Le  code militaire.

       I. La parentèle.  

  1. La parentèle est la cellule sociale de base dans la politique du Rwânda. On entend par parentèle ou bien un foyer isolé détenant un fief (ou une propriété) autonome ; ou bien un ensemble de foyers ayant un ascendant commun dont ils possèdent, par voie d’héritage, le même fief (ou la même propriété foncière) qu’ils se parta-gent. Il faut entendre ici par « fief », un ensemble de vaches ou de pâturages détenus par les particuliers. Il faut entendre par fief autonome celui qui dépend en toutes ses parties d’un seul et même foyer.
  2. La parentèle est représentée auprès des autorités par un membre de la famille portant le titre de chef patriarcal ou patriarche de parentèle. Le père de famille du foyer détenant un fief autonome est par le fait même chef patriarcal de la parentèle constituée par sa maison. La dignité de patriarche de parentèle se transmet de père en fils par désignation testamentaire faite soit devant l’autorité compétente, soit devant témoins. Les dispositions testamentaires en cette matière peuvent cependant être annulées par l’autorité en faveur du plus capable des héritiers.
  3. Le décès du patriarche de la parentèle est annoncé à son supérieur militaire par l’offrande d’une vache. En cas de mort du chef patriarcal intestat, c’est à son supérieur militaire que revient le droit de nommer son successeur. Lorsque le patriarche décédé ne possédait que des vaches acquises exclusivement par voie de Contrat de Servage Pastoral c’est à son supérieur vacher que revient le droit de désigner le successeur. Pour information : (Le contrat de a servage pastoral « Le Buhake » est un engagement volontaire par lequel une personne, appelée umugaragu vient se recommander à une autre personne d’un rang social plus élevé, appelée shebuja. L’acte de se recommander se dit gukeza, et les relations sociales du maître (shebuja) au serviteur (umugaragu) s’appellent ubuhake. Le serviteur s’engage, vis-à-vis de son maître, à rendre tous les services coutumiers et le shebuja consacre le contrat par l’octroi de vaches ou dans certaines régions de parcelles de terre à cultiver. Les services coutumiers que le serviteur doit prester sont, de la part d’un Muhutu, tous les genres de travaux serviles ordinaires ; tandis qu’un serviteur Mututsi est conseiller, messager, informateur, compagnon d’armes, en un mot, l’instrument d’influence sociale et politique entre les mains de son maître. Ne dispose-t-il pas lui-méme, d’une ramification plus ou moins puissante d’associés constituée de ses propres serviteurs, de ses parents qui ont également leur clientèle et des alliés de sa parentèle ? )

Lorsque le nouveau chef patriarcal est encore mineur, le droit de tuteur est dévolu à sa mère. Celle-ci faisant défaut, toute autre personne de la parenté doit être nommée par le supérieur compétent.

  1. Le Chef patriarcal mineur porte le titre d’orphelin et sa mère celui de veuve, devant l’autorité. L’orphelin et la veuve sont incapables de faute devant les autorités politiques du Rwanda ; ils ne peuvent en conséquence être dépossédés de leurs fiefs, tant bovins que terriens.
  2. L’état d’orphelin est levé au mariage de l’intéressé. A ce moment le tuteur d’office ou celui qu’aura désigné l’autorité compétente doit rendre compte de sa gestion.
  3. Les mêmes immunités et privilèges reconnus par l’autorité à l’orphelin chef de parentèle, doivent être observés par ce dernier vis-à-vis de ses subordonnés. En ce dernier cas, l’état de veuve et d’orphelin prend fin au mariage du premier enfant mâle.
  4. La pratique de la loi du lévirat peut mettre fin au veuvage, si la femme veut en user ; mais l’état de l’orphelin n’en peut recevoir modification. Le parent du défunt que la veuve accepte d’épouser devient par le fait même le tuteur de l’orphelin.
  5. Les fiefs (ou propriétés) tant bovins que terriens, appartenant au nouveau mari de la veuve, restent distincts de ceux du Chef défunt. En conséquence, si le nouveau mari se rendait coupable de faute sanctionnée par la spoliation, il perdrait ses propres fiefs et les autorités respecteraient scrupuleusement ceux appartenant à l’orphelin. Les enfants nés du second mariage doivent recevoir leur héritage, non de leur mère, mais de leur père, sur les fiefs qu’il détenait avant le remariage.
  6. Lorsque la veuve consent à se remarier en dehors de la famille de son mari défunt, elle renonce pour elle et pour son mari, par le fait même, au droit de tutelle mentionné à haut.

