BATUTSI ET BAHIMA SERAIENT-ILS D’ORIGINE SEMITIQUE PREMOSAIQUE ?

Il est intéressant de relever le fait que dans des endroits aussi éloignés du Ruanda-Urundi que le Sénégal et Madagascar, on retrouve des peuples pasteurs ayant des traits sémitiques.

i) Les PEULS
Leurs caractéristiques somatiques et culturelles ressemblent à celles des Batutsi. Dispersés dans toute la région de l’Afrique du Nord qui va du HautNiger au Sénégal, ils sont environ 2.000.000 dans le nord du Nigéria où ils pénétrèrent vers la fin du XIIIe siècle. Comme les Batutsi et les Bahima, ils se divisent en Peuls sédentaires et en nomades, ceux-ci étant au nombre de 300.000. SELIGMAN nous apprend que ces derniers sont les représentants les plus purs de l’élément pastoral au Nigéria : cheveux droits, nez droit, lèvres minces, tête allongée, corps élancé, peau brun-rouge, les femmes se distinguent par la beauté de leur maintien et la grâce de leur allure. De caractère, ils sont excessivement réservés, méfiants et ombrageux, subtils, astucieux de sorte qu’aucun autre type africain ne les dépasse en dissimulation et en finesse ; la circoncision n ’est pas signalée chez eux.

Les Peuls nomades dépendent économiquement de leur bétail qui n ’est jamais abattu pour servir de nourriture, sauf à l’occasion des fêtes. Le lait caillé constitue la base de l’alimentation. Comme au Ruanda-Urundi, la viande et le lait ne peuvent être consommés en même temps. Leur habitation consiste en une hutte grossière, en forme de ruche d’abeilles. Le bétail est rassemblé, la nuit, à l’intérieur d ’une zeriba (kraal) de branches épineuses. Ils barattent leur beurre dans des calebasses et portent le vêtement antique en cuir. Les Peuls élèvent un petit bœuf à bosse

La domestication de la vache serait apparue sur les versants de l’Himalaya. L. ADAMETZ nous apprend que le bovin des anciens Égyptiens était à longues cornes, et que c’est vers 1500 qu’y apparut une nouvelle race bovine à courtes cornes ; venant d’Asie mineure et presque simultanément, survint en provenance de l’Inde du nord et de Babylonie, le zébu. Le bétail détenu par les Peuls indique déjà, à lui seul, leur origine asiatique lontaine et leur date approximative d’arrivée en Afrique, c’est-à-dire en même temps que les Hyksos et par conséquent que certains Sémites.

D. P. DE PEDRALS, ancien administrateur des colonies, nous donne dans son « Manuel scientifique de l’Afrique noire » les narrations mêmes de Peuls quant à leur origine. Ils déclarent que leur premier ancêtre fut Yacouba (Jacob), fils d ’ISSIRAILA (Israël), fils d ’SSIHAKA (Isaac) fils d ’IBRAHIMA (Abraham) ; ils font mention aussi d’un certain SOULEIMAN. Les descendants du premier, partis de Kenana (Canaan), seraient allés par le Tor (Sinaï) au pays de Missira (Misraïm : l’Égypte), où régnait le roi Youssoufou (Joseph). Les descendants de Souleîman venaient du pays de Sam (Sem). Les uns et les autres constituèrent le peuple des Banissiraïla. Mais FIRAOUMA (le pharaon), jaloux de la richesse que leur donnaient leurs troupeaux, les avait accablés d’impôts et de servitudes de toutes sortes. Les uns regagnèrent Kenana sous la conduite d’un chef nommé Moussa (Moïse), tandis que les autres, franchissant le Nil, partaient en direction du soleil couchant. L’origine israëlite des Peuls est également défendue par O. ASSIRELLI.

Les SAKALAVES

Ils occupent les deux tiers de la côte occidentale de Madagascar, ils sont au nombre de 500.000, il y a lieu de leur adjoindre les Antakaranas, les Baras, les Malahafis, les Antandroys, les Antaisakas, les Betsimakaras qui offrent le même type : taille supérieure à la moyenne, parfois 1,80 m, peau d’un noir intense, le système pileux est peu abondant. La tête est franchement dolichocéphale, la face haute et prognathe, le nez large, le menton fuyant. Il existe des individus au teint plus clair et aux cheveux moins crépus. Certains types possèdent des cheveux longs, un nez fort et saillant. On estime qu’ils ont reçu une portion notable de sang sémitique et comme les tribus portent des noms qui commencent par ZAFI (Zafi Ibrahim : fils d’ABRAHAM), on a supposé qu’ils descendent d ’Israëlites émigrés lors de la captivité de Babylone. Ceux de l’île Sainte-Marie ont conservé des traditions bibliques en même temps que la coutume de circoncire les enfants et de sacrifier des animaux à la divinité. Ils pratiquent l’élevage du gros bétail et des moutons. Cependant, malgré l’abondance du bétail, le Malgache ne tue que rarement des bœufs ; il n ’en sacrifie guère qu’aux jours de fête. Les Sakalaves possèdent un roi à peu près omnipotent. Le cadavre était sorti de la hutte aussitôt après le décès et déposé sur une estrade d’environ 2 mètres de hauteur ; sous les pieds du mort, on allumait du feu qu’on entretenait pendant plusieurs jours. S’il s’agissait d ’un prince, le corps était enveloppé dans une peau de bœuf et conservé deux mois sous une tente où l’on brûlait constamment des résines aromatiques. Les Antakaranas ficelaient étroitement le cadavre dans une peau de bœuf. Ces dernières coutumes se retrouvent chez les bami du Ruanda-Urundi.

Au point de vue physique, les Batutsi se rapprochent des Sémites asio-africains. Le Dr LEFROU abonde dans ce sens, et fait remarquer que les Éthiopiens et les races qui en dérivent, contrairement aux autres mélanodermes d’Afrique, ont le nez droit et étroit, ils sont lepthorrhiniens ou mésorrhiniens, et il conclut que les Éthiopiens ne sont pas des Nègres ; à part la couleur, ils ont les types purs, les caractères anatomiques des Blancs, notamment les lèvres minces et l’absence de prognathisme.

Nous savons, d’après SELIGMAN, que le nez dit juif, n’est pas réellement sémitique, puisque les plus purs Sémites ne l’ont pas. Il est caractéristique des anciens Hittites et de leurs représentants modernes les Arméniens, il devrait être appelé « arménoïde », et là où on le rencontre sous sa forme typique, du moins en Afrique, il peut être considéré comme indiquant le métissage de sang arménoïde.

DE PEDRALS écrit :

« J ’ai cru reconnaître un type physique juif chez les Peuls, qui est précisément à l’opposé du type réputé et aussi répandu que l’autre, sinon plus, signalé par le profil rectiligne de la partie supérieure du visage, un nez court, droit, petit, des oreilles petites, puis cette configuration spéciale de l’œil en amande et des pommettes livrant chez les femmes l’évocation de la grâce de l’antilope, type à la Sarah Bernhard. Ceci n’empêche de trouver aussi chez les Peuls, selon un même dualisme somatique, le type classique réputé le plus caractéristique ».

