Les travaux de Richard Rombach s’étaient peut-être améliorés, mais sûrement pas son sens de l’orientation. Le 13 octobre 1974, il se perdait de nouveau.

Quelle nuit. Basili et Nemeye commencent leurs recherches à 17 l 40. Je les suis dix minutes plus tard et nous partons sur la piste aux éléphants. Ils grimpent au sommet du cratère, je reste pour faire du feu. Impossible. Nous revenons à la maison vers 23 h, fatigués, mouillés et gelés. Basili et le forestier descendent chercher dix autres hommes pendant que Nemeye et moi faisons des plans pour le lendemain.

Les hommes ne reviennent que vers 5 h 45 ou 6 h, ce qui me met en rage. Ils commencent les recherches et je prépare un point de rencontre avec une litière, des couvertures, du feu, de l’eau et un peu de nourriture. Attendre me met hors de moi. Nous restons assis dans le brouillard et la pluie jusqu’au retour du premier groupe d’hommes. Ils n’ont pas eu de chance, ils ont cherché tout autour du cratère et sur la piste des touristes. Vingt minutes plus tard, Bambari arrive et annonce qu’ils l’ont trouvé. Basili l’avait découvert de l’autre côté de la montagne, juste au moment où il a commencé à pleuvoir. Nous y allons avec un brancard et le trouvons en train de marcher… Je lui demande s’il a une blessure ou une fracture, il dit non.

Dian était prise d’une humeur maternelle et tenait à ce que son organisation méticuleuse serve à quelque chose. Rombach qui était tombé dans un ravin, mais ne souffrait que de contusions fut obligé de s’étendre sur le brancard pour être transporté dans le camp. Dian lui mit des vêtements secs et l’accompagna (toujours sur un brancard) à Ruhengeri, au domicile du Dr Weiss qui venait de partir pour une urgence.

Jusqu’à ce jour, le Dr Peler Weiss, cet imposant et irrésistiblechirurgien français de cinquante-huit ans, n’avait pas été un admirateur de Dian, et réciproquement. Mais cette fois-ci et de la manière la plus inexplicable, il se passa entre eux quelque chose de dramatique et d’explosif.

 Le Dr Weiss et un deuxième médecin examinent Richard, Weiss me tient la main avec force. Je suis au bord des larmes. Cette fois-ci, le Dr Weiss est si gentil et bon envers moi. Pas du tout comme avant.

Pendant que Rombach était envoyé à l’hôpital en observation, Dian était invitée à dîner avec Weiss et son étrange famille qui comprenait une « épouse» noire, un enfant noir, deux enfants blancs et deux métisses.

Pendant le dîner, il me demande : « Vous n’avez pas peur de moi ? » Nous avons parlé aussi de ses « obligations morales » et des miennes qui étaient « mentales ». Il m’a demandé si je croyais être aussi tributaire de mon style de vie que lui du sien. Je lui ai dit oui, il m’a répondu qu’il me respectait plus pour cela.

Il n’a pas permis à sa femme de venir à l’hôpital avec nous — elle était en colère — mais sa fille nous a suivis… Rombach a pris un somnifère.

Dian essaya de dormir à l’hôpital pour surveiller son étudiant, mais finit par y renoncer et se chercha une chambre à l’hôtel le plus proche. Mais dès le matin, elle était au chevet de Rombach, à l’heure de la tournée matinale.

Le Dr Weiss est arrivé à 8 h 20, accompagné d’un autre jeune médecin, beau et bien bâti. Ils lui ont mis un plâtre et je ne vois que le Dr Weiss. Rombach et moi devons aller au service de radiographie. Les résultats sont bons et je le remets au lit. Puis je le quitte et vais voir Weiss qui opère, j’attends longtemps.

Après avoir fini, il exige que je déjeune chez lui, à midi. Je refuse et il est réellement furieux. Il me dit de ne jamais revenir. « Vous ne m’aimez pas. Vous ne voulez pas sortir avec un vieux dos argenté. » Je dis que j’ai du travail, il crie : « Allez-y alors ! » Je ne peux pas dire ce que je veux parce que l’infirmière est là et je ne sais pas ce que je ressens.

Dans le désarroi le plus total, Dian s’arrêta au bar de l’hôtel pour prendre un verre avant de retourner au pied de la montagne et monter à Karisoke. Ce soir-là, elle recourut à un étrange rituel auquel elle sacrifiait dans les grands moments. Elle brûla de l’argent — quelques milliers de francs —, ce qui représentait une somme importante si l’on considère la précarité permanente de ses finances. Peut-être achetait-elle ainsi la bonne volonté des dieux. Le lendemain matin,elle envoya à Weiss un petit mot accompagné de la photo d’un gorille à dos argenté. « Les dos argentés sont mes préférés. Malgré Leur tempérament imprévisible, ils sont nobles et intelligents. »

La journée se passa à travailler peu et à regarder rêveusement deux tourterelles se courtiser devant sa hutte.

On dirait que je me dérobe. Je ne sais pas ce qui se passe. Quel sentiment étrange…

Le lendemain, c’est l’explosion de joie.

