Au centre de l’Afrique, au cœur de la région des Grands Lacs, le Rwanda occupe un territoire grand comme les deux tiers de la Suisse, montagneux, fertile, et depuis longtemps circonscrit par la nature : à l’Ouest, sur 100 km, le lac Kivu; au Nord, une chaîne de volcans dont le plus élevé dépasse 4 500 mètres; au Sud, une succession de lacs et de rivières; et à l’Est, le cours puissant et sinueux du Nil-Kagera. A perte de vue, le pays apparaît comme un grand déploiement de collines verdoyantes. Partant d’une altitude de 1200 mètres dans la vallée du Nil-Kagera, il s’élève progressivement vers l’Ouest et le Nord pour y culminer en une large chaîne montagneuse. Celle-ci, plafonnant à 2 000 ou 3 000 mètres, et partiellement couverte de forêts, accroche les grandes formations nuageuses balayées depuis l’Océan Indien et le lac Victoria par les vents alizés. Vaste château-d’eau, en même temps que crête de partage entre le bassin du Zaïre et celui du Nil, elle donne naissance à toute une série de rivières.., et à un fleuve : le Nil, qui sous des noms divers (Mwogo, puis Nyabarongo, puis Kagera) s’écoule vers le Nord-est en direction du lac Victoria. Aux premières heures de la journée, l’infinie succession des collines peut donner des effets inattendus. Le brouillard de beau temps, épandu dans les vallées comme une mer, laisse émerger de sa blancheur cotonneuse une multitude de sommets éparpillés; tandis que tout au Nord, à l’extrémité de la crête Zaïre-Nil, surgit la chaîne des Birunga (volcans). Quoique situé au cœur de l’Afrique, le Rwanda est doté d’un climat doux et tempéré, véritablement méditerranéen : grâce à une altitude moyenne de 1600 mètres, et grâce à la régularité des vents alizés, il bénéficie d’une température moyenne de 18° C (64° F).

Sur les sommets aplanis ou doucement arrondis de ses mille collines comme dans le fond des vallées plus ou moins larges qui les séparent, la terre est généralement bonne et fertile pour l’agriculteur : brune terre de lave dans le Nord et le Sud-ouest, terre latéritique rougeâtre presque partout ailleurs, et terre tourbeuse et sombre dans les fonds de vallée. Dans la plupart des régions, elle donne une double récolte annuelle, grâce à l’alternance de deux saisons de pluies, saines et modérées, et de deux saisons sèches. Pour le reste, le Rwanda réserve les flancs herbeux et caillouteux de ses collines au pâturage d’un cheptel nombreux et vivace.

Sur cette terre qui les nourrit, vivent trois millions neuf cent mille Rwandais. Les villes, et principalement Kigali qui est devenu un important centre d’activité, ont polarisé une centaine de milliers d’entre eux, sans toutefois les déraciner de leurs propriétés rurales. La quasi-totalité des habitants vit donc dans les campagnes et, ce qui est fort particulier, dans des campagnes sans villages. Dispersés par monts et vallées, chaque famille au milieu de ses champs, les Rwandais font de leur pays une sorte de vaste jardin. Chaque habitation, accompagnée d’un ou deux greniers sur pieds, s’entoure d’une haute haie circulaire, le « rugo », qui protège l’intimité familiale, et abrité le bétail rentré pour la nuit. Tout à côté : la fraîcheur d’une bananeraie, puis les champs, puis les pâturages… Malgré leur dispersion, ou peut-être à cause de celle-ci, puisqu’il y a finalement du monde partout, les rapports sociaux sont nombreux, et marqués par de multiples liens de solidarité. Leur harmonie paisible est assurée par une mentalité fondamentalement sociable, par des usages très stricts de courtoisie, et généralement par une grande prudence dans les paroles. Et sur toutes ces collines, dans tous ces « rugo », beaucoup d’enfants. Une multitude d’enfants : trottinant vers les écoles (petits garçons en short kaki; petites filles en robes bleues); ou gardant les troupeaux; ou encore transportant cruches d’eau et bois sec vers la maison paternelle. Importance de cette jeunesse : 52 % du Rwanda ont moins de 18 ans. Et la croissance démographique, évaluée à 2,84 % par an, devrait si aucun élément nouveau n’intervient, plus que doubler la population d’ici l’an 2000. Trois ethnies passablement mélangées (surtout dans l’Est, le centre et le Sud) y vivent aujourd’hui en harmonie : environ 90 % de Hutu, 9 % de Tutsi et 1 % de Twa. Les premiers, en général solides et de stature moyenne, s’adonnent principalement à l’agriculture. Les seconds, plus minces et plus hauts de taille, sont traditionnellement pasteurs. Quant aux derniers, sans être excessivement petits, ils sont en général d’une taille inférieure à la moyenne, et leur occupation la plus habituelle est la fabrication de poteries ou, dans les régions de forêts montagneuses, la chasse. L’Histoire a, comme on le verra plus loin, uniformisé dans une grande mesure les bases culturelles de l’ensemble de ces trois ethnies. Elle a créé aussi, suivant les périodes, des différenciations provisoires. Mais celles-ci, le nouveau régime républicain s’est, pour sa part, attaché à les effacer, dans une volonté de «symbiose constructive »