10 – Les autorités politiques ne peuvent jamais entrer en contact direct avec les membres de la parentèle pour réclamer quelque prestation que ce soit. Elles doivent toujours s’adresser au chef patriarcal qui doit régler le service de ses subordonnés.

  1. Lorsqu’un membre quelconque de la parentèle juge que son chef patriarcal n’est plus à même de sauvegarder ses intérêts, il peut s’en séparer et fonder par le fait même une parentèle distincte, soumise toutefois au même chef militaire. Il en est, de même lorsque, devant l’autorité compétente, tel membre de la parentèle prouve l’existence d’une malveillance injustifiée dont il est l’objet de la part de son chef patriarcal. Si dans ce dernier cas, le patriarche de parentèle parvenait à prouver que c’est son subordonné qui s’est rendu coupable de félonie, ce dernier serait dépossédé de sa part de fief familial, en observant les prescriptions des art. 108 et 109.
  2. Le Roi est le chef patriarcal suprême de toutes les parentèles du Rwanda. Voir art. 79, 211 et 330.

       II. La formation d’une armée sociale.

13 – L’organisation de l’armée est l’institution sociale de base du Rwanda. Tout Rwandais, quelque soit sa race ou sa condition, y compris le Roi, doit appartenir à l’une ou l’autre armée sociale et avoir un supérieur militaire. Pour information : (Armée sociale : dans la conception traditionnelle du Rwânda, l’armée n’est pas uniquement destinée aux combats ; elle forme une vaste corporation, à laquelle incombent principalement des devoirs et des droits d’ordre social. Ce serait une grosse erreur que d’entendre par armée chez nous des organisations purement militaires).

  1. On ne doit former, en principe, qu’une seule armée sociale par règne. Toutefois le Roi peut en approuver plusieurs que formeraient des chefs influents. Pour information : (C’est ainsi que, sous Yuhi IV Gagindiro, l’importante armée sociale appelée Uruyange « Floraison » fut créée par le chef Rugaju, fils de Mutimbo ; que sous Kigeli IV Rwabugili, son favori Nzigiye, fils de Rwishyura, créa l’actuelle armée dite Abahigi (as de hauts faits).

Cette approbation consistera parfois en l’érection d’une armée bovine (art. 198) que le Roi attachera à la nouvelle milice. L’élément essentiel de cette approbation, avec ou sans armée bovine, est la détermination de son office, une prestation collective à remplir à perpétuité aux ordres de la Cour.

  1. Une armée sociale une fois créée ne peut plus être supprimée, mais elle peut être rattachée à une autre et seulement par décision du Roi. Les armées sociales unies, même de temps immémorial, peuvent être de nouveau séparées toujours par décision du Roi. Pour information : (C’est ainsi que Yuhi II Gahima II scinda les armées unies Abangakugoma (féaux) et Gakondo (sujets patriarcaux), jadis créées par Gihanga ; et qu’au siècle dernier le roi Kigeli IV Rwabugili les replaça sous le même commandement. C’est ainsi encore que les trois armées Ibisumizi (lutteurs corps à corps) et Nyantango (éclaireurs) ainsi que Abaganda (forges), jadis unies par Mutâra I, Semugeshi, furent scindées en deux commandements par Kigeli IV Rwabugili, les Nyantango passant à un chef différent).
  2. La création d’une armée sociale s’effectue ordinairement comme suit :dès qu’un nouveau Roi est intronisé, tous les vassaux attachés à la Couronne par le Contrat de Servage Pastoral doivent lui amener leurs fils, non encore engagés dans un groupement guerrier quelconque sous le règne précédent. Le premier contingent de ces jeunes gens formera une compagnie (Itorero) d’environ 150 à 200 recrues ou davantage.
  3. A la tête de ce noyau primitif de son année personnelle, le Roi place un dignitaire, portant le titre de chef du Palais Royal (Umutware w’urugo rw’umwami). C’est à ce dernier que revient l’honneur d’imposer à cette première compagnie le nom historique sous lequel l’armée en formation passera à la descendance.
  4. Le Roi est membre de son année personnelle. Il doit obéissance et soumission au chef du Palais Royal auquel il fournira en temps voulu et au même titre que ses compagnons d’armes, les prestations sociales imposées par la Cour à tous les membres de l’armée. Voir art. 103.
  5. A cette première compagnie, au cours du règne, viendront s’ajouter 4 ou 5 autres, désignées chacune sous une appellation spéciale.Toutefois les dénominations des compagnies ultérieurement recrutées disparaîtront avec la génération de leurs membres respectifs, tandis que le nom de la compagnie primitive désignera l’armée, de générations en générations. Pour information : (Ainsi, pour ne prendre que les exemples les plus rapprochés de nous, l’armée Ingangura-rugo «assaillants d’avant-garde » créée à l’avènement de Kigeli IV Rwabugili dans les environs de 1854, se composa progressivement des compagnies suivantes : 1° Ingangura-rugo, la toute première ; 2° Inshozamihigo (provocateurs de hauts laits); 3° Ibisumizi (lutteurs corps à corps) ;4° Uburunga (écarlate) ; 5° Inkongi (incendie) ; 6° Ilityaye (javeline acérée) ; 7° Intarindwa (irrésistibles) ; celle-ci composée de Bahutu ; 8° Urwililiza (infatigables ; littéralement lutteurs la journée durant) composée de Batwa. II s’agit ici de compagnies officielles, prenant effectivement part aux combats ; la masse anonyme de l’armée, à laquelle fait allusion l’article 37a, s’appelait Urukundo (amour).