C’est là le visage même des Batutsi qui apparaît, il est fréquent de rencontrer chez eux le nez arménoïde. Les Batutsi sont monothéistes comme le sont les Israélites. Les Batutsi sont grands, les Hyksos étaient également de haute taille. Les Batutsi ne pratiquent que l’élevage des bovins et des moutons ; les caprins et les suidés, animaux domestiques des cultivateurs bahutu, sont méprisés à tel point que leur accès dans les troupeaux de vaches est strictement interdit. Il est établi par la Bible que les Israélites de l’époque prémosaïque étaient essentiellement pasteurs, qu’ils arrivèrent en Égypte accompagnés de « bœufs et de brebis » (Gen. XIII, 5) et qu’ils en sortirent de même 450 ans plus tard (Exode X, 24).

La hutte des Batutsi est ronde et conique ainsi que devait l’être la tente sous laquelle logeaient les Juifs (Gen. X III, 5), c’est d ’ailleurs l’habitation caractéristique à l’heure actuelle des pasteurs nomades d ’Asie et d ’Afrique. Les Batutsi pratiquaient la divination par l’examen des entrailles des taurillons, des béliers et des coqs ; MAUSS déclare que le foyer de cette divination fut la Chaldée (sud de la Mésopotamie), c’est-à-dire la patrie de Nemrod, petit-fils de Kush (Gen. X. 8) (1).

En Urundi, on rendait hommage aux serpents qui étaient censés être sortis de la tombe et en définitive du mort lui-même. Pour les princes, c’était le python : isato, pour les Batutsi, le mushana, etc. Le python était élevé au lait par l’héritier, et chez les princes par un prêtre attitré. Une conception similaire se rencontre à l’état de trace au Ruanda. On la retrouve chez tous les pasteurs d’Afrique : Souks de l’Afrique Orientale, Zoulous de l’Afrique du Sud, Akikuyus de l’Afrique orientale, chez les Batsileos à Madagascar ; elle fut signalée dans la toute première dynastie sémite d’Éthiopie dite d ’AROUÉ, sous la forme du serpent divinisé Arewié. Le culte du serpent était ancré à tel point dans la tradition israélite qu’ÉzÉCHIAS brisa le serpent que Moïse avait fait (Nombres X X I, 8), parce que les enfants d ’ISRAELL avaient brûlé des parfums devant lui (II, Rois, X V III, 4).

Les Batutsi pratiquent la petite polygamie, mais chaque femme reçoit une hutte distincte comme chez les Israélites où chaque épouse possédait sa tente (Gen., X X I, 33).

Dans tout le Ruanda-Urundi, on n ’effectue jamais la moindre représentation d ’êtres ou de choses ; semblable interdiction fut imposée aux Israélites (Deutéronome, V, 8, XVI, 21, 22).

Les Batutsi, une fois leur hutte achevée, y plaçaient, au sommet, une cruche en terre cuite, la signification de cet usage n’est pas expliquée ; il se retrouve chez les Juifs noirs d’Éthiopie, les Fallachas, qui déposent un pot d’argile rouge au sommet de leur synagogue. Chez les Batutsi, se couper les cheveux est un rite de purification qui est accompli notamment à la sortie du deuil ; on le retrouve chez les Israélites des temps bibliques (Nombres, VI, 9) et encore à présent chez les Juifs d’Éthiopie.

Les Batutsi ne peuvent manger de la viande de bovin et boire du lait en même temps ; chez les Juifs des temps bibliques, non seulement l’Exode (X X III, 19) prescrivait « Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère » ; mais en outre, les rabbins imposèrent l’usage d’ustensiles distincts pour la cuisson de ces deux aliments.

En principe, les Batutsi ne peuvent manger la viande de vaches crevées de mort naturelle, pareille interdiction se retrouve chez les Sémites dans l’Ancien Testament (Exode, X X II, 31 — Deut., X IX, 21). De même qu’au Ruanda-Urundi le bétail abattu doit être préalablement saigné avant d ’être débité, chez les Juifs cette obligation, inscrite dans la Bible (Deut., X II, 16, 23, 24, VX, 23), est toujours observée.

Les peines connues en droit coutumier du Ruanda-Urundi sont les mêmes que celles figurant dans l’Ancien Testament : bastonnade (Deut., XXV, 2), amende compensatoire (Exode, X XI, 22, 22 II, 16, 17) ; ni ici ni chez les Juifs, la prison n ’existait en qualité de sanction ; la peine de mort infligée au Ruanda-Urundi était bien connue des Juifs (Nom., I, 51, Deut., X X I, 22, 23, Lév., XXI, 9), toutefois, ici et chez les Israélites, la pendaisonn’était jamais pratiquée. Comme chez les Assyriens, les condamnés, au Ruanda-Urundi, pouvaient être soumis à la peine de l’empalement. Au Ruanda-Urundi, le voleur de gros bétail surpris en flagrant délit, de nuit, pouvait être tué sur place par le propriétaire, sans qu’il y eut meurtre punissable ; une conception identique se retrouve dans la Bible {Ex., X X II, 2).

Les Batutsi ont en horreur tout travail manuel et spécialement celui de la terre ; semblable dégoût est concrétisé par la Bible : Adam est « chassé du jardin d’Eden afin qu’il cultivât la terre» (Gen., III, 23), l’offrande du laboureur Caïn se composant de « fruits de la terre » est repoussée sans raison, celle du berger Abel est exaucée (Gen., IV, 8). Les Israélites considérèrent comme la pire des corvées le fait que le Pharaon leur fit accomplir de rudes travaux en argile et en briques et tous les ouvrages des champs » (Exode, I, 14). Chez les Galla, cousins des Batutsi, les artisans : forgerons, chasseurs et cordonniers sont mis au ban de la société.

Le corollaire immédiat de ce dégoût du travail chez les Batutsi du Ruanda-Urundi, consiste dans la nécessité d ’être servi par une nombreuse clientèle ; c’était également l’idéal souhaité par les pasteurs sémitiques : « avoir des serviteurs et des servantes en abondance » Gen., XX, 14, XIV, 35, XXX, 43, X X X II, 4).
L’absence de la circoncision chez les Batutsi loin d ’être un signe de non-rattachement aux Sémites prouverait au contraire leur origine prémosaïque ; de fait, c’est Abraham qui l’institua chez les Juifs (Gen., XVII, 9, 10, 12) après son arrivée en Afrique. Il est hors de doute que tous ses coreligionnaires n ’y adhérèrent pas. Aujourd’hui encore, les Nilotes ignorent cette coutume. Chez les Batutsi, pour épouser une femme, le jeune homme doit verser l’inkwano à son beau-père, celui-ci à son tour, lui remet en contrepartie, du bétail indongoranyo ; ces coutumes se retrouvent chez les Israélites des temps bibliques (Gen., XXIX) : le futur gendre devait verser une certaine somme môhar à son beau-père, par contre celui-ci remettait une dot sheriqtu équivalant ou surpassant le môhar.

L’héritier, chez les Batutsi, est en principe désigné nommément par son père, ce n ’est pas nécessairement l’aîné, mais le fils désigné en acquiert tous les droits avec le titre de chef de famille ; cette institution du droit d’aînesse se retrouve chez les Israélites {Gen., XXV, 21, 32, etc.).

La lune est l’objet de vénération et de représentation au Ruanda-Urundi. Lors de l’apparition de la lune, la Bible nous rapporte que les Israélites effectuaient une célébration extraordinaire : les Néoménies, en sacrifiant 2 taureaux, 7 agneaux, 1 bélier et 1 bouc pour l’expiation des péchés (Nom., X X V III, 11, 15). Les Sémites araméens adoraient le Dieu -Lune sous le nom de Shabar. Les Sémites arabes et les Musulmans en général ont pris le croissant de lune comme insigne national.