Une vraie lettre d’amour du Dr Weiss ! Mais quelle lettre ! J’ai passé la journée à essayer d’y répondre. Quelle sensation merveilleuse ! J’ai X le soir, pas de dîner. J’ai le béguin. Qui l’eût cru !

Avoir X était le code secret de Dian pour désigner l’alcool.

En moins d’une semaine, Weiss se mettait à escalader la montagne pour passer la nuit avec Dian. Il venait seul ou parfois accompagné d’un de ses enfants. Dian attendait ces visites avec impatience.

Je me suis lavé les cheveux dans l’attente de mon amour. Dieu, je désire Peter. Je languis après lui. Oh, Peter, j’ai besoin de toi. Soudain sa vie baignait dans la joie.

6 novembre : Merveilleux contact avec le Groupe 4 dans la région du col où ils sont arrivés après avoir traversé la prairie qui longe la piste du camp. C’était d’autant plus fantastique que j’étais au-dessous, le temps s’est dégagé comme à Kabara où j’avais découvert la richesse du col… J’ai suivi aussi des traces fraîches de buffles. Superbe contact, mais je n’ai pas pu voir Vieille Chèvre et son bébé… J’ai assisté au flirt de Macho et d’Oncle Bert. J’ai repéré un autre dos argenté et découvert des traces fraîches de Peanuts se dirigeant vers le col. Trouvé aussi des excréments, j’espère ceux d’Amok, déposés dans le courant du mois dernier. Excellente journée. J’ai rentré Kima pour la nuit et Richard Rombach est venu me rendre compte de sa journée avec le Groupe S. C’était parfait parce que je suis de nouveau amoureuse.

Mais aussitôt, elle exprime sa crainte de voir cette histoire tourner court comme les autres.

Vers le soir, j’ai eu peur de trop l’aimer et de le perdre, de me retrouver seule une fois de plus.

8 novembre : Une autre lettre d’amour de Peter. Je sais qu’il n’a pas le temps de les écrire, mais je ne peux croire qu’il m’aime autant qu’il le dit. En tout cas, j’ai un espoir pour demain et dimanche. Oh Peter, j’ai besoin de toi.

Le lendemain, Dian recevait un mot de Weiss qui remettait sa visite à la semaine suivante.

J’ai reçu deux lettres de Peter. Il prétend être de garde à l’hôpitalce week-end Entre-temps, j’avais tout préparé pour lui et les enfants. C’est ce qui m’a fait tant de peine. Il ne vient pas et tout était fin prêt. Il est comme tous les hommes, les promesses ne lui coûtent pas cher… Je ne lui écrirai pas maintenant. Il savait parfaitement qu’il était de garde ce week-end et il doit aller à Kigali lundi… L’amour peut faire mal et je suis tellement seule.

Dans ces cas-là, quand elle se sentait rejetée par ceux de sa propre espèce, elle allait chercher une consolation auprès des gorilles. Mais cette fois, même eux n’étaient pas au rendez-vous.

Rwerekana et moi sommes partis à la recherche de Vieille Chèvre et de son bébé. Je vais sur la Piste des Bovins qui s’est allongée depuis la dernière fois, descends vers la grande prairie des hagenias abattus, puis mon instinct me dit d’aller en la région des orties.

Toujours pas de piste. J’ai failli tomber sur un buffle. Je pataugeais dans la boue quand j’ai entendu un grognement. Je pensais que c’était loin, mais je l’ai aperçu à trois mètres de moi. Il a donné un coup de tête et a fait un pas dans ma direction. J’ai calculé que s’il me voyait partir dans la direction opposée, il s’en irait, c’est ce qui est arrivé. Je me suis frayé un chemin à travers les orties, ai émis des sons de gorilles, mais c’est le sifflement de Rwerekana qui m’a répondu. Je l’ai rejoint, puis me suis retournée pour apercevoir encore un autre buffle !… Nous avons passé des heures à tourner en rond sans rien voir, puis nous sommes rentrés à la maison à travers les orties. Il pleuvait et le chemin était horrible.

A mesure que le jour de visite de Peter Weiss s’approchait, son humeur s’améliorait.

L’air a une odeur forte comme le goût de la lobélie, pleine des promesses d’éléphants, de buffles et de gorilles derrière chaque buisson. Il fait clair, on aperçoit les étoiles, mais il n’y a pas de lune. Edith Piaf chante fort sur le magnétophone. Je ne pense pas qu’il aimera le disque, mais il appréciera la nuit si fraîche… Je ne vis que pour demain… Dieu, je l’aime et je suis si heureuse.

Le samedi, Dian prépare une quantité de « bons plats », nettoie sa cabane, natte ses cheveux et se fait belle. Elle accorde un congé pour la journée à son pisteur et à son homme de camp. Puis elle se met à attendre impatiemment.

Je suis folle avant leur arrivée et comme ils sont en retard, je pense qu’ils ne viendront pas.

