus critiques se rencontrent dans les rapports des supérieurs régionaux. Ces derniers devaient veiller à la bonne application des Constitutions dans les différents territoires. Ils devaient renseigner régulièrement les autorités de Maison-Carrée sur la situation réelle de la mission. Les supérieurs généraux avaient tout intérêt à connaître la situation exacte des missions. L’attitude des régionaux était donc forcément critique. La lecture et l’analyse de leurs rapports vient ainsi nuancer et compléter les documents plus officiels. Retenons de cette dernière observation qu’il est absolument nécessaire de dépouiller l’ensemble des sources missionnaire. Il est par exemple fort dangereux de se baser uniquement sur les Chroniques, les Rapports annuels ou les Diaires pour écrire l’histoire des missions. Il faut avoir lu toutes ces catégories de documents sans en avoir omis une seule. Aucune d’elles, prise isolément, ne donne une idée exacte des événements. Elles se complètent ou se rectifient l’une l’autre. Si les Chroniques, les Rapports annuels, et les Diaires sont des documents importants et irremplaçables, ils ne donnent qu’une vue partielle de la réalité. La correspondance des missionnaires, des chefs de mission et des régionaux surtout sont indispensables au chercheur qui veut écrire une œuvre valable.

Notons encore au sujet de la transposition en français des termes africains, que nous avons suivi l’usage qui se généralise de plus en plus de n’employer que le radical invariable des ethnonymes. Il reste bien entendu que, lorsque nous citerons un texte, nous respecterons la graphie originale. Puissent ces pages apporter leur contribution à la connaissance historique plus complète et plus profonde de l’œuvre éducative des Pères Blancs en Afrique centrale.