En nous parlant des anciennes mœurs de la cour mututsi au Ruanda, DE LACGER nous apprend ce qui suit :

«Quant au prince polygame, pas plus à lui qu’à eux (les chefs), femmes et concubines ne suffisaient à apaiser sa lubricité. Les pages ou éphèbes intore fils de ses grands vassaux, futurs chefs, danseurs occasionnels, remplissaient à volonté auprès de lui le rôle de Ganymède . La sainteté du foyer n’était même pas respectée : les enfants, filles et garçons, n’essayaient pas de se dérober aux caresses voluptueuses de leur père » ; nous savons d’après la Bible que les Juifs pratiquaient également pareilles mœurs que l’on appella depuis lors la sodomie (Gen., XIX).

Au Ruanda, lors de la fête du deuil dynastique annuel du mois de juin (gicurasi), un taureau d’expiation était sacrifié et son sang était recueilli dans un baquet en bois dans un but d’aspersions ultérieures. Le mwami se posant dessus, lui imposait ses péchés et ceux de son pays. Semblable sacrifice d’expiation à l’aide d ’un taureau se pratiquait chez les Israélites (Lévitique, IV).

Au Ruanda-Urundi, un bouc était employé pour s’assimiler le vice accompagnant la lance qui servit au meurtre, puis il était vendu à des étrangers qui de ce fait emportaient au loin la malignité attachée à l’arme. Le Lévitique nous a familiarisés avec le bouc émissaire chassé dans le désert avec les péchés du peuple (Lévitique, XVI, 21).

Au Ruanda-Urundi, les foudroyés sont considérés comme sanctifiés par le «roi d’en Haut» (umwami wo hejuru), il faut les désacraliser avant de pouvoir les enterrer ; nous savons par PIRENNE que les Hyksos introduisirent en Égypte le culte du Dieu -Ciel qui se manifestait par la foudre et l’orage.

Une fois les gages matrimoniaux versés au Ruanda-Urundi, si le mari vient à mourir, la femme est placée coutumièrement sous la protection de son beau-frère qui est en droit de la prendre comme épouse ; c’est la loi même du lévirat exposée dans la Bible (Deutéronome, XXV, 5, 10).

Il nous semble que ces matériaux nous permettent de conclure à l’origine sémitique asiatique des Batutsi-Bahima. Pareille conclusion a été posée pour les Foula, Foulani ou Filace (Haoussa), Foulbe (Manding), Poullo, Poular (Sénégal) et les Fellatta (Acamoua) ou Peuls par DELAFOSSE et DE PEDRALS. Monseigneur GORJU qualifie le Mututsi-Muhima de Sémite chamitisé ou négroïde. Pour BAUMANN, les « Chamites » orientaux sont de purs pasteurs dont la parenté avec les sections nomades sémites n ’est pas méconnaissable ; il ajoute que les Abyssins proprement dits sont des Sémites. Enfin MERCKER avait soutenu dans son ouvrage sur les Massai la thèse de l’origine sémitique de ce peuple et la survivance dans son folklore de traditions et de croyances du Pentateuque. Or tous ces peuples sont, à l’origine, de la même race et de la même civilisation que les Batutsi qui nous intéressent. MOELLER considère les Batutsi-Bahima comme des peuplades d’origine sémito-éthiopienne.

V. L’origine lointaine serait asio-africaine.

L’origine des pasteurs d’Afrique devrait se retrouver au sein de la race asio-africaine témoignant d’une réelle continuité avec les peuples dolichocéphales de l’Asie méridionale dont le type central du nord de l’Inde, nous dit MONTANDON, est l’Indo-Afghan dont la majorité des auteurs font une division raciale blanche indépendante ; il s’agit d ’un type à stature élevée, c’est même le type le plus grand de l’Inde, certains groupes offrant une moyenne de 1,75 m.

L’immigration en Abyssinie de Sabéens sémites a été un apport de sang étranger mi-partie orientale, mi-partie en provenance de l’Asie mineure. Les éléments Noirs n’arrivent que de chez les Nilotes du sud-ouest (Chimi, ras, etc.) et du sud-ouest (Chagalla, Yambo, Auwak),ils y étaient amenés surtout par la traite des esclaves. Les Éthiopiens ne sont pas des Nègres ; à part la couleur, ils ont les types purs, les caractères anatomiques des Blancs.

Chamites et Sémites sont des types ayant une origine qu’ils puisent dans le substrat indo-européen. Il ne doit donc pas nous étonner si nous trouvons encore, à l’heure actuelle, aux Indes notamment, des populations de pasteurs qui somatiquement et culturellement sont semblables aux Batutsi qui nous intéressent.

C’est le cas notamment des Kara-Kirghizes des monts Tian-Cham et du Pamir, qui sont des pasteurs nomades habitant des tentes rondes, pratiquant l’élevage des bœufs et surtout d’une grande quantité de moutons.

C’est surtout le cas des Todas, classés parmi les Blancs d ’Asie. Ils habitent le plateau des Nilgherries, à 2.000 mètres d ’altitude ; ils sont classés dans un groupe allophyle. De taille élevée (1,70 m en moyenne), leurs cheveux sont noirs, assez fins, lisses et à peine ondulés, ils ont le teint clair et les yeux bruns, leur crâne est très dolichocéphale et les traits de leur visage sont de la plus grande régularité, le nez, assez fort est droit et saillant. La bouche est bien dessinée et, seul, le menton est assez lourd. Drapés dans une vaste pièce d ’étoffe qui, chez l’homme, descend jusqu’au mollet, et chez les femmes jusqu’aux pieds, ces montagnards ont vraiment belle allure. Les Todas, essentiellement pasteurs, se préoccupent davantage de la santé de leurs buffles que de celle de leur propre personne. Malgré l’abondance du gibier, les Todas ne se livrent pas à la chasse. Ils n’ont d’ailleurs aucune arme, ni lance, ni sabre, ni arc. Les Kotas et les Budagas, dravidiens voisins, les reconnaissent comme propriétaires du sol et leur paient la dîme en grains.

Les Todas eux-mêmes ne font aucune culture. En dehors des grains fournis par leurs tenanciers, ils ne consomment habituellement que du laitage, des racines et des fruits sauvages. Il leur répugne de tuer un animal de leurs troupeaux. Une fois seulement par an, ils sacrifient suivant certains rites, un jeune veau qui fait les frais d’un festin dont les femmes sont exclues. Tout ce qui touche au bétail a un caractère sacré.

VI. APERCU DE QUELQUES INVASIONS SEMITIQUES D’AFRIQUE.

L’attention doit être retenue tout spécialement par l’invasion des Hyksos en Égypte parmi lesquels CONTENAU voyait un mélange de races : Sémites, Mitanniens, Hittites ; par contre MONTET s’y refuse et n’y trouve que des Sémites : Amou, Chasou, Mentiou. C’est l’invasion des « rois pasteurs », à la suite desquels les grands patriarches israélites s’introduisirent en Égypte, et au sujet desquels la Bible nous donne des renseignements de première main.