Mais à la tombée de la nuit, en voyant Weiss et deux de ses enfants, Mimish et Pierre, s’approcher de la cabane, elle oublia toute sa colère.

Dian et Peler Weiss passèrent une bonne partie de la nuit à s’aimer et à bavarder. Il lui parla de sa famille — son père et sa mèreétaient morts, un frère et une soeur vivaient en France — et de sa carrière médicale. Il avait terminé ses études de médecine en 1939, puis s’était battu pendant la guerre, mais il ne voulait pas en parler parce que c’était « trop horrible ».

Il lui raconta que sa femme africaine, Fina, avait beaucoup d’amis et était prête à « tuer » Dian. Elle exigeait vingt mille francs rwandais pour accepter de le quitter. Tout en prétendant qu’ils ne s’aimaient plus, il acceptait que Fina continue à vivre dans sa maison de Ruhengeri, « juste pour s’occuper des enfants ».

Au cours de ses visites suivantes, Weiss devait reconnaître qu’en fait il n’était pas marié avec Fina qui était la mère de trois de ses cinq enfants. Il lui expliqua qu’il s’était marié en France en 1949, s’était séparé de sa femme en 1961, mais étant catholique n’avait vraiment pu être libre qu’à sa mort, en 1974.

Rien de ce qu’il pouvait faire ou dire ne semblait modérer les ardeurs de Diane ou calmer sa terrible anxiété qui était le revers de la médaille.

Je suis si vieille, ridée et laide, c’est affreux. J’essaye de m’arranger pour Peter, mais à quoi bon !

Le 15 décembre, ils commencent à parler mariage et au même moment survient un événement qui, en d’autres temps, eût occupé toute une page de son journal. Mais elle ne lui consacre qu’une brève mention.

 Le jour de Noël, une patrouille m’a amené un braconnier, Hategeka. Je l’ai battu avec des orties et lui ai appliqué ma propre magie sumu[ POISON ndlr]. Les trois gardes qui l’ont raccompagné avaient peur de mon sumu.

Le jour suivant avait lieu la traditionnelle fête de Noël en compagnie des travailleurs du camp et de leurs familles.

Nous avons travaillé comme des fous pour tout préparer. Tout le monde est arrivé vers onze heures, mais il a fallu attendre que Rwerekana et Burumbe finissent de préparer le repas. Je pense que nous étions trente et un, j’ai renoncé à compter. Ils semblaient s’amuser et ont bu beaucoup de bière. Puis ils se sont arrêtés de boire et ont mangé des tonnes de nourriture. Il fallait voir la taille de leurs portions ! Puis j’ai distribué les cadeaux… J’ai vraiment aimé la femme de Burumbe et leur bébé. Ils se sont sûrement amusés. Le pisteur a

amené son père et sa mère, de vieilles personnes très aimables, surtout le père.

Plus tard, ils ont voulu danser et chanter pour la joie. Quel spectacle pendant près d’une heure ! Mukera s’est révélé un formidable danseur. Il a réellement le sens du rythme. Je n’ai jamais rien vu de pareil. Bagaro a tapé sur tambour, les deux forestiers ont d’aborddansé, puis c’était le tour de Kanyarugano et de la femme d’un forestier. Des danses très sexy. Ensuite les hommes ont entamé leurs chants qu’ils ont conclus avec une chanson sur Melle Dian Fossey. La poussière s’envolait et les vers à bois étaient chassé de leurs trous. Tout le monde est reparti heureux et j’étais ravie.

 Kima a passé toute la journée à crier dans sa cage, mais au moins personne n’a été mordu. Après leur départ, Burumbe et Rwerekana ont tout nettoyé et mis en ordre. J’ai fait une sieste de deux heures, avalé un énorme dîner et suis partie faire une grande promenade. La lune était claire et belle. Je n’ai pas rencontré d’animaux, mais un hibou m’a suivie de branche en branche. C’était un enchantement. J’aurais aimé que Peter soit là.

Pendant le début de l’année 1975, la passion que Dian éprouvait pour Peter Weiss se poursuivit au même rythme. Rien d’autre ne semblait l’intéresser, même pas les allées et venues d’étudiants et de chercheurs. Le retour de Kelly Stewart au mois de janvier n’occupe pas une grande place dans son journal, sinon une remarque plutôt malveillante sur la quantité de bagages qu’elle avait apportés. Quant au malheureux Richard Rombach, son départ n’est même pas mentionné.

A la fin du mois de janvier, un botaniste fraîchement arrivé à Karisoke pour y étudier la végétation du mont Karisimbi met le feu à sa hutte par inadvertance. Dian et trois Africains combattent l’incendie en transportant des seaux d’eau depuis le ruisseau du camp. Mais le bâtiment et de nombreux livres de Dian étaient sérieusement endommagés. Dian était à bout : « J’en suis malade. » Cette nuit-là, elle tombe pendant qu’elle transportait un précieux crâne de gorille qui glisse de ses mains et se casse. C’était un des plus mauvais jours de ces derniers mois. Mais le lendemain même, elle est transportée.