La formation géologique

D’après nos connaissances actuelles, les montagnes et collines du Rwanda se sont formées dans des temps très anciens, en deux étapes datées respectivement, selon la méthode radiométrique, de 2 à 3 milliards et de 1 à 2 milliards d’années. Il y a environ deux milliards et demi d’années, l’emplacement du Rwanda à la surface du globe devait être entièrement recouvert par la mer. Au fond de cette mer, durant des centaines de millions d’années, se déposa une sédimentation, provenant de l’érosion de régions émergées dont on ignore l’emplacement : cette sédimentation s’accumula sur des milliers de mètres d’épaisseur. Et tandis que les millions d’années passaient, les sols sous-marins furent soumis à des pressions latérales et de bas en haut, de telle sorte que des montagnes se formèrent sous les eaux et peu à peu émergèrent : comme îles d’abord, puis entièrement, l’ensemble de la région s’étant dégagé des eaux.

Cette première apparition hors des mers semble avoir duré des centaines de millions d’années, et pendant tout ce temps les montagnes émergées furent soumises à l’érosion. Tant et si bien qu’elles s’aplanirent entièrement et furent à nouveau submergées par la mer.

Les formations de ce premier cycle ont été désignées du nom de formations rusiziennes, les premières études des terrains formés à cette époque ayant été effectuées dans la vallée de la rivière Rusizi, au Sud du lac Kivu. A ce premier cycle succéda un second, il y a près de 2 milliards d’années : à nouveau, au fond de la mer se déposa une sédimentation de milliers de mètres d’épaisseur. A nouveau, les fonds sous-marins furent plissés par l’action de forces latérales et verticales, et à nouveau les terres émergèrent, sous forme d’îles d’abord, et entièrement dégagées ensuite. Ce second cycle dura jusqu’il y a environ 1 milliards 300 millions d’années.

Ensuite vint une longue période d’un milliard d’années dont les géologues ignorent encore à peu près tout. Peut-être le pays fut-il une fois encore envahi par la mer, et peut-être y eut-il alors de nouvelles sédimentations sous-marines. Mais si ce fut le cas, l’érosion subséquente n’en a laissé nulle trace connue. Seulement peut-on présumer, par référence à l’évolution géologique des régions voisines, qu’après une période d’érosion ayant abaissé et peut-être complètement nivelé les montagnes, de nouveaux mouvements du sol se produisirent il y a 900, puis il y a 600 millions d’années.

Les géologues sont mieux renseignés sur ce que devait être la conformation du pays il y a quelque 300 millions d’années, durant le Carbonifère supérieur. En effet, la présence, dans les régions voisines du Maniéma et du Kivu zaïrois, de vallées glacières et de moraines orientées d’Est en Ouest démontre qu’à l’emplacement du Rwanda et du lac Kivu devaient alors exister de hautes et puissantes montagnes. Dans la suite, celles-ci furent progressivement aplanies par l’érosion. Il y a environ 80 millions d’années, le jeu des incessantes et fortes fluctuations climatiques commença à altérer profondément les roches, entraînant la fixation du fer et de l’alumine en surface, sous forme de cuirasses ou de grenailles, tandis que la silice était dissoute et emportée par les eaux.