Pendant trois siècles, les migrations aryennes s’étaient répandues en Asie sans déborder sur l’Égypte. Sur la frontière orientale du Delta, une pression de plus en plus dure était exercée par les nomades que le mouvement général des peuples poussait vers le sud. Vers 1800 l’Égypte fut obligée de s’ouvrir aux tribus qui amenaient avec elles des troupeaux. C’est le moment où les Juifs, avec JACOB, durent s’installer à la lisière orientale du Delta dans des contrées semi-désertiques que le pharaon faisait coloniser par les réfugiés qu’il accueillait. En 1710, épuisée, l’Égypte céda ; l’invasion déferla sur le Delta ; une multitude de peuples de races diverses, sous une aristocratie militaire, se jeta à la curée de ses richesses.

Pour la première fois depuis le règne de MEMES, la vallée du Nil subit la ruée des barbares. L’invasion des Hyksos en Égypte marque le point culminant de leur expansion.

Leurs rois s’égyptianisèrent. Les envahisseurs se fondaient dans les peuples de civilisation supérieure qu’ils dominaient. Ils avaient apporté avec eux leurs dieux ; leur Dieu- Ciel notamment qui se manifestait par la foudre et l’orage ; il se confondit avec BAAL en Syrie et avec SETH en Égypte. En Égypte et en Syrie, les Hyksos abandonnèrent leur langue pour celle de leurs vassaux et s’adaptèrent à leurs mœurs. Et petit à petit, se désagrégea l’armature militaire jetée par-dessus l’Asie antérieure. Elle s’effondra finalement en 1580 av. J .- C . lorsque la monarchie égyptienne restaurée rejeta la suzeraineté des rois Avaris et s’empara de leur capitale. L’empire Hyksos, détruit en Asie occidentale, se réduisit à l’État mitannien.

Il est raisonnable de penser que les Israélites, en se multipliant, ne s’en tinrent pas au seul pays de Gosen qui leur avait été assigné à l’origine par le Pharaon (Genèse, XLVII, 5), mais qu’ils essaimèrent dans toute l’Égypte pour le moins ; aussi, devant l’invasion déclenchée par la Lybie, il est à croire qu’ils ne regagnèrent pas tous la Palestine, mais que beaucoup d ’entre eux émigrèrent vers le sud, le sud-est et le sud-ouest. Plus tard, d ’autres revinrent en Égypte ; ce retour est consigné dans la Bible (Livre de Jérémie, X L III, 5, 7). Des moines construisant un réservoir à Marian Hill, près de Durban, ont mis à jour une pièce de monnaie hébraïque du règne de Simon MACCABEE (146, 143 avant notre ère), portant : « 4me année de la délivrance de Sion ».

L’Éthiopie fut le point de mire de nombreuses invasions sémitiques (2).
1) En 1776 av. J.-C., le chef Hyksos A g a z i (d’où vient le nom de la langue Guèze) s’emparait du Tigré et montait sur le trône d ’Aksoum, sous le nom d ’AROUÉ-MEDER (le serpent qui dévaste la terre) ;
2) En 1400 av. J.-C., des tribus de Palestine, donc des Sémites, vaincues par Josué, font invasion dans le pays ;
3) Vers le XVe siècle av. J.-C., trois mouvements d’émigration arabo-sabéenne se déroulent, ce sont les Adites du Yemen (Kouchites) chassés de leurs terres par les Sémites Iotanides ;
4) Au X e siècle av. J.-C., nouvelle vague juive en Égypte avec J é r o b o a m qui y demeure jusqu’à la mort de S a l o ¬ m o n (I Rois, XI, 40). C’est ici que se place l’entrevue de la reine de Saba avec le roi S a l o m o n dont serait né le premier roi éthiopien M é n é l i k ;
5) Au V IIe siècle av. J.-C., une grande invasion sémite se répand en Éthiopie et donne naissance au peuple des Juifs noirs (Fallachas) ; 6) Invasions arabes et yéménites pré- et postislamiques.

Tant en Nubie qu’en Éthiopie, les invasions étrangères ont repoussé devant elles les autochtones du pays qui étaient des Nègres.

D. ORIGINE IMMEDIATE

De grands dolichocéphales rappelant les Bahima qui nous intéressent ont habité l’Afrique orientale depuis des temps immémoriaux, cela résulte des hommes fossiles qui ont été découverts à Oldoway, Nakoura, Elmenteita, Bromhead et Eyassi.

On admet que les « Kamites », venus de l’Arabie du Sud par le détroit de Bab-el-Mandeb, sont en Afrique depuis quelques milliers d’années avant notre ère. Comme nous l’avons vu, le plateau éthiopien fut envahi à plusieurs reprises par des peuples sémitiques venus d ’Arabie se mêlant à la race préexistante (nègre), ils occupèrent d’abord le pays de l’Erythrée au Nil Bleu puis dépassant ce fleuve au sud, ils se répandirent en formations serrées jusqu’au Harrar. Les Tigréens et Ahmara (Godjam, Choa) sont les descendants de ce mélange. Ahmara est l’adjectif arabe désignant la couleur rouge, ce terme désigne aussi une tribu d ’Éthiopie d’origine sémitique. Cette immigration de Sémites venus d’Arabie méridionale avant notre ère est confirmée par BAUMANN. De la fusion de ces Sémites avec les Nègres abyssins, résulta une race nouvelle qu’on appela « éthiopienne ».

Parmi les « Chamites » orientaux d’Éthiopie, les caractères craniaux offrent généralement une certaine analogie et doivent être considérés comme d’anciennes variations d ’une même souche originelle. Cela est aussi vrai de la face, pour une bonne part, car sauf métissage nègre, elle n ’est jamais prognathe, le nez est droit ou aquilin quand il y a introduction de sang arménoïde, les lèvres sont souvent épaisses, mais jamais éverties comme chez les Nègres, le cheveu est souvent crépu, mais parfois ondulé ou presque droit, la barbe est généralement maigre, la couleur de la peau varie, elle peut être jaunâtre, cuivrée, rouge-brun, présentant tous les échelons entre café au lait et noir, selon le mélange des sangs. Le pastoralisme est l’élément dominant toute civilisation « chamitique ».

Au point de vue des groupes sanguins, les Batutsi se rapprochent des populations orientale et septentrionale telles que celles de l’Erythrée, les Tebule Schluh, ils se rapprochent également de certaines peuplades bantoues de l’Afrique méridionale comme les Inyambe du Mozambique ou les Tchopi. L’ensemble des caractères métriques et descriptifs les situe immédiatement dans la race éthiopide sur un pied d’égalité avec les Somali.

Notons que chez quelques rares Batutsi, les cheveux au lieu d ’être crépus sont ondulés et presque lisses ; cette forme porte une dénomination spéciale : imisatsi y’irende (les cheveux qui glissent). 14 % seulement des Somali ont les cheveux crépus.

Au cours de leur envahissement du plateau éthiopien et au fur et à mesure que les immigrants s’avancèrent vers le Nil, ils se nigritisèrent.

On pense en effet que la population aborigène de l’Éthiopie a été nègre à l’origine. Si cela est exact, il est possible que leurs débris doivent être cherchés parmi les Négroïdes, inférieurs et chasseurs, répandus sur une bonne partie de l’Abyssinie et connus, par les Galla et les Abyssins sous le nom de Ouat (Ouaïto), par les Kaffetcho sous celui de Mandjo. De toute façon, il faut admettre que les «Kamites » ont pénétré dans la région à intervalles irréguliers au cours d ’une longue période de temps avant notre ère. Le résultat en est que les habitants actuels de l’Abyssinie sont principalement un mélange de « Kamites » et de Nègres, comportant peut-être 80 % de sang « kamitique ». Les Abyssins proprement dits peuvent être définis comme des Kouchites sémitisés, par opposition aux Kouchites plus purs du nord (les Bogo, etc.), du centre (les Agaou) et du sud (les Kaffetcho, les Ouallamo, etc.).