Peter apporte un catalogue français plein de photos de bagues d’alliance. J’étais tellement heureuse qu’il ait commandé pour moi une bague de fiançailles et une montre bracelet.

Mais les cadeaux de fiançailles restèrent bloqués à la douane et quand ils arrivèrent au mois d’avril, ce fut la déception.

La bague et la montre sont arrivées, mais il ne veut pas les retirer de la douane. Il dit que les taxes sont élevées parce qu’elles contiennent de l’or. Il a demandé aux douanes de les réexpédier en France. Je suis tellement blessée, mais il ne le saura jamais.

L’incident avait suffi à la replonger dans le cercle de la dépression et de l’anxiété.

Le 29 avril : Hier il a demandé si nous pouvions nous marier dans trois semaines à l’ambassade et a envoyé des invitations.

Ensuite il a dit : « Je t’épouserai à ton troisième mois de grossesse. » Je sais qu’il s’esquive.

Le 4 mai : Je suis déçue que Peter ne soit pas venu hier soir et qu’il n’ait même pas envoyé un mot. Je pense que tout est fini. Si je n’arrive pas à avoir un enfant, il ne voudra pas de moi et je pense que je ne n’en aurai pas.

Le 17 mai : J’ai écrit à Peter pour lui dire qu’il n’avait qu’à reprendre Fina. Je le regrette maintenant… j’ai passé toute la journée à penser à lui et n’ai rien fait d’autre. S’il ne monte pas ce week-end, je ne lui écrirai plus.

Une fois de plus, Dian se tourne vers ses amis des mauvais jours. Ce matin, je suis allée voir le Groupe 4 et les ai trouvés tout près du camp comme s’ils étaient en train de venir me voir. Une belle journée ensoleillée, j’ai passé des heures avec Digit et Oncle Bert. Nous sommes restés étendus au soleil. Je me suis même endormie et en me réveillant, j’ai trouvé Flossie penchée sur moi avec une expression inquiète, comme si elle craignait que je me sente mal. Je suis revenue à la maison pour travailler sur mes notes, mais j’étais trop fatiguée. J’ai pris un bain dans ma nouvelle baignoire en fer-blanc et me suis occupée de nettoyer les ravages du botaniste. Les notes ont pris un temps fou. Je prends encore des somnifères à cause de Peter. Je ne pense qu’à lui et travailler me semble littéralement impossible.

Le lendemain, il pleuvait et Dian resta à la maison. Le bois était humide, la cheminée fumait et le soir, Kima cassa l’une des précieuses lampes à kérosène. Déprimée et malheureuse, Dian se coucha de bonne heure. Une demi-heure plus tard, elle entendit frapper à la porte de sa hutte : c’était Peter Weiss, mouillé et tremblant, qui venait se faire pardonner.

Il avait apporté une montre et une bague achetées sur place pour remplacer celles du catalogue

La montre est celle d’un homme, c’est marqué sur la garantie. La bague aussi ressemble à celle d’un homme. La pierre est jolie, mais la monture est laide et grossière. Je sais que la montre lui était destinée et qu’il me l’a donnée par générosité.

Peter s’en alla à 5 heures du matin pour arriver à l’hôpital à l’heure de ses tournées. Il laissa Dian dans un état de confusion totale.

 Il dit que nous ne saurons jamais nous adapter l’un à l’autre, ce qui ressemble fort à des adieux. Il était si sombre en disant que je mourrais avant lui ! Quand il a vu que je pleurais sans rien dire, il a changé d’avis et a dit : « Non, tu ne mourras pas la première. Ce sera moi. Mais en restant ici, tu gâches ta vie et la mienne. »

 Elle passa le mois suivant à osciller entre l’espoir et la déception, essayant de se plonger dans le travail tout en attendant d’éventuels petits mots de Peter. Ils étaient dans une impasse. Il refusait de monter la voir et lui demandait de descendre.

Il dit que je dois descendre, mais si je le fais, c’en sera fini de moi et il aura gagné. Il le sait. Pour vivre avec lui, il faudrait que je renonce à Karisoke, comment puis-je faire cela ?

Vers la fin juin, Peter céda et grimpa à Karisoke. Les retrouvailles furent passionnées. Le week-end suivant, Dian descendit à Ruhengeri.

Je m’en vais voir mon Peter pour le prendre dans mes bras et être dans les siens I… Eh bien, j’y suis allée mais il était renfrogné et morose. Il se taisait et quand il a fini par parler, nous nous sommes disputés parce que je ne voulais pas venir habiter chez lui avec ses enfants. J’en avais assez de ces manipulations, je suis partie passer la nuit seule, à l’hôtel.

Dian avait proposé quelques solutions de compromis : passer tous ses week-ends à Ruhengeri, ou bien alterner deux semaines au camp et une semaine en ville.

Quand je reçois des étudiants correctement préparés, qui savent surveiller le braconnage et les travaux de recherche des divers groupes, je peux m’en aller. Nous pourrions même partir en France pour un mois.

Aucune de ces propositions ne convenait à Peter, mais il la désirait si fort qu’il continuait à monter à Karisoke et il arrivait même que ses visites soient joyeuses.