Ainsi se formèrent, et se forment encore aujourd’hui, ces sols latéritiques rouges, si caractéristiques de certaines régions du pays. Plus tard, il y a probablement quelque 65 millions d’années, à la fin du Crétacé, l’ensemble de la région se souleva et, si l’on peut dire, se bomba. Au milieu de la vaste arche ainsi formée, se dessinèrent des dépressions lacustres dont bientôt les bords se brisèrent, laissant s’effondrer leur partie médiane, et formant le profond fossé tectonique que l’on désigne aujourd’hui du nom de Graben occidental africain.

Plus récemment encore, il y a sans doute 4 ou 5 millions d’années, à la fin du Tertiaire, le fond de ce Graben s’effondra plus profondément encore, tandis que les régions voisines amorçaient au contraire un mouvement de remontée qui se poursuivit durant tout le Quaternaire. L’intense fracturation à laquelle fut soumise à cet endroit l’écorce terrestre donna lieu au début de cette période à de violents tremblements de terre et à la naissance d’un volcanisme de nature fissurale: d’énormes quantités de basaltes furent expulsées, recouvrant de vastes territoires dans le Sud-ouest du Rwanda, en région de Cyangugu.

Enfin, il y a 3 à 400 000 ans, durant le Pléistocène, alors que cette partie de l’Afrique était déjà habitée par les hominiens du paléolithique depuis plus de 2 millions d’années, une nouvelle activité volcanique se manifesta, dans une dépression perpendiculaire au Graben, au Nord-Ouest du Rwanda, en région de Gisenyi et Ruhengeri. Cette dépression fut progressivement comblée par les laves qui bientôt inversèrent le relief et formèrent un barrage massif d’Ouest en Est à travers le Graben. Il en résulta que de nombreux cours d’eau, qui étaient tributaires du bassin du Zaïre avant la formation du Graben, et qui depuis celle-ci s’étaient orientés vers les lacs Édouard et Albert au Nord et vers le lac Victoria à l’Est, se trouvèrent définitivement barrés au Nord.

Les eaux s’accumulèrent rapidement dans le Graben entre les barrages de laves de Gisenyi au Nord et de Cyangugu au Sud, et formèrent le grand lac Kivu. Elles débordèrent ensuite vers le Sud, donnant naissance au cours mouvementé de la rivière Rusizi. A cette même époque, le lit de la rivière Nyabarongo, cours méridional du Nil, se trouva brusquement obstrué, puis envahi sur 30 km par les laves, et ses eaux durent effectuer une large boucle pour rejoindre, par le lac Victoria, leur ancien cours septentrional.

Les barrages de lave formèrent également deux lacs en altitude, les lacs Bulera et Luhondo, le premier se déversant dans le second 100 mètres en contrebas par une forte cascade, la Ntaruka; et le second se déversant à son tour vers la vallée du Nil-Nyabarongo par une très belle et tumultueuse rivière, la Mukungwa.

Quant à la tendance géologique actuelle, elle est à une remontée des bords et à l’abaissement du fond du Graben, tandis que l’ensemble du pays s’infléchit doucement vers l’Est. Cette tendance favorise la formation des lacs du bassin du Nil-Kagera, où se dessineraient, selon certains géologues, les prémices d’un nouveau Graben encore embryonnaire.

Paléontologie

Les plus récentes sédimentations marines connues au Rwanda, et donc les plus récentes possibilités de fossilisation sous-marine, datent d’environ 1milliard 300 millions d’années. Or en ces temps-là, la vie sur terre n’existait encore que sous la forme d’êtres mous ne laissant qu’exceptionnellement des traces fossiles ; êtres unicellulaires, et végétaux primitifs tels que les algues. Des traces de ces organismes, trouvées ailleurs jusqu’il y a plus de 2 milliards et demi d’années, n’ont pas encore été rencontrées au Rwanda.