Arrivés dans la vallée du Nil, puis la remontant, les pasteurs d ’origine asiatique métissés en Éthiopie se dirigèrent vers la région du Haut-Nil. Ils y rencontrèrent les grands Nègres nilotiques avec lesquels ils se métissèrent.

Le Nègre campestre qui s’est élaboré sans doute en Afrique vers la fin des temps paléolithiques, au Mésolithique et au Néolithique, de façon générale de grande taille (1,75 m et plus), assez souvent dolichocéphale, mais parfois mésaticéphale, sous-brachycéphale, voire brachycéphale, a les traits assez affinés et la peau noire. On le trouve aujourd’hui surtout dans la savane, du Nil au Chari et au Sénégal. Le Nègre de taille supérieure de l’Abyssinie et de l’Afrique orientale a absorbé, en dehors des Nègres de taille inférieure, des Paléonégrides et des Nègres paléotropicaux, des éléments europoïdes, d ’origine africaine ou d ’origine asiatique.

Le Nègre nilotique, groupe somatique de la sous-race nilocharienne, est appelé par JOHNSTON et par CZEKANOWSKI kamito-nilotique. Cela signifie que le Nilotique a été influencé dans son sang par le «Chamite ». C’est juste pour quantité de peuples relevant du type nilotique. Il y a de véritables produits de métissage du dit « Chamite » avec le Nilotique, comme les Latouka, les Tourkana (à l’occident du lac Rodolphe), les Ghimirra au sud-ouest du plateau éthiopien, les Baréa et les Kounouna au nord de l’Abyssinie.

Il existe un complexe nilotique, celui-ci ne fait que mettre en lumière le métissage entre les pasteurs «Chamites » orientaux et les agriculteurs à civilisation paléonigritique ; les résultats de ce métissage sont surtout nets sur le Haut-Nil, mais il y en a eu une extension tardive à l’ouest jusqu’au Togo du nord, et au sud jusque chez les Hérero et les Zoulou. D’après SCHILDE, on n ’apercevrait clairement les résultats de ce croisement entre « Chamites » et Nigrites que là où l’on retrouve des migrations récentes de Nilotiques.

Les Nilotes sont négroïdes, et culturellement beaucoup plus « chamitiques » que Nègres : ils sont essentiellement pasteurs. Leur pastoralisme extrême a sa réponse dans la considération quasi-religieuse qu’ils ont pour le bétail qui n’est pas tué pour sa chair sauf à l’occasion de certaines cérémonies. Les Nilotes vivent de lait et de céréales.

La lance large est l’arme typique des Nilotes, les Dinka des marais et les Nouer sont de grands chasseurs d’hippopotames. Parmi les reliques de la famille régnante du Ruanda, existent de ces grandes et larges lances, le fer de l’une d’elles ne mesure pas moins de 80 centimètres, celle-ci est identique à celle des guerriers Shilluk. Le souverain des Shilluk résidait à Fachoda, de son vrai nom Kodok. Les Shilluk avaient la coutume de tuer leur roi dès qu’il montrait quelque symptôme de maladie et un certain degré de sénilité, estimant que ces déficiences pourraient se transmettre au bétail, aux cultures et aux hommes ; le même sort attendait les faiseurs de pluie. Au Ruanda-Urundi on admettait que le mwami et sa mère, devenus vieux, se suicidassent.

Pour VAN DER KERKEN, les conquérants batutsi sont probablement d’origine nilotique, peut-être même Shilluk. Or, d’après SELIGMAN, nous savons que les Shilluk sont de grands dolichocéphales très noirs, d’une stature moyenne de 1,78 m et d ’un indice céphalique d’environ 72 ; cet auteur ajoute que l’élément « chamitique » est le plus fort chez les Shilluk : beaux traits front modelés, lèvres minces, nez muni d’un pont élevé. Signalons enfin que les Shilluk sont essentiellement pasteurs, qu’ils manifestent une réserve et un orgueil de race peu ordinaire, que les femmes ne peuvent pas s’occuper du bétail durant leur vie sexuelle, qu’ils ont une organisation patrilinéaire de clans à totem, qu’ils ont des faiseurs de pluie et un grand chef, le Nemi, nom dans lequel nous voyons la racine du mot mwami (roi) ; toutes caractéristiques que nous retrouvons au Ruanda-Urundi.

Historiquement, les pasteurs africains sont connus de longue date. Une stèle placée à Assouan par SESOSTRIS III, vers l’an 2.000 av. J.-C., interdisait l’entrée de l’Égypte aux Noirs accompagnés de leurs troupeaux. Des hommes de haute taille résidant dans la vallée du Nil sont signalés, avant l’ère chrétienne. Vers 500 avant J.-C., Cambyse, d ’après Hérodote (III, 17, 85, 97) envoya une expédition pour découvrir les sources du Nil, où habitaient « les plus beaux et les plus grands hommes à la peau luisante et brillante ». COSMAS, un moine égyptien, décrivit en 547 de notre ère, le commerce des bœufs fait de son temps avec les régions équatoriales.

Par un document en grec, gheez et sabéen (la langue du Yemen), le roi d’Éthiopie, AIZANAS, qui régna au IVe siècle de notre ère, nous apprend qu’il descendit le Nil bleu, entra au pays des Nubiens rouges. Ce document fait la distinction entre les hommes rouges et les hommes noirs ; les premiers constituent la population « chamitique » originelle qui établit la civilisation méroïtique, les seconds sont des Nègres nilotiques qui commençaient déjà à s’infiltrer dans ces régions. Dans la Nubie septentrionale, la population originelle paraît être restée sans changement ; dans le sud, les deux populations vivaient côte à côte, les « Chamites » civilisés dans des villes de pierre, les Nègres dans leurs villages de chaume.

La conquête de l’Égypte par les Arabes musulmans en 640, semble avoir déclenché chez les pasteurs de la vallée du Nil, un vaste mouvement de fuite : les uns, comme les Peuls partirent vers l’ouest, tandis que les autres que nous appelons maintenant Bahima se dirigèrent vers le sud. D’autres raisons ont pu influer sur ces migrations : surpeuplement, dessèchement, manque de pâturage dû à l’overstocking, épizooties, épidémies.
On mentionne encore l’existence de « Négro-Chamites en Enarnya et au Kaffa en Ethiopie ; ils furent christianisés sous le règne du roi SARSA DENGEL (1563-1597).
On a parfois prétendu que les Batutsi-Bahima étaient des Galla émigrés ; toutefois, Mgr Gorju , tandis qu’il était Père Blanc en Uganda, écrivit que la langue kiganda n’a rien pu fournir : ni un mot, ni une racine galla ne sont entrés dans les dialectes bantous que parle aujourd’hui le « Chamite ».
A cette première constatation d’ordre négatif, Mgr Gorju en ajouta une autre plus péremptoire encore:
« les conquêtes de MOHAMED GRAGNE , en 1537, sur le plateau abyssin, n ’ont pas amené les Baganda sur nos plateaux ; partant, il n’est plus nécessaire de faire d’eux des Galla, on aura encore moins d’idée de rattacher à cette époque ce gros événement de l’invasion musulmane, la descente du Muhima pasteur sur ces terres de pacage : il les occupait de fait bien avant ».