Sous Yubi V Musinga, la jeune milice s’appela : 1° INDENGABAGANIZI (dépasseurs des hésitants), du nom de la première compagnie recrutée ; à celle-ci vinrent s’ajouter progressivement 2° Urushashi (jeunesse ou bouillonnement) qui fusionna avec la précédente pour n’en faire plus qu’une seule; 3°Iziruguru (les palatins) qui fusionnèrent mêmement avec 4° Imparabanyi (vivacités) ; 5° Inshogozabahizi (terreur des rivaux) qui furent également unis aux 6°Imirimba (sveltes) dont était merubre le Roi actuel Mntâra III Rudahigwa ; 7° Intanga-muganzanyo (infligeurs de défaites) qui formèrent un même groupement avec 8°Ibihame (prestigieux) ; 9°Ishyaka (zèle de l’honneur) formée de Batwa. Le groupement des compagnies deux  par deux n’était pas effectif en réalité ; les informateurs qui étaient bien placés pour le savoir m’ont déclaré qu’il avait été décidés de les grouper ainsi en cas d’expéditions militaires, afin que les combattants puissent se renforcer davantage. Seules les quatre premières compagnies, groupées en deux, purent prendre part aux expéditions dirigées, en 1910-1912, contre les révoltés du nord, lors du soulèvement provoqué par Ndungutse).

  1. Ces recrues, fils de la noblesse hamite du pays, constitueront la section des combattants officiels de l’armée en formation. Pour information : (Les combattants officiels, c’est-à-dire ayant reçu la formation guerrière et sociale qui en fait l’élite de la milles, pouvant porter Inkindi (ornement guerrier) sur les champs de bataille et dans les solennités officielles. – Les vavassaux armés, mentionnés à l’article suivant, nous rappellent la Lance du moyen âge occidental. Grâce à cette conception de guerriers -brancardiers, un nombre plus important de Bahutu recevaient, à la Cour, une formation sociale assez poussée car on veillait également à les initier sans restriction et c’est parmi eux que le Roi choisissait les hauts fonctionnaires de l’art. 334 et ceux des échelons inférieurs, art, 345 et 251).
  2. Chaque combattant officiel est toutefois supposé être escorté, jusque sur le champ de bataille, d’une poignée de ses vassaux, sa garde du corps au nombre que permettra la puissance de chacun. Ces fidèles compagnons des combattants officiels constitueront un contingent anonyme, équivalent d’une compagnie, qui prendra part aux batailles sous le couvert de leurs maîtres ; ils serviront de brancardiers pour ramener morts et blessés.
  3. A la tête de chaque compagnie en formation, le chef du Palais Royal nommera un dignitaire subalterne, appelé chef de compagnie (Umutware w’Itorero), qui veillera sur l’éducation guerrière des jeunes recrues.
  4. Chaque jeune homme présenté au chef de compagnie doit au chef du Palais Royal une vache appelée indabukirano ou présent signifiant reconnaissance de son autorité.
  5. Le chef de compagnie et son supérieur doivent se procurer des instructeurs habiles, afin que leurs subordonnés soient rompus aux divers exercices, tant corporels et guerriers que littéraires et artistiques, de règle.
  6. Une bonne partie de la journée se passera en danses guerrières : umuhamirizo, l’arc, l’épée, la lance, etc. ; tir à la cible, lancement de javelines et sauts en hauteur, apprentissage des péans et des odes guerrières classiques. Pour information :