A fortiori, l’évolution ultérieure de la vie n’a pu laisser dans les formations rocheuses du pays aucune empreinte fossile. Lorsque cette évolution se fut poursuivie à travers le vaste monde, dans les océans d’abord, et sur les terres émergées ensuite, pendant… disons 2 milliards 497 millions d’années… elle aboutit, de mutations génétiques en mutations génétiques, à un rameau d’espèces pré-hominiennes. Parmi ces espèces, certaines ne purent survivre; d’autres survécurent, mais se trouvèrent bloquées dans leur évolution; d’autres enfin, continuèrent à évoluer lentement vers la lumière de l’humanité. Et bientôt les mutations génétiques donnèrent l’Ancêtre, qui, cessant de se laisser mener par les impulsions de l’instinct et par les contraintes de la nature, réussit à prendre ses distances vis-à-vis de celle-ci et à l’utiliser pour ses propres desseins.

Il se peut que cette évolution capitale se soit réalisée en Afrique, dans la région des Grands Lacs, il y a entre 2 et 3 millions d’années. Tout récemment, divers ossements et outils de pierre datés au radiocarbone de 1750 000 ans puis de 2 600 000 ans ont, en effet, été découverts respectivement à Olduvaï en Tanzanie, puis sur la rive du lac Rudolf au Kenya et dans la vallée de l’Omo où des restes d’australopithèque ont été datés de plus de 3 millions d’années.

Alors commença la période la plus ancienne et la plus longue de l’Age de la Pierre : le Paléolithique. Très longtemps, durant cette période, l’outillage des « hominiens » resta élémentaire, se composant d’os d’animaux, et de gallets éclatés ou très grossièrement taillés. Des outils de ce type ont été retrouvés en abondance dans la partie ougandaise de la vallée du Nil-Kagera, en des sites datés de plus de 500 000 ans. Et l’on peut présumer que le Rwanda, bassin du cours supérieur du Nil-Kagera-Nyabarongo, connut ainsi un peuplement, hominien puis humain, dans les temps les plus reculés.

Les hommes ou hominiens de cette période vivaient en petits groupes nomades. Ignorant l’agriculture et l’élevage, ils subsistaient en parcourant sans cesse de vastes régions, en quête de fruits sauvages à cueillir, de gibier à chasser, et de poissons à pêcher.

Ce mode de subsistance ne tolérait qu’une population clairsemée, et devait donc conduire celle-ci à se scinder indéfiniment et, aux cours de centaines de milliers d’années de vie itinérante, à se répandre à travers le monde entier. Pendant ces centaines de millénaires, l’habileté humaine progressa lentement, donnant un outillage de pierre peu à peu diversifié, et taillé sur toute sa surface : pics, poignards, tranchets… dont certains spécimens ont été retrouvés au Rwanda, dans un site proche de Butare et dans le Bugesera. Bientôt les hommes emmanchèrent leurs outils de pierre. Le rôle de la chasse et de la pêche prit plus d’importance dans leur subsistance. Et ils firent leurs premières sépultures, ce qui semble indiquer la naissance d’un sentiment religieux. Enfin il y a quelques 50.000 ans, les hommes auraient utilisé le feu pour la première fois en Afrique.

Ensuite vint la période dite Mésolithique (entre 10 000 et 7 000 ans avant notre ère), durant laquelle les hommes fabriquèrent des outils plus petits, plus spécialisés aussi, et mieux finis : pointes, burins, grattoirs, racloirs…

Au début de cette période, après on ne sait quelles pérégrinations à travers le vaste monde, les ancêtres des populations actuelles de l’Afrique étaient en place : ancêtres des pygmées de la forêt équatoriale du Gabon, du Congo et du Zaïre; ancêtres des chasseurs de steppe Koïsans ou Bochimans venus du Nord; ancêtres des populations paléo nigritiques ; et ancêtres enfin des populations de langue bantoue, sahariennes et subsahariennes, qui se répandraient plus tard à travers tout le Continent. Aux environs de 9 à 10000 ans avant Jésus-Christ, une autre race encore aurait pénétré en Afrique nord-orientale, en provenance de l’Asie du Sud-ouest via le Moyen-Orient. Cette race, d’apparence caucasoïde, se serait répandue en direction de la péninsule des Somalis d’abord, donnant les ancêtres des Hamites; et quelque 3 millénaires plus tard vers le Maghreb, où elle aurait, croit-on, formé la base des futures populations Berbères.