Rien ne prouve en effet que les Batutsi-Bahima soient des Galla émigrés dans la région des Grands Lacs. Les Galla apparaissent dans l’histoire du XVe siècle, occupant la rive méridionale du golfe d ’Aden et poussant vigoureusement vers l’ouest, mouvement qui fut facilité par les invasions d ’Abyssinie de Mohamed Gragne ; les Galla tendirent à suivre ses traces et à occuper les territoires qu’il avait dévastés. A part la couleur de la peau — qui varie beaucoup : les Borana (sud de l’Abyssinie) étant plus clairs, les Ouallaga (ouest de l’Abyssinie) et les Ittou (centre est de l’Abyssinie) étant plus foncés — les Gallas sont décrits comme présentant un type physique remarquablement uniforme : ils sont plutôt trapus, mésocéphales, avec un front élevé et large et des traits réguliers.

C’est donc vers l’Éthiopie et même ses plateaux centraux que les Galla dirigèrent leurs migrations ; excellents cavaliers, ils conduisirent leurs incursions avec une grande rapidité, pillant et détruisant tout sur leur passage.

Leur danger futsigrand qu’après deux siècles de conflits (1330-1577), les Chrétiens et les Musulmans renoncèrent à la lutte pour unir leurs efforts contre les Galla. Arrivés à l’ouest et stabilisés au centre de l’Abyssinie, ils furent soumis à des influences chrétiennes et adoptèrent l’agriculture et la culture abyssine à la charrue. Ils représentent l’unique groupe de « Chamites » orientaux purs.

En conclusion, rien ne prouve que les Batutsi-Bahima, ceux-ci étant d ’ailleurs appelés Bantous par SELGMAN, soient des Galla : les migrations de ces derniers n ’ont pas atteint le cercle des Grands Lacs. Aux points de vue linguistique, somatique et culturel, ils sont d’ailleurs considérablement éloignés des Noirs qui nous intéressent. Au contraire, Galla et Batutsi diffèrent fortement et sont aux extrêmes de la gamme de variation de la race éthiopide.

Que les expansions islamiques de ce millénaire aient eu une influence à des époques répétées sur les migrations indigènes, c’est un fait indiscutable. Vers 1400 notamment, l’Islam se répand à l’est et à l’ouest du lac Tchad, et la poussée des Arabes fait refluer vers le sud de nombreux groupements nègres nuba du Kordofan, soudanais, nilotiques et nègres « chamitisés ».

Des populations nilotiques (Bahima, Alur, Kakwa, Fatshulu, Bari) ont envahi, à des époques plus ou moins récentes, la région du nord-est du Congo belge. Les Shilluk, habitant la région du Bahr-el-Ghazal ont émigré sous la pression de leurs voisins, vers 1600-1650, en direction de l’ouest, du nord-ouest et du sud. Aux émigrants du sud se rattachent les Bahima et les Alur. Les Banyoro ou Alur sont des Nilotiques, apparentés aux Shilluk (Shilluk proprement dits, Shatt, Djur ou Luo, Jaluo, Annuak ou Anywak, Acholi), dont ils parlent un dialecte ; ils sont venus du nord (pays du Nil et du nord du lac Albert) après les Bahima et les Batutsi. Ils ont pénétré au Congo belge, à l’ouest du lac Albert, vers 1600. Ils étaient pasteurs et élevaient du gros bétail comme les Bahima et les Batutsi. L ’on trouve des noyaux de population bahima le long des lacs Albert et Édouard, à Blukwa (immigrés vers 1750), à Geti (immigrés vers 1850), au nord-est d ’Irumu, dans la vallée de la Semliki, au nord-ouest du lac Albert, au Binza et à l’Itembero (Rutshuru), soit environ 62.000 habitants (2). Leur parenté avec les Bahima-Batutsi du Ruanda-Urundi est établie : non seulement il y a unité linguistique et culturelle, mais en outre on retrouve certains noms claniques identiques. En Uganda et au Karagwe notamment, on trouve des clans porteurs du même nom : Bashambo, Bega, etc., que ceux des Bahima et des Batutsi du Ruanda-Urundi.

La vague « chamitique » est arrivée encore plus au sud. Poussés probablement par l’invasion des Nilotes dans le Bunyoro et par le renforcement de la couche des Noirs dans l’Uganda, les Bahima ont dû émigrer en grande partie. Ils ont fondé les dynasties Hinda dans les pays de l’Ankole, du Karagwe, du Kiziba et de l’Usindja ; il est probable que ce fut antérieurement à cette époque que les Batutsi, une autre branche des Bahima, ontconquis les pays de montagnes au sud-ouest dans le Ruanda, l’Urundi, et le Buha. Les pasteurs éthiopiens ont même pénétré au-delà de l’Udjiji jusqu’à l’Ufipa ; ils y dominent tout le peuple Bafima sous le nom de Batwaki. Les tribus du nord-est du Bunyamwezi durent aussi se soumettre à des conquérants Bahima. Ces groupes du sud se sont tenus beaucoup plus strictement à l’écart des planteurs noirs et la race est restée plus pure que chez les Bahima du Bunyoro et surtout de l’Uganda.

Les Bahima marquent partout une singulière faculté d ’adaptation aux langues des pays où ils résident : ils parlent la langue nilotique des Alur, puis celle, soudanaise, des Walendu, ensuite la langue bantoue des Banande et enfin les différents dialectes bantous parlés aux Grands Lacs. Ils se métissèrent et se bantouisèrent au contact des Nègres paléotropicaux. Sous quelle dénomination raciale faut-il intituler les Batutsi-Bahima qui nous intéressent ?

L’Encyclopédie du Congo belge les intitule Bantous. Au Ruanda-Urundi ils parlent le kinyarwanda et le kirundi ; et s’il existe un milieu où l’on se pique de parler un langage bantou raffiné, c’est bien le milieu mututsi. Le grand ethnographe Seligman, professeur d’ethnologie à l’Université de Londres, intitule également Bantous les Bahima qui nous intéressent.
SELIGMAN ajoute : les « Demi-Chamites » doivent être définis comme étant des Négroïdes parlant des langues chamitiques, pasteurs de façon prédominante ; leur domaine, considéré dans son étendue la plus extrême, va du voisinage du lac Rodolphe, dans le Kenya, au nord, jusqu’au 5° ou au 6° de latitude sud, dans le Territoire du Tanganika.

Comme on le remarque, les Batutsi et les Bahima ne sont donc pas compris parmi ce que le professeur Seligman intitule les Négroïdes demi-chamites, c’est donc un non-sens de qualifier ces Noirs, comme on le fait si souvent, de « Hamites », qualité qu’ils ont perdue, s’ils l’ont jamais eue, dès leur arrivée en Abyssinie par suite des métissages avec les Négroïdes qu’ils y rencontrèrent. Comme à l’heure actuelle nombre d’auteurs admettent que les populations qui envahirent l’Éthiopie en venant de l’Arabie n’étaient pas des Chamites, mais bien des Sémites, nous intitulerons les Batutsi et Bahima des Grands Lacs Pasteurs bantouisés d’origine sémitique, et nous les considérerons comme étant de souche différente des véritables vieux bantous, paléonégrides tropicaux, Bahutu du Ruanda-Urundi.