Le 12 juillet : Peter s’est réveillé à sept heures du soir. C’était incroyable ! Une des plus belles nuits que nous ayons jamais passées… Il s’est mis à genoux et m’a juré son amour en me disant : « Je n’aime que toi, tu es tout entière à moi. » Il ne pouvait pas faire semblant. C’était sans doute vrai.

 Dans cette situation, Dian avait besoin dans le camp d’une amie à qui se confier. Elle l’avait fait avec Kelly Stewart pendant quelque temps, mais leurs relations étaient malaisées. Elles se gâtèrent complètement quand Dian intercepta et se mit à lire le courrier qu’échangeaient Kelly et Sandy Harcourt. Dian était choquée par l’antipathie véhémente de Sandy à son égard, elle la qualifiait de « véritable haine ». Comme elle ne trouvait pas d’explication à cette inimitié, elle s’imagina que Kelly l’attisait par jalousie.

Elle cessa d’ouvrir les lettres quand elle comprit que la jeune femme le savait. Plutôt qu’affronter Dian et risquer une dispute, Kelly avait dessiné un cadenas au dos d’une lettre destinée à Sandy. Puis elle l’avait remise à Dian qui s’occupait d’expédier le courrier du camp.

C’était suffisant pour que Dian éprouve de la honte et ne touche plus aux lettres. Mais pendant des semaines, les deux femmes ne se parlèrent plus, gardant leurs distances et ne communiquant que par des petites notes. Vers la fin de l’été, Dian se mit à rechercher la compagnie de Kelly dans le seul but de soulager la confusion de ses sentiments et les doutes qu’elle éprouvait envers Peter. Kelly était une auditrice attentive, mais après ces confessions, Dian notait toujours dans son journal : « J’ai trop parlé. »

Ces péripéties amoureuses avaient aussi d’autres effets sur elle. Elle avait du mal à se souvenir des dates et s’aperçut un jour qu’elle s’était trompée de semaine dans son journal.

Je suis réellement dans la confusion. Ma tête ne vaut rien.

Elle perdait aussi ses affaires et avait passé une semaine à chercher un revolver qui était rangé à sa place, parmi ses papiers.

Par une sinistre journée de septembre, Dian descendit à l’aéroport de Kigali pour chercher Peter qui revenait d’un mois de vacances en France. En revenant à Ruhengeri, ils trouvèrent Fina dans un état hystérique devant la maison de Peter et prête à faire un esclandre.

 Tous les enfants étaient avec elle, à l’exception de Joseph qui était avec nous. Devant tous les voisins qui nous regardaient, elle m’a poursuivie avec un bâton et Peter a couru après elle. Je ne l’oublierai jamais. Elle criait et lui aussi. Je me suis retirée et j’ai dit aux hommes de retenir Fina et d’aider Peter. Elle était folle. Il a sans doute souffert parce qu’elle a failli le tuer avant que les hommes ne la maîtrisent. Nous sommes allés dans la maison. J’ai voulu savoir qui garderait ma voiture. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter, mais elle est arrivée avec son bâton et a cassé mon pare-brise tout en tenant Sophie dans les bras. Après, je ne me rappelle plus trop. Il l’a enfermée dans l’office et est allé appeler la police. Pendant son absence, elle a cassé toutes les vitres pour essayer de s’enfuir. Je la surveillais tout en essayant de me cacher dans la maison. Sophie courait après moi en pleurant et en criant. Les autres enfants étaient cachés dans la chambre à coucher. Peter est revenu avec deux policiers et ils l’ont emmenée. Tous les voisins regardaient, mais personne ne l’a aidé.

Vers trois heures de l’après-midi, il est allé à la prison pour la faire libérer, mais à condition qu’elle accepte de quitter la ville. Je ne comprenais pas qu’il la laisse ainsi s’en aller. J’ai pris la voiture du garage et lui ai fait poser un nouveau pare-brise.

RWAMPOGAZI, le chef porteur de Dian, gardait la voiture en compagnie d’un zamu, un gardien. Dian passa la nuit avec Peter. J’ai fait un affreux cauchemar et me suis réveillée en criant. Lelendemain, nous sommes remontés ensemble. Je n’ai mis qu’une heure et demie à grimper, ce qui n’est pas mal pour moi, mais il trouvait que j’allais trop lentement. Samedi non plus il n’était pas de très bonne humeur et s’est comporté comme si je lui posais un problème. Je me souviens de Fina en train de le battre, de ses gros seins sous son T-shirt jaune et du petit Pierre me repoussant quand j’ai essayé de l’empêcher de regarder. Quant à Yves, il a disparu et n’est pas revenu.

Je ne suis arrivée ni à faire parler Peter ni à le faire rire. Je sais qu’il pense à autre chose qu’à son impossibilité de faire l’amour, mais à quoi ? Il dit que nous ne nous marierons que si j’insiste ou si j’attends un bébé. Mais il pense que je ne le pourrai pas et ne semble pas y être intéressé. Je suis certaine qu’il ne m’aime plus. Maintenant je sais que je ne me marierai jamais.