(Les danses guerrières actuelles, appelées du nom générique de umuhamirizo, sont d’introduction récente. C’est la danse du Burundi combinée avec la nôtre traditionnelle de la lance; la première exécution en fut entreprise par l’armée Nyaruguru sous le commandement du prince Muhigirwa, fils de Kigeli IV Rwabugili. Les autres armées adoptèrent le nouvel exercice. — Quant aux péans, ils étaient chantés d’office par des fonctionnaires appartenant à la corporation dite Ibikore, dont la famille était uniquement chargée de la perpétuer. De plus, chaque armée sociale veillait à l’éducation musicale des meilleurs chantres parmi la jeunesse de ses membres, pour perpétuer les hymnes des compagnies ancestrales, car chaque armée avait son hymne ainsi que chaque compagnie à l’intérieur de l’armée, en plus des différents chants composés occasionnellement. En ce qui concerne les odes guerrières classiques, rappelons qu’il en existe toute une série, datant de plusieurs générations, et que, de règne en règne, les jeunes gens en cours de formation guerrière et les futurs aèdes guerriers doivent apprendre par coeur, pour y trouvez des modèles).

Suivant ces mêmes modèles, ils composeront eux-mêmes d’abord l’hymne de leur com-pagnie, puis d’autres chants qu’ils présen-teront au Roi. Ils s’appliqueront spécialement à la composition de leurs propres odes guerrières qu’ils devront régulièrement déclamer durant les veillées des hauts faits. Pour ces dernières compositions, les instructeurs leur indiqueront les titres devant former le début de leurs essais poétiques pour que ces entêtes identiques servent de points de comparaison.

  1. Les instructeurs seront, au besoin, empruntés par le Roi à leurs chefs guerriers, s’il n’y a pas moyen de les avoir autrement.
  2. Les veillées prolongées chaque nuit seront consacrées aux exercices de diction, par déclamation des hauts faits, présidés par le chef du Palais Royal ou par le chef de compagnie, assistés d’autres personnes versées en cet art.

Durant ces séances des hauts faits, les jeunes gens ne débiteront que les odes guerrières de leur composition, auxquelles ils ajouteront des faits d’armes fictifs, à l’imitation des hauts faits modèles qu’on leur aura fait apprendre.

  1. On provoquera volontiers des débats contradictoires pour les habituer à l’argumentation serrée, à la réplique prompte mais toujours calme. Si l’un d’eux, dans le feu de la discussion, cède à un mouvement de colère, à une parole indélicate ou blessante, l’assemblée devra le huer et l’humilier ; on le chasserait même du lieu de la réunion, s’il se cabrait sous le coup de ces moqueries. Ce sera apprendre à tous la maîtrise de soi. Jamais on n’aura de respect pour eux, et ces humiliations ne seront pas regardées comme des offenses. Les propres fils du Roi seront traités de la même façon que les autres.

On incitera les jeunes gens à ne pas laisser impunément passer les saillies de caractère de leurs camarades. Ils doivent tourner en dérision tous ceux qui ne savent pas encore refouler leurs sentiments au fond du coeur. Le courtisan parfait, qui fera honneur à son éducation à la Cour, sera celui qui parlera à son adversaire, voire même à son pire ennemi, avec calme et aménité.