Selon les renseignements qu’il recueillit en Uganda, Mgr Gorju fait remonter au XIe et au XIIe siècles, la fondation du plateau interlacustre, date qu’il recula au Xe ou au XIe siècle par après. Le centre de cet empire était le Mwenge-Bugangadzi à l’est du Toro actuel ; le Kitara englobait le Bunyoro, une partie du Toro et de l’Ankole. Il était donc à moins de 200 kilomètres à vol d’oiseau du Ruanda-Urundi, et, en conséquence, rien ne peut nous empêcher de croire que dès cette époque, le Ruanda-Urundi était tout au moins partiellement occupé et que des pasteurs bahima auraient déjà pu y avoir fait leur apparition comme ils le firent au Kitara, où ils auraient régné d ’abord sous le nom clanique de Basita, nom qu’on retrouve d’ailleurs encore au Ruanda-Urundi à l’heure actuelle. Selon Moeller , le Kitara aurait été gouverné par des « Chamites » Bacwezi, semi-légendaires, jusqu’au XIV e siècle, date à laquelle les Babito-Bakedi (Chamites ou Nilotiques) les évincèrent en les refoulant vers le sud, où, nous assure-t-on, on les retrouve sous l’appellation de Bahima-Batutsi. Le Kitaracomportait déjà, comme au Ruanda-Urundi, trois classes : des Bahima pasteurs, des Bahera agriculteurs et artisans assujettis, et des Batwa. Mgr Gorju donna finalement la chronologie suivante des migrations.

1. Au Xe ou XIe siècle, un peu plus tôt, un peu plus tard (car la chronologie du royaume de Buganda, la seule sérieuse, ne nous donne pas un point de repère suffisant), première étape des «Chamites » sur le plateau interlacustre. Donc fondation du royaume de Kitara bien connu des Anciens. Sa place, son centre : le Mwenge-Bugangadzi, à l’est du royaume actuel du Toro, flanc oriental du Ruwenzori ;

2. Au début du XIV e siècle, prise du pouvoir par le clan des Bacwezi et agrandissement de l’empire hamite. Les Baganda datent, avec toute vraisemblance, l’arrivée de Kintu, leur fondateur, de cette époque. Le Buganda des premiers âges est un rien, du point de vue population et territoire ; il n’est pas pasteur ou, s’il le fut, il ne le resta pas longtemps. Les « Chamites » se tiennent à distance et le Buganda des débuts ne se prête nullement à l’élevage ;

3. Au XVIIe siècle, fin, par émigration, du royaume «chamite» de Mwenge-Bunyoro (Kitara). LesBakedi, des sauvages du nord-est, prennent la place des « Chamites », et s’unissant à ceux laissés sur place, donnent naissance au royaume mubito, lisez métissé de « Chamites », du Bunyoro. Le gros des « Chamites », chefs en tête, descend au sud et s’installe au Bwera-Mawogola, à Ntusi. Leur capitale est dans les ruines des anciennes mines d’or adossées à la Katonga ;

4.Au XVIIIe siècle, RUHINDA « Chamite » mucwezi, fils de WAMALA , quitte la Katonga, le Ntusi, et se dirige vers le sud où il fonde les royaumes « hamites » (Hinda) du Ihangiro, de l’Usinja, du Karagwe, du Nkole, du Ruanda, de l’Urundi, de l’Uha ou Buha. Une immigration partielle des pasteurs dans l’Urundi, par l’est, ce qu’on appelle le Bweru, semble bien remonter à cette date. Leurs clans sont les mêmes que ceux du Ruanda. Les « Chamites » ont donc fondé la dynastie du Ruanda et celle de l’Urundi, Ils sont venus là par le nord-est, c’est-à-dire par le Mpororo anglais, le Ndorwa, le Buganza jusqu’au Nduga (Nyanza) pour de là passer la Kanyaru et occuper l’Urundi.

Cette hypothèse de Mgr Gorju adoptée comme article de foi par de nombreux auteurs, appelle un examen critique.

1) Supposons que la création du royaume du Kitara remonte au Xe siècle : aucun élément ne nous permet d’infirmer ce postulat, attendu que depuis des millénaires, pasteurs, Nègres et Pygmées se trouvaient établis dans la vallée du Nil ;

2) Rien ne prouve que les Bacwezi aient été des Bahima, ils apparaissent au contraire en qualité de paléonégrides tropicaux. Pour affirmer qu’ils étaient Bahima, Mgr Gorju sans apporter aucune preuve d’ordre ethnographique, ethnologique ou anthropologique, s’est contenté d’un seul argument ad hominem : « les Bahima sont des « Chamites » et disent que les Bacwezi le sont aussi ». Non, les Bacwezi ne semblent pas avoir été des Bahima pasteurs, mais de simples Bantous : ISAZA , grand’père de NDAHURA, inaugurateur des Bacwezi, était un patriarche muntu du Bunyoro ; son fils ISIMBWA, qui apparaît à Kisozi sur la Katonga au Toro, est chasseur ; enfin, Ndahura lui-même, ainsi que l’indique son nom : le déracineur, est un cultivateur bantou, défricheur de forêt, il cultivait de l’éleusine qu’il troqua, durant une période de famine, contre le tambour des dirigeants Bahima -Basita du Kitara, croyance puérile qui n ’a pu germer que dans l’esprit de naïfs bantous, car, que pouvait bien faire un pasteur avec un peu d ’éleusine que l’on n ’emploie guère qu’au titre d’adjuvant lors de la fabrication de bière de sorgho bue par les cultivateurs bahutu. IBONA, frère de Wamala, était chasseur, MUGASA était pêcheur à l’île Sese, en plein lac Victoria ; notons enfin la présence d’une servante NYABUZANA et d’un gardien de bétail KAGOLE au service de ces Bantous. Toutes ces professions et états sont du plus pur bantou ; quel est le pasteur qui se reconnaîtrait dans la personne de ces chasseurs, agriculteurs et pêcheurs ?

En fait, les Bacwezi auraient vécu en qualité de patriarches ayant chacun son ressort distinct : Ndahura au Mubende (Bugangayizi), KYOMYA au Mikenzi, MUGENYI au Bwamangayizi, MULINDWA au Buyaga, KIRO et MUJENJE en Isingo, et Mugasa à l’île Sese. Il n’y a donc pas eu de royaume mucwezi unifié. Ce seraient les Bahima qui auraient déifié les Bacwezi ; cette affirmation n’est pas prouvée. Au contraire, le culte manistique est propre au fonds bantou avec comme corollaire celui des héros locaux (Ndahura n’a-t-il pas combattu en direction de tous les points cardinaux, vraisemblablement les Basita) qui sont élevés au rang d’esprits divinisés. Comme le fait justement remarquer Baumann, l’assujet¬tissement des vaincus à la suite de guerres, a entraîné un culte des héros de clan et un polythéisme dans lequel les divinités supérieures, ou mânes des cultivateurs vaincus, sont devenues les dieux des morts. Nous possédons au Ruanda, un exemple parfait de ce cas, c’est celui de MASHYIRA, l’ancien patriarche muhutu des Babanda, vainqueur des forgerons Barenge, premiers, occupants du pays ; Mashyira fait maintenant partie des Imandwa du Ruanda et on l’invoque comme intercesseur auprès de la divinité Ryangombe. Au contraire, s’il existe un milieu où le culte des ancêtres est inexistant ou relâché, c’est bien celui des « Chamites » où l’on croit plus à la métamorphose du mort sous la forme de lions, léopards, serpents et grenouilles. Lorsque nous voyons que le clan à patriarcat, ainsi que les mythes, la religion des esprits divinisés et des mânes l’emportent, nous reconnaissons qu’en fait, les Bantous que la chose concerne, sont porteurs d’éléments paléonigritiques. Le culte des esprits divinisés des Bacwezi existe toujours, on le retrouve jusqu’en Unyamwezi sous le même nom : waswezi. On rencontre encore à l’heure actuelle le nom de Bacwezi parmi des clans Bahima des Grands Lacs notamment en Ituri ; les descendants des Bacwezi se sont donc métissés aux pasteurs. Au Katanga l’on trouve une confrérie de danseurs Bashweji rendant un culte aux mânes des ancêtres.