Le 2 novembre, Dian et Kelly étaient en train de bavarder devant la hutte de Dian quand elles entendirent un cri : « Ce n’est qu’un hibou », dit Kelly. Elles tendirent l’oreille et entendirent encore le cri. Dian pensa rapidement à plusieurs possibilités : ce pouvait être Fina ou un braconnier en colère. Depuis que des étudiants américains qui travaillaient dans le centre de recherches de Jane Goodall en Tanzanie avaient été kidnappés et rançonnés par des hors-la-loi politiques, tout semblait possible.

Pour ne pas prendre de risques, Dian enferma Kelly dans l’office et partit chercher son pistolet. C’est alors qu’elle vit Basili en train de traverser la prairie en hurlant. C’était un nouvel incendie. Des vêtements que Kelly faisait sécher près du poêle avaient pris feu et les flammes avaient déjà attaqué les murs et le plafond de sa hutte.

J’ai fait sortir Kelly, puis suis partie les aider pour tirer de l’eau. Mais comme je ne suis pas très efficace à ce jeu, je me suis mise à mouiller la maison. Mais le feu avait pris de l’avance, les hommes étaient paniqués et nous avons perdu un temps précieux à ne rien faire. Sommes restés jusqu’à 3 h — et moi jusqu’à 4 h 30— du matin, à essayer de sauver ses affaires. Je suis épuisée.

La cabane l’était aussi. Mais la perte la plus grave était le monceau de notes que Kelly avait accumulées sur les gorilles.

Très secouée ce matin. J’avais du mal à bouger. Kelly est abasourdie. L’ai invitée pour le petit déjeuner et lui ai dit de dresser une liste de ce qui manque et d’acheter le matériel pour reconstruire la cabane. Je ne me souviens pas de la journée… J’étais malade le soir, j’ai vraiment X et me suis effondrée. Très mal. Aucune lettre de Peter.

 Cette nuit-là, Dian fut réveillée par un cauchemar et se surprit en train de frapper Kima qui dormait avec elle.

Elle tremblait de peur. Je me sens si mal et inquiète pour tout ce qui est en train de m’arriver.

Sinistre et titubante, l’année tirait vers sa fin. Kelly Stewart partit en décembre pour un autre trimestre à Cambridge où elle devait retrouver Sandy Harcourt. Dian restait seule à Karisoke avec son équipe d’autochtones.

Les premiers jours de 1976, elle essayait d’apporter les dernières corrections à sa thèse de doctorat, mais la détresse qu’elle éprouvait l’empêchait de se concentrer.

Je travaille toute la journée, fais de courtes pauses d’après les conseils de Hinde, mais n’y arrive pas. Ce travail n’a pas de fin… Kima est d’humeur solitaire… Je ne me suis jamais sentie aussi seule de ma vie.

Elle se mit à pleurer pour rien-ou par pure fatigue. Les doses d’alcool augmentèrent. Son journal devint incohérent, un mot griffonné ici ou là, ou parfois rien du tout. Elle glissait rapidement sur la pente de la dépression.

Le 23 janvier : J’ai écrit une lettre horrible à Peter. J’en ai tellement assez de tout.

Au mois de février, son journal avait dégénéré en gribouillis illisibles tracés avec violence sur le papier. Elle s’était fait mal au bras et la douleur l’empêchait de dormir.

Le bras va mal. Ne peux pas dormir. Éveillée toute la nuit. J’em… le monde. Non, Peter.

Progressivement l’écriture reprit forme, mais les débuts du journal étaient toujours aussi laconiques.

Le 10 février : Pas bien du tout. Ne peux plus dormir. Le bras va très mal.

Le 11 février : Pas bien. Fais des lectures pour la soutenance de la thèse.

Le 12 février : Demandé à Nemeye de rester ici pour surveiller le feu pendant que je veillais et terminais la thèse.

Quelques jours plus tard, son écriture revenait à la normale, mais son état d’esprit ne s’était amélioré que très faiblement.

Grosse tempête de grêle. Kima est très effrayée. Je descends. Mon bras va si mal que je décide d’aller à Ruhengeri. Première sortie depuis des mois, mais Peter était à Gisenyi et n’est revenu qu’à 18 h30. J’ai dû attendre dans son bureau. Il semblait heureux de me voir et a été très doux. M’a fait prendre un bain. J’ai pleuré presque toute la nuit.

Le jour suivant, Dian passait des radiographies à l’hôpital de Ruhengeri et découvrait qu’elle souffrait d’un cas de tendinite aiguë.

Je suis allée chercher les radios, puis dans le bureau de Peter où tout le monde, vraiment tout le monde, l’attendait. Il y avait une infirmière d’Ouganda avec une fillette atteinte de bilharziose et un bébé en train de mourir d’une fracture du crâne. En voyant le bébé, je me suis mise à pleurer. Peter est tellement respecté et aimé, j’étais fière de lui et honteuse de moi-même.