  1. Une fois organisés les premiers cadres de la jeune armée par la formation des premières compagnies, le chef du Palais Royal procédera à l’accroissement de sa milice et à son implantation dans le pays. Pour ce faire, il enverra des émissaires par tout le Rwanda en vue de recueillir les informations nécessaires au sujet des parentèles susceptibles d’être enlevées aux différentes armées préexistantes et d’être incorporées à la sienne en formation.
  2. Une fois ces renseignements mis au point, le chef du Palais Royal en conférera avec son maître et fera convoquer tous les chefs d’armées devant le Roi. Il citera les noms des chefs patriarcaux qu’il désire voir inféoder à son armée. Ces chefs de parentèles seront prélevés parmi les Bahatu, les Batutsi et les Batwa simultanément dans chaque armée, en nombre proportionné à l’importance de cette dernière.
  3. Les chefs d’armée ainsi taxés pourront contester au besoin l’équité de certains choix et en donneront des raisons. Le Roi modifiera les propositions de son lieutenant, si le transfert de telle ou telle puissante parentèle risque de désorganiser ou d’affaiblir notablement l’armée qui devrait la perdre.
  4. Tout le monde étant d’accord, le Roi proclamera le transfert des parentèles en question sous le commandement de la jeune armée et leur séparation définitive rie l’ancienne à laquelle elles avaient appartenu jusque là.
  5. Une fois ce dernier acte accompli, l’armée naissante acquerra la personnalité juridique devant la coutume et sera désormais soumise aux devoirs sociaux incombant aux collectivités similaires vis-à-vis de la Couronne. Les parentèles transférées sous le nouveau commandement devront donner au chef du Palais Royal une vache chacune, au titre de indabukirano, reconnaissant son autorité ; voir art. 23. Les jeunes gens en âge d’être enrôlés seront réclamés des mêmes parentèles, en vue de grossir les compagnies de leur nouvelle année à la Cour.

 

III. A la Cour des chefs d’armée.

 

  1. Chaque chef d’année doit procéder, au même rythme qu’à la Cour, à l’enrôlement de compagnies recrutées parmi les parentèles de la noblesse de son commandement. Pour information : (Ainsi, sous le commandement du prince Muhirwa, fils de Kigeli IV Rwabugili, l’armée Nyaruguru {répertoire d’élites) comptait les compagnies suivantes : 1° Ijuru (le firmament, 2° Intwali (les preux), 3° Abaganwa (les princes), 4° Intera-rubango (lanceurs de javelines) composée de Bahutu ; 5° Ishabi, composée de Batwa).

Il doit faire donner à ces jeunes gens la même formation guerrière, littéraire et sociale que reçoivent les enrôlés de la Cour. Aussi doit-il se procurer des instructeurs précédemment formés à la Cour, si son armée n’en disposait pas d’ailleurs.

  1. Les compagnies en formation chez le chef d’armée sont placées sous la haute direction d’un dignitaire, portant le titre de chef des pages, sous lequel serviront les chefs de compagnie et les instructeurs. L’autorité du chef des pages sera reconnue par le présent de indabukirano, si la jeune recrue est enrôlée en vertu du Contrat de Servage pastoral.
  2. A l’occasion de certaines solennités, toutes les compagnies en formation auprès des chefs d’armée seront convoquées à la Cour, y passeront à tour de rôle des veillées de hauts faits et y exécuteront divers exercices guerriers, en présence du Roi et des chefs.

Alors la Cour pourra confronter les diverses compagnies et comparer la formation guerrière, l’éloquence, etc., que chacun des chefs d’armée aura données à la jeunesse de sa milice.

Le chef d’armée qui aurait négligé la formation sociale de ses compagnies pourrait être destitué.

  1. Les familles Bahutu de chaque armée rachèteront l’enrôlement de leurs jeunes gens par la fourniture de redevances vivrières (amakoro) et de prestations manuelles que toute armée constituée doit à la Cour, avec les modalités de l’art. 98 b.

De ces diverses redevances le chef d’armée livrera à la Cour la quantité imposée par les fonctionnaires compétents. Pour information : (Parmi les fonctionnaires domaniaux, préposés aux services économiques de la Cour, on comptait surtout les trésoriers (Abanyabyuma), auxquels étaient remises toutes les redevances non vivrières; les engrangeurs (Abahunikisha) chargés de recevoir et de mettre les prestations vivrières de l’armée (art. 37) dans les greniers), et retiendra l’excédent pour son propre entretien ; cf. art. 354.

  1. A la mort du Roi, le chef du Palais Royal perd son titre et prend celui de chef d’armée (Umugaba) que portent ses collègues préposés aux milices antérieurement constituées. Le nouveau Roi nomme son propre chef du Palais Royal muni des mêmes pouvoirs et privilèges en vue de former une nouvelle armée. Le chef du Palais Royal sortant, désormais soumis au même sort que les autres chefs d’armée, se verra retirer un certain nombre de parentèles que son successeur proposera d’inféoder à la sienne en formation.