Rien ne nous prouve que les Bacwezi aient constitué un règne, leur apparition commencée avec Ndahura, s’est éteinte dès la seconde génération avec Wamala, etc ; pour le reste, on va même jusqu’à affirmer qu’aucun d ’eux n’est mort dans le pays, les Batoro ayant fait disparaître les éphémères Bacwezi dans les volcans. Si les Bacwezi ont été contemporains de l’arrivée de Kintu au XIVe siècle, ils n ’ont évidemment pu disparaître au XVIIe puisque leurs représentants ne s’étendent que sur deux générations.

3) Notons en ce qui concerne les points 3) et 4) que Mgr Gorju s’exprimait comme suit précédemment :
« Milieu ou fin du XVIIe siècle, disparition des Bacwezi, fin du royaume galla (?) de Kitara et son remplacement par le royaume mukedi des Babito ; fondation par Ruinda fils du Mucwezi Wamala, des royaumes du sud du lac (Victoria) ; puis par ricochet, du Nkole».

La version de 1938 est différente. Les Babito Bakedi sont originaires du Toro et non du Bukedi, ce sont des autochtones. Seule la personnalité de Ruhinda retiendra notre attention. On ne peut comprendre comment le « Chamite Mucwezi » Ruhinda vivant au XVIIIe siècle, date que l’auteur se résigna à prendre suite aux contradictions concernant la généalogie des rois de Ankole, a bien pu être le fils de Wamala qui vécut à une époque contemporaine de Kintu, c’est-à-dire au XIVe siècle? Outre cet anachronisme, relevons la discordance qui existe entre les totems respectifs ; celui de Wamala est le lait busto tandis que celui des Bahinda est le singe inkende, et le totem des ancêtres de Wamala, d’ISAZA, du clan des Bagabo, était la grue huppée, la genette, la queue de vache nkira et la galette de cire magabo.

D’autre part, en 1920, Mgr Gorju signalait que l’on était redevable à Ruhinda des royaumes de l’Usinja, Ihangiro, Urundi et Karagwe qui eux-mêmes auraient donné naissance au Kiziba, Ukerewe, Ufipa et au Nkole. Comme on le voit, le Ruanda est absent de cette création, vraisemblablement à cause de la généalogie trop longue des bami qui la rendait incompatible avec une création au XVIIe siècle. Néanmoins, Mgr Gorju, en 1938, cite le Ruanda comme l’œuvre de Ruhinda. Il apparaît difficilement probable que Ruhinda, à supposer qu’il ait existé, fût le créateur d’un empire quatre fois plus grand que la Belgique ; d’ailleurs, ni la généalogie des bami du Ruanda ni celle de l’Urundi ne s’en réclament.

Il est inexact que les « Chamites » du Ruanda arrivés au Nduga (Nyanza-Ruanda) soient partis de là pour passer la Kanyaru et fonder l’Urundi : aucun lien de parenté n’unit la famille régnante du Ruanda à celle de l’Urundi, celle-ci étant même incapable de citer le nom de son clan originel.

Il nous semble que l’expression Ruhinda wa Wamala n’est pas à prendre dans son sens littéral de Ruhinda (fils) de Wamala mais bien dans celui de Ruhinda (ayant vécu au temps) de Wamala; c’est une manière courante de s’exprimer chez les indigènes lorsqu’ils veulent nous indiquer qu’ils sont nés sous le règne de tel ou tel mwami: «Ndiuwa Kigeri ; je suis du temps du mwami Rwabugiri-Kigeri ». Si Ruhinda a vécu à l’époque des Bacwezi, c’est au XIVe siècle qu’il faut le placer, conjoncture qui donne comme résultante, la possibilité de l’admettre comme ancêtre supposé du royaume du Karagwe, par exemple, qui en 1895 en était déjà à son dix-huitième roi.

Mgr GORJU fut lui-même embarrassé lorsque, arrivé en Urundi, il tenta de faire plier la tradition à sa courte chronologie de deux siècles en partant de Ruhinda. Alors que les princes de ce pays se déclaraient eux-mêmes de race bantoue, l’auteur décida : « Notre dynastie est hamite », voulant ainsi la faire remonter de force à Ruhinda, et ajoutant, contre la tradition et leurs caractères anthropologiques nettement différents, « Le mwami de l’Urundi est frère de ceux du Ruanda ». Pour respecter sa chronologie de deux cents ans, Mgr Gorju dut déclarer non seulement que « La dynastie actuelle de l’Urundi compte huit rois, ni plus ni moins », mais décider péremptoirement que « Les Batutsi ne sont pas depuis plus de 200 ans ici ; ils doivent tous tenir dans ce cadre rigide de deux siècles au maximum et, en conséquence, resserrer leur histoire à cette commune mesure ».

On en est revenu, en Urundi, de la courte chronologie de Mgr Gorju, et l’on est parvenu à trouver non seulement une généalogie de seize bami, mais encore à admettre leur existence dès le XVe siècle. Nous ne pouvons souscrire à la chronologie de deux siècles. Si la généalogie des bami du Ruanda comporte 38 noms dont les premiers sont à éliminer car mythiques, nous ne pouvons perdre de vue qu’en règle générale les généalogies des pays environnants présentent toutes un nombre élevé de bami : 16 en Urundi, 32 en Uganda depuis Kintu, 22 chez les Bahavu (Kivu), 18 en 1895 au Kiziba-Karagwe 17 en Ufipa, 13 en Usinja, 16 en Ukerewe, 13 au Nkole. En conséquence, la région des Grands Lacs qui nous intéresse a été administrée, depuis de nombreux siècles par des dynasties qui sont remarquables par leur continuité. Le déboisement du Ruanda a pu commencer il y a plus de 500 ans ; si l’on tient compte d’autre part que le royaume « chamite » du Kitara aurait existé au Xe siècle, à 200 km au Ruanda, que K intu serait arrivé au XIVe siècle à Magonga (lac Wamala) en Uganda, à 220 km du Ruanda, qu’il aurait atteint à la même époque le Budu situé à 140 km du pays qui nous intéresse, que le Koki, encore appelé Kitara, à 80 km du Ruanda, fut occupé de bonne heure par de « purs types de Chamites », nous nous trouverons à l’aise pour essayer d’assigner une époque relativement ancienne à l’arrivée des Bami Banyiginya au Ruanda.