Lentement, elle reprit ses esprits et se coula dans la routine du camp, cherchant une fois de plus à compenser sa solitude par le contact avec les gorilles.

Sortie à la rencontre du Groupe 5. Contact fantastique. Tous les dos argentés se sont approchés de nous. Pack vole les objectifs après que j’ai pris des photos… J’ai emporté un numéro de la National Geographic avec moi et Puck était très drôle en regardant les photos de gorilles. Mais il a fini par être trop drôle, se comportant comme un fou et me donnant du fil à retordre en fin de contact. Il doit penser que je suis aussi forte que lui. Je me suis demandé pour la première fois s’ils ne commençaient pas à trop s’habituer à moi.

En mai 1976, Dian retournait à Cambridge. Sa thèse venait d’être acceptée et il ne lui restait plus qu’à la soutenir. Elle n’avait jamais eu son diplôme de maîtrise ni même sa licence en ergothérapie et ses connaissances en zoologie étaient réduites, mais son étude sur les gorilles des montagnes du Virunga contenait une telle masse d’informations originales et variées que le jury lui accorda son titre avec plaisir.

Désormais, elle s’appelait Dr Fossey. Après Cambridge, Dian partit pour la Californie où elle devait participer à un colloque organisé par la National Geographic Society, en même temps que le Dr Jane Goodall et une autre candidate au doctorat,’ Biruté Galdikas. C’étaient les trois dames primates de Leakey ou comme on aimait les nommer parfois, les « trimates ». L’occasion était rare pour l’auditoire, mais épuisante pour Dian qui avait la dysenterie.

Après la visite habituelle aux Price, elle partit pour Washington où elle confia des films et des photos à ses sponsors de la National Geographic et rendit compte au Comité de recherches de l’état des choses à Karisoke. En revenant en Afrique au mois de juin, son équilibre affectif s’était presque rétabli.

Son premier souci fut de retrouver ses gorilles. Le lendemain de son arrivée, elle partit avec Rwerekana pour une randonnée de vingt-deux kilomètres le long desquels elle ne trouva — fort heureusement, écrit-elle aucune trace de pièges ou de braconniers.

Une semaine plus tard, elle fit une expédition dans les montagnes de Kabara au Zaïre (désormais, c’est ainsi que s’appelait le Congo) pour s’assurer que tout allait bien pour les gorilles de cette région.

Au cours de l’été 1976, quelques étudiants travaillèrent à Karisoke et Dian les surveilla de près. Certains d’entre eux supportaient mal les «interférences » de Dian, ce qui provoqua des affrontements qui l’exaspéraient.

Qui leur a fourni ce travail ? Qui leur a montré comment faire ? L’arrogance de ces je-sais-tout est incroyable. Un petit merdeux de New York avec une maîtrise m’a demandé où j’avais passé la mienne. Je lui ai demandé de m’appeler dorénavant DOCTEUR Fossey.

Au mois d’août, elle eut des problèmes avec un groupe d’étudiants français.

Je suis allée dans leur hutte pour leur dire qu’ils avaient du retard sur leurs notes et l’un de ces morveux m’a poussée vers la porte et m’a fait rouler le long des marches et par terre. Je pense qu’il m’aurait battue à mort si mes hommes n’avaient pas été présents. Il a crié : « Vous nous traitez comme des singes. » Je pense qu’il est en train de craquer. En tout cas, je garderai ma porte fermée à clé jusqu’à mercredi prochain, jour de leur départ.

L’« étudiant » qu’elle préférait pendant cette période n’était pas du tout un étudiant. Elle avait trouvé Tim White pendant qu’il faisait de l’auto-stop sur la route de Ruhengeri. C’était un jeune Américain qui parcourait le monde à la force de ses semelles. Arrivé en Afrique centrale, il s’était dirigé vers les Virungas après avoir entendu parler des gorilles. Tout en n’ayant aucune formation universitaire, c’était un excellent travailleur sur le terrain qui se dépensait sans compter pour la cause des gorilles. Mieux encore, c’était un bricoleur inventif, ce qui était rarement le cas d’un étudiant en doctorat de Cambridge ou de Stanford. Dès son arrivée, toutes les lampes Aladin et les poêles du camp furent réparés.

Pendant cet été -là, Dian ne vit pas souvent Peter Weiss, mais continua à recevoir des informations secrètes sur le comportement de Fina.

Fina a été vue par Guamhogazi à Ruhengeri avec les enfants, dans le magasin indien. Si elle fait des courses en ville, c’est qu’elle vit avec Peter.

Le 12 octobre : Rwapogazi a rapporté que Fïna était dans la voiture de Weiss avec les enfants. MAIS dans l’après-midi, il était seul dans la voiture tandis qu’elle marchait sur la route, derrière.Au début du mois d’octobre, Kelly Stewart revenait à Karisoke pour y poursuivre ses études. Dian lui fit bon accueil, mais une certaine contrainte régnait entre elles.