Le néolithique et la révolution agro-pastorale

Dernière période de l’Age de la Pierre, le Néolithique correspond avec l’une des plus grandes révolutions techniques, économiques et sociales de l’humanité. Si, durant cette période, les hommes améliorèrent encore leur outillage de pierre par la technique du polissage, — et des spécimens de cet outillage ont été retrouvés au Rwanda près de Cyangugu et dans le Bugesera, — leur grande invention, leur découverte révolutionnaire, fut celle de l’agriculture et de l’élevage du bétail. C’est en Asie du Sud-ouest, et peut-être d’abord en Palestine, quelque 7 000 ans avant notre ère, qu’apparut, semble-t-il, pour la première fois dans le monde, l’agriculture. Cette agriculture était céréalière, basée sur le blé et l’orge. Vers 4 500 avant Jésus-Christ, cette technique révolutionnaire fit son apparition dans la partie septentrionale de la vallée du Nil, en même temps que l’élevage de bovidés du type méditerranéen à longues cornes, et celui des porcs, des chèvres et des moutons…

Du Nil septentrional, ces pratiques firent très progressivement tache d’huile vers l’Ouest, y compris le Sahara alors fertile, et vers le Sud, suivant peu à peu le cours du fleuve.

Vers 4 000 avant Jésus-Christ, le Sahara commença à perdre sa relative fertilité. Fleuves et lacs s’y desséchèrent. Ses habitants se déplacèrent vers le Nord et vers le Sud de ce qui allait bientôt devenir un écran désertique presque infranchissable.

Les populations des savanes sub-sahariennes, atteintes par la révolution agricole, adaptèrent celle-ci à leur milieu naturel, remplaçant le blé et l’orge par le sorgho, le millet et l’éleusine. Ces populations devinrent dès lors sédentaires, et l’abondance des vivres leur assura bientôt une vigoureuse expansion démographique, préludant aux grandes migrations à venir vers l’Ouest, l’Est et le Sud.

En même temps que l’agriculture et l’élevage, se développèrent divers arts sédentaires (poterie, céramique, tissage et vannerie…), en même temps que les premières relations commerciales.

Voie de communication de toujours entre l’Afrique et le Moyen-Orient, l’isthme égyptien et la fertile vallée du Nil connurent bientôt l’une des premières grandes réussites politiques et économiques du monde : la royauté sacrée des Pharaons d’Egypte d’abord, et celle des rois de Kouch ensuite. Ces premiers royaumes du Nil jouèrent apparemment à l’égard de l’Afrique subsaharienne un important rôle d’intermédiaire.

Vers 3 000 avant Jésus-Christ, les populations de la vallée du Nil, déjà surmultipliées grâce à la révolution agricole survenue quelque 1 500 ans plus tôt, avaient amélioré leur technique culturale, jougué leurs bœufs pour le labour, et commencé à irriguer leurs terres en saison sèche. Cinq cents ans plus tard, l’Égypte était politiquement unifiée sous le régime des Pharaons, et disposait d’une main-d’œuvre abondante, de grands surplus de vivres, d’un nombreux cheptel, de productions artisanales diversifiées et commercialisées, et d’une riche fiscalité frappant les surplus vivriers.

Elle consolidait son développement en réalisant un grand système de digues et de canaux d’irrigation, organisé et contrôlé par le pouvoir central. La régularité des grandes moissons, base du progrès, était ainsi assurée. Entre 2 000 et 1 500 avant Jésus-Christ, l’Égypte pharaonnique s’étendit encore vers le Sud, occupant la Nubie et le pays de Kouch (Nord de l’actuel Soudan). En suite de quoi, elle entra doucement en déclin. Vers 1250, le pays de Kouch devint royaume indépendant; et 500 ans plus tard ses rois conquirent et dominèrent tout le Nil inférieur, devenant la XXVe dynastie régnante de l’Égypte.

La vitalité de ce royaume de Kouch durera mille ans et lui permettra de jouer bientôt un rôle apparemment très important pour la diffusion de la civilisation du fer en Afrique au Sud du Sahara.