Je suis allée voir Kelly qui s’est teint les cheveux, mais est toujours aussi grosse. Elle a commencé par dire : « Je suis heureuse de voir… » puis a laissé sa phrase inachevée. Elle a accroché au mur un dessin de gorille fait par Sandy Harcourt et m’a montré une amulette de fertilité que la soeur de Sandy lui a donnée. J’imagine qu’ils se marieront dès qu’elle aura terminé son travail ici. Je lui souhaite

Le 24 octobre au matin, Dian reçut une « lettre passionnée » de beaucoup de bonheur…

Peter. C’était la première depuis des mois et, malgré sa décision de l’oublier, elle décida immédiatement d’aller le voir.

En arrivant, il était chez lui et m’a désirée aussitôt, mais dix minutes plus tard le téléphone sonnait, une césarienne à l’hôpital, et il est parti pendant une heure et demie. Puis les enfants sont arrivés, horreur. Nous avons recommencé, un type est venu prendre une bière et j’ai dû attendre dans la chambre à coucher. Ensuite le dîner. Il a dit peu de chose au sujet de Fina, sinon qu’elle était venue déjeuner trois fois.

La visite était plus que ratée et en revenant le lendemain à Karisoke, Dian apprit que Cindy avait essayé de la suivre à Ruhengeri, ce qui avait eu des conséquences désastreuses.

Elle a couru sur le chemin après la voiture et deux braconniers, bourrés de boisson, sont sortis d’un bar et lui ont lancé des pierres. Ils l’ont blessée en même temps que Semitoa qui essayait de l’attraper. Mes hommes l’ont reprise alors qu’elle fuyait les braconniers et l’ont ramenée à la maison. Il n’y a rien de cassé, mais elle est blessée. Nemeye a dit que je devrais les attaquer, alors je l’ai fait.

Un des deux hommes qui avait lancé des pierres sur le chien passa deux mois en prison. L’autre ne fut pas retrouvé.

Deux mois plus tard, un groupe de gardiens du parc arriva à Karisoke, accompagné d’un prisonnier. Il fut identifié comme l’homme qui avait disparu après avoir lancé des pierres sur Cindy.

Il paraît qu’il se cachait au Zaïre. Il était ivre. J’ai joué à « lançons des pierres à Cindy » et failli l’achever.

Tim White, le jeune auto-stoppeur, quitta Karisoke au début du mois de décembre pour continuer son tour du monde. C’était un jour triste pour Dian. Mais son remplaçant venait d’arriver. C’était Ian Redmond, un jeune Anglais qui allait surpasser même Tint White. Dian le considérait comme le meilleur des étudiants, mais elle jugeait plutôt son dévouement à l’égard des animaux que ses succès académiques.

Le 7 novembre : Ian arrive vers 7 h 30, habillé de shorts et sans chaussures. Il est fou. Cet enfant ne tiendra pas le coup ici.

 Le 8 novembre : A 9 h 30, le gars Redmond n’a toujours pas pris son petit déjeuner, il veut faire des films, des photos et des tas d’autres choses. Quelle confusion. Il est arrivé d’Angleterre à Monbasa avec 9 £ ! C’est impossible !

Tout en le jugeant écervelé, elle ne pouvait pas s’empêcher de l’aimer. Elle commença à l’appeler, à la fois par dérision et affection, « le garçon », « le gars », et parfois « l’enfant ».

Dans un effort constant de recoller les morceaux, Peter Weiss l’invita à passer Noël avec lui et les enfants. Toujours pleine d’espoir, elle descendit vers la ville.

Peter m’a fièrement offert un magnétophone. Au dîner, nous avons bu du champagne et mangé du gâteau, rien de plus… Nous étions seuls au petit déjeuner, puis il est parti jouer avec sa voiture. Je m’ennuie tellement. Je travaille sur des diapositives.

Un excellent filet pour le déjeuner, puis il fait une sieste. Je reviens à mes diapos et voilà qu’arrive Fina. J’avais peur, mais elle ne m’a pas parlé. J’ai ramassé les prises et suis revenue dans la chambre à coucher. Nous avons attendu qu’elle parte.

Le soir, nous avons joué au Master Mind et j’ai gagné. Nous avons rejoué après dîner et il a tout perdu.

Le lendemain de Noël, elle revint à Karisoke, désenchantée et enfin convaincue de l’impossibilité de partager une vie avec Peter Weiss. Il fallait donc qu’elle continue à vivre du mieux qu’elle le pouvait.

Remonté là-haut dans le froid et l’humidité. Changé de vêtements et préparé la fête pour les deux jeunes qui avaient l’air de s’apitoyer sur leur sort. Jan m’a offert un mobile fabriqué avec des couvercles de boîtes de conserve et Kelly quelques dessins. J’ai donné à chacun une pile d’affaires. C’était très agréable. J’ai préparé un bon dîner et nous nous sommes amusés tandis que la grêle s’abattait comme une furie sur le toit. Ils sont partis bien après minuit. Je ne pouvais pas dormir, tout cela me fatigue tellement.

Le lendemain soir Kelly m’a raconté que le garçon avait passé le plus beau des Noëls et qu’il n’avait jamais eu tant de cadeaux.